Chapitre 51.

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— Retourne-toi, Maya, ordonna Alan d'un calme trompeur.

Intérieurement il bouillonnait de fureur et de douleur. La sensation de trahison lui laissait un goût amer dans la gorge. Raide comme un piquet, Maya se retourna doucement, comme si elle craignait de réveiller le prédateur en lui, et de l'inciter à l'attaquer.

Trop tard, songea Alan.

Son loup butait contre les barreaux de son esprit, luttant contre la conscience humaine pour pourchasser l'homme qui avait osé toucher ce qui lui appartenait.

— A... Alan... balbutia-t-elle avec une lueur d'inquiétude dans les regards.

— ça suffit, Maya, gronda-t-il, laissant la fureur du loup percer dans sa voix. Tu as gagné, j'abandonne.

Elle écarquilla les yeux, estomaquer, mais il ne la laissa pas protester.

— J'en ai marre, j'ai été patient avec toi, j'ai attendu que tu sois prête pour moi, je ne suis jamais allé au-delà de ce que tu me permettais. Je me suis battu de toutes mes forces, j'ai été tour à tour, doux et enjôleur, insistant, provoquant. Et pourtant, tu as tout fait pour me repousser.

— Alan...

Elle fit un pas en avant.

— Non, ne bouge pas, réclama-t-il en passant la main dans ses cheveux. J'ai fait tout ce que j'ai pu, mais toi, tu as continué, encore et encore à m'enfoncer des poignards dans le cœur et à les retourner comme si tu t'en fichais.

Choquée, elle posa ses mains contre son propre cœur, comme si elle avait mal. Mais c'était faux, Alan avait mal, pas Maya. Jamais Maya. Alan songea qu'il était tellement en colère qu'il aurait pu la détester, là maintenant. La haïr serait tellement plus simple, ce serait tellement moins douloureux.

— Je me suis démené pour toi, mais au fond tu n'as jamais voulu de moi. Pendant quatre ans, tu t'es contenté de me donner juste assez pour que je n'abandonner pas, mais jamais tu n'as envisagé de céder, n'est-ce pas, Maya ?

Elle ouvrit la bouche pour parler.

— Tait-toi ! rugit-il, la faisant sursauter. Ne parle pas, je ne sais pas ce que je pourrais te faire là tout de suite, si tu me provoquais un peu plus.

Alan se frotta furieusement le visage, perdu. Mais finalement, il n'y avait qu'une seule conclusion à cette conversation.

— Qu'importe ce que je fais, c'est Leo que tu as choisis. Alors voilà, Maya, tu as gagné : j'abandonne. Je ne te poursuivrais plus de mes avances, je vais juste... disparaître.

Elle fronça les sourcils. De la peine ? Alan doutait. Il n'avait jamais envisagé que Maya puisse être une personne égoïste et méchante qui jouait avec les émotions des gens, mais aujourd'hui, il doutait d'elle pour la première fois de sa vie. L'amour rend aveugle, disait-on.

— Je t'aime, Maya... je t'ai toujours aimé, et peut-être même que je ne cesserais jamais de t'aimer, que tu puisses ou non me donner des enfants, mais ça n'a jamais été réciproque. Et même moi je ne peux pas tout supporter. Alors c'est fini.

Inspirant difficilement pour déloger la boule dans sa gorge qui lui donnait envie de pleurer comme un enfant, Alan tourna les talons et laissa Maya seule dans le couloir. Il ne pouvait pas rester au manoir, il le savait, c'était trop risquer, il se connaissait, dès qu'il en aurait l'occasion, il recommencerait à nourrir son amour malsain pour la guérisseuse. Il n'y avait donc qu'une seule option envisageable...

À cette heure-ci, Ethan était probablement déjà dans son lit, alors il irait le voir demain.

***

Maya avait conscience d'avoir merdé. Et ce n'était pas seulement l'atroce douleur dans son ventre qui lui faisait dire ça. Elle se sentait horriblement mal et elle savait qu'elle n'avait pas le droit.

Tout ça, c'est de la faute de Leo, se dit-elle.

Elle secoua vivement la tête.

Ne sois pas de mauvaise foi, Maya, c'est de ta faute et seulement de la tienne.

Après tout, ce n'était pas Leo qui l'avait incité à repousser Alan. Tout ce que ce dernier avait dit était vrai, au fond. Elle s'était protégée de la douleur de le perdre en le repoussant jamais assez fermement pour lui laisser croire qu'il n'avait aucune chance.

Elle l'avait vu dans son regard, bon sang, elle lui avait fait tellement de mal par égoïsme. À quel moment était-elle devenue aussi odieuse ? Que c'était-il passer dans sa vie pour qu'elle préfère blesser Alan plutôt que d'être blessée. Elle avait pensé que ce serait atroce pour elle de le laisser partir, mais pas une seule seconde elle ne s'était demander ce que ressentirait Alan d'être constamment rejeté. À vrais dire, elle avait cru agir pour le mieux, les préserver tous les deux d'une vie commune où ils ne pourraient être heureux. Au lieu de quoi, elle lui avait fait du mal, et elle avait aussi mal que lui. Il lui avait dit qu'il l'aimait, même si elle ne pouvait pas enfanter. Oh, comme elle aurait voulu le croire. Peut-être qu'elle le croyait un peu.

Maya savait qu'elle était en train de pleurer. Elle en avait conscience, sentait les larmes rouler sur ses joues, reconnaissaient leur goût de sel si familier. Pourtant, elle était incapable de bouger, d'aller dans sa chambre. Elle se sentait dévaster, comme si on lui avait arraché le cœur. Elle venait de perdre la seule personne qui l'aimait réellement. Tout ça parce qu'elle avait été incapable de voir qu'elle était horrible avec lui.

Maya n'avait pas le droit de se sentir triste, mais elle était incapable d'arrêter ses larmes et de faire taire la douleur. Alors elle resta là, laissant les larmes défaire son visage, incapable de trouver la volonté de se déplacer.

Son cœur venait de se briser à ses pieds.

2- La Meute Eclipse - Minuit TorrideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant