Savannah
Après avoir souhaité à Victor une bonne après-midi avec Trevor, je décidai de ne pas me rendre tout de suite à la salle de contrôle pour prendre des nouvelles auprès de Michael, mais de prendre un peu de temps pour moi. Ainsi, je me rendis aux cuisines et entrepris de me cuisiner mon propre plat. Nos cuisiniers étaient plus ou moins habitués à me voir débarquer à l’improviste lorsque j’en avais l’occasion et j’étais toujours très bien accueillie. Cela leur permettait de parler à quelqu’un d’autre que leurs collègues qu’ils voyaient déjà tous les jours et toute la journée, et en retour, je bénéficiais de leurs précieux conseils en cuisine.
Bien sûr, tout ce que je faisais était très loin d’être aussi bon que s’ils l’avaient fait mais j’avais au moins la satisfaction de savoir qu’il s’agissait du résultat de mon travail. Ce que j’avais rapidement remarqué en vivant de nouveau chez mes parents, c’était qu’il était bien trop facile de s’habituer à ce que tout fût fait pour vous et servi sur un plateau d’argent. Donc venir ici et ne pas toujours laisser Maria s’occuper de toutes mes affaires, c’était ma petite manière de résister.
Alors que je finissais tout juste mon plat et que nous discutions et rions de tout et de rien avec l’équipe de cuisiniers, des pas lourds se firent entendre dans le couloir et un commis entra, raide et nerveux. Derrière lui se trouvait mon père. Toute l’équipe se releva brusquement et le salua gravement. Il leur adressa un bref signe de tête avant de se tourner vers moi.
– On m’a dit que je te trouverai ici, déclara-t-il simplement.
Sa coiffure et sa tenue n’était pas aussi soignées qu’à son habitude et des cernes étonnamment prononcés se dessinaient sous ses yeux.
– J’avais faim, répondis-je bêtement.
– Pouvez-vous nous laisser quelques minutes ? demanda-t-il aux cuisiniers sans même les regarder.
Ils obéirent sur le champ. Toujours assise sur mon tabouret, j’examinai mon père avec attention. S’il était venu me chercher jusqu’ici, cela devait être important.
– Déjà enfant tu aimais venir ici, dit-il néanmoins. Bien sûr le personnel a changé depuis mais ils aimaient beaucoup avoir ta compagnie.
Je fronçai les sourcils, dubitative face à cet élan de nostalgie.
– Qu’est-ce que tu en sais ? Tu ne passais jamais de temps avec nous.
Mon père s’assit finalement en face de moi et joignit les mains. Ma réponse ne parut pas l’énerver, au contraire, il hocha la tête avec compréhension.
– Je ne peux pas le nier. Mais je me souviendrai toujours d’une chose : j’étais en plein dîner d’affaire et les cuisiniers avaient préparé un soufflé à la framboise pour le dessert, très sophistiqué bien sûr. Les associés l’ont adoré et ils ont fait appelé le chef pour le féliciter. Il les a remercié avec gratitude puis il s’est tourné vers moi et il a dit : « Vous pourrez également remercier Mlle Savannah, Monsieur, elle nous a très gentiment prêté main forte pour ce dessert, bien qu’elle ait regretté de ne pas pouvoir en avoir elle-même une part. »
Je baissai les yeux, troublée. Je n’avais pas le moindre souvenir de cette histoire mais j’avais mon père n’avait évoqué un souvenir qui me concernait avec autant d’émotions.
– Tous les hommes à table ont beaucoup ri alors que je suis resté muet une seconde. Je ne savais pas si je devais être fier ou en colère que ma fille passe son temps dans les cuisines avec le personnel. Ta mère t’aurait réprimandée, c’était certain, mais mes collègues ne semblaient pas y voir le moindre mal, alors j’ai simplement souri. Je m’en souviens parce que ça m’a fait réalisé que c’était toujours comme ça que je me sentais envers toi.
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Fille du Ciel [FDS tome 3]
ParanormalSavannah Teresa Hamilton, dossier n°1617, a été expulsée du pensionnat de Minneapolis un mois avant ses 18 ans et est devenue une fugitive activement recherchée risquant la peine de mort pour trahison. Son seul vrai crime ? Avoir ouvert ses bras à u...