Fille du Ciel [FDS tome 3]

II - Chapitre 23

Savannah

 
De nouveau, l’année passée m’avait appris un bon nombre de petites astuces qui se révélaient toujours utiles avec le temps, comme avoir toujours un peu d’argent sur soi. Ma tenue de combat ne comprenant pas vraiment de poche pour un porte monnaie, je glissai toujours quelques billets dans ma chaussure. Aujourd’hui, cela me permit d’acheter du désinfectant et du bandage et de ne recevoir qu’un regard semi-suspect de la part du caissier.

Je tournai à la voiture rapidement, interrompant Victor dans une profonde réflexion en refermant la portière derrière moi. Je versai du désinfectant sur un mouchoir et mon frère me tendit son bras. Il grimaça lorsque je l’appliquai sur ses plaies. Elles ne me semblaient pas très profondes, mais il n’était pas question de prendre le moindre risque. Je préférais de ne pas lancer de conversation, ignorant dans quel état d’esprit il était maintenant. Néanmoins, il ne tarda pas lui-même à rompre le silence.

– Alors…c’est comme ça que tu passes tes nuits. À battre des gens à mort.

Je fronçai les sourcils, quelque peu perplexe, ne sachant pas réellement comment interpréter son ton. Il ne donnait pas l’impression de vouloir me juger, c’était plutôt une sorte de constatation, mais avec un penchant péjoratif.

– Euh...je…

– Je ne voulais pas…, ajouta-t-il avant de s’interrompre et de fermer les yeux une seconde, je voulais pas que ça sonne aussi critique ou...insensible, désolé, je…

– Ce n’est pas grave, soufflai-je en gardant les yeux posés sur sa blessure. C’est bien comme ça que je passe mes nuits.

Victor prit quelques respirations profondes.

– Je n’imagine pas l’entraînement qu’il a fallu pour que…

– Pour que j’arrive à ôter des vies sans hésiter ? finis-je pour lui.

Il finit par hocher la tête et je finis par hausser les épaules.

– Ça n’a pas toujours été facile, admis-je en commençant à bander son avant-bras. Les premières fois que je me suis retrouvée face à des Lunes, j’étais terrifiée. Mais rapidement, j’ai compris que c’était eux ou moi. Prendre la vie de quelqu’un, c’est…

Je me tus un instant, à la recherche du bon mot, mais aucun ne semblait réellement approprié.

– Ça laisse une trace, déclarai-je finalement. Et je ne parle pas que des cicatrices. Le plus dur ce n’est pas de porter le coup fatal, c’est d’apprendre à vivre avec.

Victor posa alors sur moi un regard si perçant et si sincère que j’eus le sentiment d’être à nue et d’avoir face à moi une toute nouvelle personne. Je terminai son bandage et un lourd silence s’installa de nouveau. Je rangeai les mouchoirs, le désinfectant et le bandage dans la boîte à gant et me préparai à redémarrer.

– Pendant une seconde, reprit alors Victor d’une voix hésitante, j’ai cru que tu allais les laisser me tuer.

Je me figeai malgré moi.

– Pendant une seconde, j’y ai pensé, confessai-je finalement.

Je coupai de nouveau le moteur.

– Mais ce n’était pas raisonnable, ajoutai-je en soupirant. Jason, Charlie et Alec étaient parfaitement capable de protéger Lizzy sans moi, surtout maintenant qu’elle a ses propres pouvoirs et qu’elle sait un peu se battre. En revanche, toi tu avais besoin de moi.

Victor hocha doucement la tête.

– Merci. Merci beaucoup. Tu as bien plus de mérite que Papa ne t’en accorde.