Fille du Ciel [FDS tome 3]

II - Chapitre 37

Savannah

Après avoir passé ce qui avait dû être la pire nuit de ma vie, je ne me sentis pas la force de rejoindre ma famille ou mes Soleils dès le petit déjeuner. Je n’avais réussi à grappiller que quelques minutes de sommeil en continu à chaque fois, toujours interrompues par le souvenir de son regard blessé et de ses reproches cinglants, mais honnêtes. Mon air épuisé et mes yeux gonflés auraient obligatoirement suscités des questions et j’étais encore incapable d’y répondre sans avoir à nouveau les larmes aux yeux.

Je ne savais pas pourquoi je continuais de m’étonner d’avoir un si mauvais karma, après tout j’avais commis un nombre effrayant de choses impardonnables, mais l’univers ne manquait jamais une occasion de me le rendre. Exactement le jour où j’avais besoin que Jeremy ne quittât pas le domaine, mon père avait soudainement décidé de donner à tout le monde leur après-midi. Pour eux, il devait s’agir du calme avant la tempête. Pour moi, c’était devenu la tempête avant l’heure.

J’avais déjà reçu beaucoup de messages m’informant que Jeremy n’était jamais rentré la veille et qu’il n’était toujours pas revenu, ne serait-ce que pour récupérer ses affaires. De plus, il ne répondait à aucun appel ni messages – et certainement pas les miens. Mes Soleils craignaient qu’il n’eût changé d’avis et qu’il n’accomplît plus son rôle dans les prochaines attaques et bien que cela me préoccupais aussi, je craignais surtout que ce fût vraiment fini. Combien de chances laissait-on à une personne avant qu’elle ne les eût toutes épuisées ? Quelle qu’était la réponse, Jeremy m’en avait probablement déjà accordées bien plus que je n’en méritais, mais pour la première fois, il semblait réellement que j’avais franchi la limite et je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même.

Pourquoi était-ce si dur de faire la bonne chose ? Et pourquoi la bonne chose n’était pas identique pour tout le monde ? Alors même que le bout du tunnel commençait enfin à apparaître sous nos yeux, j’avais l’impression d’être plus dans le noir que je ne l’avais jamais été cette dernière année.

Maria m’apporta directement mon petit déjeuner dans ma chambre et elle ne me posa aucune question, mais me laissa le prendre seule, sachant que c’était ce dont j’avais besoin. En temps normal, Jeremy se serait réveillé à mes côtés et nous aurions ri du fait qu’il devait retourné dans l’aile des Soleils en passant par les balcons avant que quiconque ne le vît ici. Ce matin, je m’étais réveillée dans un lit vide lorsque le soleil s’était levée, tourmentée par son odeur encore présente sur les draps.

Installée dans un mon canapé face à un plateau que j’aurais dévoré avidement en toute autre circonstance, je comptais désormais sur mon ordinateur pour me distraire. Je passai en revue quelques plans et rapports, puis je mis à jour mes mails. Lorsque mon regard se posa sur l’un deux, mon visage se décomposa et il ne me fallut pas plus de deux secondes avant de bondir hors du canapé et de m’habiller en vitesse. Je n’avais même pas eu besoin d’ouvrir le mail en question, il s’agissait d’un code.

Je descendis ensuite jusqu’au rez-de-chaussé si vite que les domestiques s’étaient empressés de s’écarter de mon chemin avec surprise et une fois dans la nouvelle immense salle de réunion, je ne pris pas la peine de saluer tout le monde, mais cherchai directement la personne qui m’intéressait. Aussitôt trouvée, je m’efforçai de la rejoindre sans trop attirer l’attention.

– Michael, glissai-je en arrivant près de lui.

Il se retourna vers moi en sursautant.

– Savannah !

Il comprit très rapidement à mon expression qu’il y avait un problème.

– Que se passe-t-il ?