94. Egoïste

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Voilà 72h que je reste cloîtrée chez moi à déprimer, à me demander pourquoi j'ai eu si peu de séquelles lors de l'accident, pourquoi lui et pas moi.

Alors je pleure dans mon lit, le nez enfouie contre ma couette à chercher les infimes restes de l'odeur, du parfum de Zack. J'ai l'impression de devenir folle à lier. Je zigzague entre l'envie de retourner le voir et celle que je n'en ai pas le droit, que je ne le mérite pas.

De plus, les cauchemars que je fait le nuit n'arrange pas mon état. Les images de l'accident, le visage de Zack en sang coincé sous le pickup, puis lui étendu, inerte sur ce lit d'hôpital, où le seul signe de vie qui émane de lui est le battement de son cœur retranscrit par le bruit d'une machine. Sauf qu'il se trouve que dans mon cauchemar ce son si insupportable et pourtant si important et significatif de sa vie cesse et là, tout mon monde s'écroule et je me réveille en pleurant, en sueur, avec un énorme mal de tête.

Encore cette nuit, le même scénario se répète et encore une fois je me lève en pleine nuit pour aller me changer les idées et prend un aspirine. C'est Je suis seule à l'appartement puisque Rob est chez Luke maintenant, de plus j'esquive les appels de mes parents et ceux d'Olivia et d'autre personnes de mon entourage. J'ai envie d'être seule, de ne voir personne.
Même Mr Madden, l'éditeur a tenté de m'appeler pour me féliciter pour la sortie du livre et pour prendre de mes nouvelles, je l'ai presque envoyé paître en prétextant un rendez-vous urgent. J'espère qu'il oubliera très vite...

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Il est plus d'une heure de l'après-midi lorsque j'ouvre l'œil de nouveau. Je frotte mes yeux puis lâches un grognement lorsque j'entends le bruit de marteau piqueur que fait mon téléphone portable en vibreur sur ma table de chevet.
C'est Rob.

Je décide de laisser sonner, mais dix minutes plus tard et une dizaine d'appels manqués, j'entends qu'on tambourine à la porte. Je me lève enfin et enfile un large hoodie noir apparemment à Zack par dessus l'un de ses t-shirts. Il me manque tellement que je fais tout pour le rapprocher de moi, à ma façon.

J'ouvre la porte et tombe sur un Rob tout propre, porteur d'une chemise d'un blanc éblouissant.

- Tu es vivante! Encore un peu et j'appelai quelqu'un pour m'aider à défoncer la porte!
- Tu as encore les clefs...
- Pas sur moi. Bref! Ce n'est pas le sujet!
- Arrête de crier...

Je m'efface pour le laisse entrer, et le voit grimacer en entrant dans l'appartement aux rideaux fermés, et certainement à l'odeur de poussières et de renfermer. Durant mon séjour à l'hôpital, aucune fée du logis n'est venu s'occuper du ménage et je n'ai pas daigné m'en occuper en rentrant.

- Hayleen... tu te laisses aller, ce n'est pas bien.
- Je m'en fiche.
- Ça ne te ressemble pas.
- J'ai dû changer. Fais-Je en haussant les épaules.

Pendant que mon meilleur ami fait les cents pas, j'attrape un restant de pizza que  j'ai, par miracle, pris la peine de mettre au frigo, et le met au micro-onde pour le réchauffer.
Je prends mon petit déjeuner original sous l'œil inquiet de Rob qui ne trouve rien à dire tellement ma condition doit lui paraître inconcevable et décevante.

- Tu devrais y retourner.. au moins essayer d'aller le voir.
- Non, Rob. Je peux pas.
- Pourquoi ça?
- Je le mérite pas. Il est dans cet état à cause de moi.
- Arrêtes de dire des bêtises. Tu sais que c'est faux!
- C'est la réalité.
- Hayleen! Reprends-toi! C'est n'importe quoi ce que tu fais. Tu as vu ce que tu deviens?

Mes sourcils se haussent, c'est vraiment rare de voir le Robert que je connais s'énerver mais je ne me laisse pas faire pour autant.

- Je n'ai pas envie de me reprendre. C'est impossible! Je ne dors plus!
- Pourquoi tu ne vas pas le voir? Je suis sûr qu'il n'attend que ça!
- Il est inconscient!
- Il entend tout! Il t'attend toi! Surtout pour se réveiller, si tu n'es pas là, il restera dans son état et ça va empirer!
- On en est même pas sûr!
- Hayleen! Tu l'aimes oui ou non? Sauve le , il a besoin de toi et tout de suite!

Je ferme la bouche en chassant les gouttes sur mes joues dont je viens seulement de me rendre compte de la présence et lâches un gémissement de douleur. Une douleur qui vient du cœur.
Rob s'approche de moi mais je le repousse en reculant et en m'agrippant à la table de cuisine.

- J'y arrive plus Rob... Sans lui c'est horrible... et quand je pense qu'il est là-bas, qu'il souffre, alors que moi je n'ai rien ça me tus!
- Tu veux qu'on appelle l'hôpital? Je suis sûr que, là bas, quelqu'un pourra t'aider à mettre de l'ordre dans tes pensées. Continue t'il calmement dans le but de m'aider.
- Non.. Je veux voir personne.. Personne à part Zack, en vie, souriant devant moi.. Je chuchote la fin de ma phrase.

Rob baisse la tête puis la relève brusquement les sourcils froncés.

- Moi aussi Hayleen! C'est ce qu'on aimerait tous figure-toi! Fait il d'un ton plus dure, plus sec. Penses à Luke! Penses à sa grand-mère! Eux aussi ils souffrent de ne plus le voir, et pourtant ils vont le voir à l'hôpital. Luke y passe tous les soirs après le travail, il lui parle, pas longtemps, juste ce qu'il faut, mais au moins il y va, parce que tu n'imagine pas la peur qu'il ressent en passant les portes de l'hôpital tous les jours avec la crainte que de nouveau un membre de sa famille l'abandonne!

Les poings serrés, il me lance un regard noir remplis de colère mais également de tristesse. Je l'écoute en tentant de ne pas flancher. C'est la première fois que je le vois comme ça.

- Moi aussi, l'être que j'aime et en train de souffrir, et moi aussi je me sens coupable de ne pas pouvoir l'aider. Mais je n'abandonnerai pas, je continuerai de le soutenir, jusqu'au bout. Alors essais de te souvenir de ça, essais de te souvenir que tu n'es pas la seule à souffrir, que si tu as besoin des gens seront là pour toi, mais que c'est à toi de décider de les laisser t'approcher.
- Rob..

Il baisse de nouveau les yeux vers le sol puis se dirige soudainement vers la sortie de mon appartement.

- Je dois aller en cours. Au revoir Hayleen, pense à ce que je t'ai dit.

Et il referme la porte, me laissant de nouveau seule, les bras ballants, le regard hébétée, le cœur serré au milieu de la pièce.
Je viens de me prendre une claque monumentale en pleine figure. Une fois encore j'ai été égoïste, je n'ai pensé qu'à moi alors que d'autre souffrait encore plus.
Les larmes coulent à torrent, de nouveau, comme de puis presque une semaine.

Alors boitant, m'accrochant au meuble, avançant difficilement je retourne me rouler en boule dans mon lit, sous ma couette, dont je n'ai pas changé les draps depuis l'accident et qui me rappelle tant de bons souvenirs avec Zack.

Il faut que j'y retourne...

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