Fille du Ciel [FDS tome 3]

II - Chapitre 14

Jeremy

À peine un jour plus tard, la limousine de M. Thompson s’engageait à nouveau dans une longue allée menant au somptueux domaine de l’une de ses nombreuses connaissances. Il s’agissait de M. Brook et de son épouse, qui célébraient leur anniversaire de mariage avec leurs amis – ou plutôt absolument tous les membres fortunés de leur entourage. Comme cela devenait prévisible, je ne pris même pas le temps d’admirer leur demeure, mais scannai immédiatement les invités du regard. J’avais aujourd’hui deux missions : l’une officielle, l’autre un peu moins.

La première était de recueillir le plus d’informations possibles sur la relation que Thompson entretenait avec les Brooks. Ces derniers étaient soupçonnés par l’équipe de Scott depuis un moment de faire partie du scandale qui se tramait et c’était mon travail de confirmer ou non ces soupçons. Pour ce qui était de la deuxième, vous vous en doutez déjà certainement. Les Hamilton avaient également été conviés à cette soirée dansante et il s’agissait d’une occasion en or pour parler à Savannah. Cela s’avérerait sans aucun doute compliqué, mais j’étais cette fois déterminé à ne pas resté planté devant elle sans voix.

Dans un premier temps, je gagnai le poste que l’on m’avait attribué et surveillai les mouvements de Thompson. La femme de ce dernier était enfin rentrée de sa retraite soit disant spirituelle, mais elle n’était pas restée bien longtemps à son bras avant d’aller rejoindre un groupe de femmes du même âge dont les commérages semblaient être la principale occupation – certainement à défaut d’avoir des maris prêts à les emmener danser. Comme toutes les femmes présentes, elles portaient des robes de soirées très chics, sans être trop formelles, complétées par de nombreux bijoux scintillants. L’atmosphère était certainement autant à la fête qu’au concours de beauté.

Quelques couples seulement avaient osé ouvrir la danse avec une valse, menée par un charmant quatuor de violonistes et violoncellistes. Néanmoins, les danseurs les plus remarquables étaient les domestiques, glissant et virevoltant entre les invités avec des plateaux d’amuse-bouche ou des coupes de champagne à la main. S’il y avait bien une chose que j’admirais, il s’agissait de leur habileté. Je ne pus m’empêcher de penser qu’à leur place, Savannah aurait déjà renversé un bon nombre de coupes. Malgré toute sa grâce naturelle, elle avait toujours conservé un certain degré de maladresse. Ce n’était bien sûr plus un problème pour elle, maintenant qu’elle faisait partie de ceux que l’on servait.

Gardant toujours un œil sur Thompson en pleine discussion avec d’autres invités, je pus voir les Hamilton rejoindre la fête. Arthur Hamilton fut le premier à entrée dans la salle principale, après qu’un domestique eût récupéré son manteau, et il fut bientôt rejoint par sa femme, Béatrice. Un instant, je me surpris à chercher une ressemblance dans les traits de son visage. Ils étaient fins, délicats et parfaitement proportionnés. Ses yeux noisettes étaient parfaitement mis en valeur et ses cheveux blonds étaient élégamment coiffés en chignon tressé. Il était indéniable que Béatrice était une très belle femme et à en croire les regards qui lui étaient tournés, seul son propre mari y était indifférent.

Je ressentais presque de la compassion pour cette femme qui s’était retrouvée mariée à un homme qui en aimait une autre et qui passait chaque jour de sa vie à relever le menton, sourire et faire semblant. Ils avaient probablement appris à s’aimer avec le temps, d’une certaine manière, mais avec un peu d’attention, il était facile de voir que leur mariage était un mensonge.

Arriva ensuite Sophia Hamilton, à la fois au bras de son jumeau, Victor Hamilton, et de son mari, François Sinclair. En l’occurrence, la ressemblance n’avait pas à être cherchée, ils avaient les cheveux, les traits et l’allure de leur mère. Que ce fût naturel ou acquis par un long formatage, c’était assez impressionnant d’en être le témoin. Néanmoins, ils avaient les yeux de leur père et, sans le moindre doute, son sens des affaires.