Chapitre 55.

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Maya ! Tu es encore en train d'écrire une lettre à ce foutu changelin ? rugis une voix.

La jeune fille sursauta et cacha vivement le papier couvert d'encre dans son dos.

C'est faux ! nia-t-elle.

Elle ne voulait pas qu'elle lui prenne sa lettre.

Quand vas-tu comprendre qu'il t'a déjà oublié, petite sotte ! Jusqu'à preuve du contraire, il ne t'écrit plus lui, et on n'a pas de papier et d'encre à gaspiller pour quelqu'un qui se fiche de toi.

Maya sentit les larmes lui monter aux yeux.

C'est faux ! Alan ne m'oublierait jamais ! C'est mon meilleur ami !

La prêtresse éclata de rire comme si elle venait de raconter la meilleure blague du siècle.

Tu t'es prise pour qui, au juste ? Tu n'es qu'une sorcière, tu n'as pas d'ami, et pas de famille.

Si j'ai une famille ! hurla-t-elle furieuse.

Ça lui valut une claque sévère de la part de la femme.

Ta famille t'as abandonnée à partir du moment où elle t'a livré à nous. Personne ne veut d'une sorcière, Maya, fait toi à l'idée. Ta maison, c'est ici maintenant, et tu ne la quitteras jamais. Tu entreras au service des prêtresses dès que tu en auras l'âge, et le seul homme que tu fréquenteras sera le gardien qui te sera assigner. Avec un peu de chance, il ne sera pas très regardant.

Le mépris dans les yeux de la prêtresse était flagrant, et ses mots semblaient plus justes et vrais à chaque année qui passait. Pourquoi Alan n'était toujours pas venu la chercher ? Elle lui avait envoyé tellement de lettres...

Pourquoi il l'avait abandonné ?

Maya se réveilla en sursaut, encore pleine de la rancœur et la fureur de la jeune fille qu'elle avait été. Elle se figea en réalisant qu'elle était dans le noir. Seul dans ces cachots pourris où elles avaient l'habitude de l'enfermer. Elle senti une crise de panique la prendre à la gorge.

— Maya ? Respire Maya, c'est moi, Alan... fit une voix tout près d'elle, suivit de deux bras protecteurs autour d'elle.

— Alan... Alan... il fait tellement noir, hoqueta-t-elle.

Elle avait l'impression d'avoir un poids sur la poitrine qui l'empêchait de respirer correctement. Elle ne remarqua même pas que le mâle s'agitait près d'elle jusqu'à ce que le crépitement d'une allumette attire son attention, suivit par la douce lueur d'une bougie.

— Respire, Maya, ordonna-t-il en l'aidant à s'asseoir. Inspire, expire.

Suivant les ordres clairs du loup, elle força l'air à entrer dans ses poumons jusqu'à ce qu'elle n'ait plus l'impression de suffoquer.

— Là... c'est bien, tout va bien Mey, je suis là...

Elle n'était pas dans le cachot, elle était plus là-bas. Elle était dans la chambre d'Alan, avec son loup à ses côtés. Les prêtresses avaient eu tort, Alan ne l'avait jamais abandonné. Le soulagement l'envahit, chassant les dernières lueurs de ténèbres.

En sentant ses immenses mains sur ses cuisses, Maya réalisa qu'elle était nue. Enfin presque, les lambeaux humides de la robe étaient encore accrochés autour de sa taille. Elle remonta timidement ses pieds sur le lit pour presser des genoux contre sa poitrine, soudainement pudique.

— Hum... Alan, est ce que je pourrais... commença-t-elle gêner.

— Tous ce que tu veux, accepta-t-il.

Elle se mordilla la lèvre inférieure.

— T'emprunter des vêtements pour... tu sais, m'habiller.

Le visage du mâle se détendit, et il prit un air amusé.

— Oui, c'est le principe des vêtements, en général.

Il se releva et lui caressa la joue.

— Je vais te chercher un verre d'eau, fait comme chez-toi.

Hochant la tête, Maya attendit qu'Alan disparaisse dans la salle de bain pour se lever et trottiner jusqu'à la commode. Elle commença par lui piquer un caleçon avant de chercher les t-shirts. Sauf que dans sa maladresse à vouloir en sortir un au hasard, ses doigts percutèrent quelque chose de dur. Curieuse, elle le sortit et découvrit une correspondance. Ses yeux se remplir de larme en reconnaissant l'écriture incertaine de la fillette qu'elle avait été. Elle enfila rapidement le t-shirt pour pouvoir s'y pencher.

Émue, elle commença à les faire passer. Les premières lettres racontaient comme l'internat étaient géniales. Maya se souvint qu'au début ça lui avait plus. Mais ça n'avait pas duré. Les prêtresses avaient juste endormi son esprit d'enfant pour mieux l'a briser.

Elle avait écrit tous les jours durant une année avant qu'on le lui interdise. Puis ça n'avait été qu'une lettre par semaine, puis une par mois, et pour finir, une quand elle avait accès à de l'ancre et du papier, et un peu de temps devant elle. Pourtant... Maya en était sûr, ce n'était pas son écriture sur les lettres qui suivait les dix premières. Inquiète à l'idée de ce qu'elle pouvait y trouver, elle tira la première lettre suspecte du paquet et l'ouvrit. Elle avait été lut de nombreuse fois, pourtant... Maya suivit des yeux les lignes régulières des mots qui ressemblait à son écriture, mais qui ne l'était pas :

"Mon Cher Alan,

L'internat est toujours aussi bien, je me suis fait plein d'amie, les jeunes filles ici sont comme moi, et on s'entend super bien. Les prêtresses font en sorte de répondre à toutes mes questions, et les cours sont passionnants.
Je n'ai pas beaucoup de temps pour t'écrire, ces temps-ci, j'oublie, mais je ne t'oublie pas.

Bisou, Mey"

Maya sentit des larmes lui monter aux yeux et passa à la lettre suivante, et celle d'après et d'après encore. Elle disait toute plus ou moins la même chose, racontait parfois des anecdotes qu'elle n'avait pas vécu, lui inventait une vie qui n'était pas la sienne. Et chaque lettre était plus éloignée de l'autre, plus brève, plus impersonnelle.

Maya sentit la présence d'Alan dans son dos, il passa ses bras autour de sa taille après avoir déposé le verre d'eau et l'embrassa sur l'épaule.

— Ce sont les lettres que tu m'as envoyées, lui dit-il. Tu avais l'air tellement bien là-bas, sa voix se fit plus sombre. J'ai passé, c'est quatre dernières années à me demander ce que j'avais manqué dans tes lettres, parce que ton comportement n'était pas celui d'une femme ayant eu une belle adolescence.

Maya se mit à sangloter malgré elle et se retourna dans ses bras en comprenant l'horreur et le vice des prêtresse.

— Alan... ce n'est pas moi qui ai écrit ces lettres...

2- La Meute Eclipse - Minuit TorrideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant