Chapitre 17

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- Daemon, je te retrouve enfin ! fit une femme en se jetant à son cou.

Cette odeur... Il l'aurait reconnue entre mille.

- Xéphyra !

La jeune femme tourna la tête, l'inclina sur le côté et observa d'un œil défiant le témoin qu'elle considérait comme gênant.

- Valérius, tu peux nous laisser maintenant.

Valérius regarda son ami d'un air interrogateur, lui demandant silencieusement s'il devait intervenir ou non. Après un ultime regard, il répondit d'un hochement de tête et s'en alla.

- Alors, tu ne m'embrasses pas ? fit-elle en se tournant vers Daemon d'une voix mielleuse, les bras toujours autour de son cou.

- Ce n'est pas une bonne idée.

Il essaya tant bien que mal de se détacher de ses griffes acérées, en vain. Elle était collée à lui tel un aimant.

- Cela fait longtemps qu'on ne s'est pas vus. Tu m'as terriblement manquée.

- Si j'ai bonne mémoire, il me semble que nous avions rompu il y a longtemps.

- Tu as commis une erreur il y a un siècle, mais je te pardonne. Tu es là maintenant.

- Xéphyra, je suis désolé mais c'est non. Je ne peux pas.

Cette fois, elle ne résista pas lorsqu'il se libéra de son emprise et laissa retomber mollement ses bras le long de sa taille.

- C'est à cause d'elle, n'est-ce pas ? C'est à cause de la femme que tu retiens prisonnière ?

- Les rumeurs vont vites à ce que je vois.

- Certains pensent que c'est ton âme-soeur. Dis moi que ce n'est pas le cas !

Il se contenta de baisser les yeux, son absence de réponse la fit tressaillir.

- Alors c'est vrai ! Elle ne te rendra pas heureux, Daemon.

- Je pense pouvoir juger par moi-même.

- Cette sale devineresse n'est qu'une garce capricieuse et égoïste, et ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les rumeurs qui courent à son sujet !

Le ton qu'elle avait employé ne lui plut pas. Il l'attrapa par le coude et la secoua légèrement.

- Cette femme sera ta future reine, alors je te prierais de la respecter.

Xéphyra demeura bouche bée.

- J'espérais vraiment mieux pour toi. Mais ça ne pourrait pas être pire. Le peuple ne l'acceptera jamais.

Les paroles de Xéphyra étaient certes déplaisantes à entendre, elles n'en restaient pas moins vraies. Kaya était égoïste, elle mentait, trichait, trompait. Elle ne reculait devant rien pour obtenir ce qu'elle voulait, quitte à sacrifier tout ce qui se trouvait sur son passage. Seule la femme de son frère semblait voir en elle certaines qualités. Il ignorait comment son peuple réagirait, mais il était évident que son peuple ne l'accepterait pas, en tout cas pas au début. Pourtant, il ne pouvait s'empêcher d'espérer.

- Nous avons une histoire en commun, nous sommes de la même espèce.

- Le jour où tu rencontreras ton âme-soeur, Xéphyra, je serai vraiment ravi, car enfin tu comprendras ce que je ressens.

- Je l'ai déjà rencontré.

Daemon haussa les sourcils, surpris.

- Alors...

- Je l'ai rencontré, il y a une trentaine d'années, c'était un hybride, mi-incube, mi-fantôme. Ensemble nous avons eu une fille.

- Était ?

- Il est mort peu de temps après la naissance de notre fille.

- Je suis désolé.

- Ne le sois pas. Nicolaï était un homme bon, mais nous n'avions aucun point commun. Il n'y avait aucune passion entre nous, pas d'amour. Nous n'étions pas malheureux, mais nous ne nous noyions pas dans le bonheur non plus. Il faut croire que le destin se trompe parfois, et qu'il ne réunit pas toujours ceux qui sont destinés à être ensemble. C'est par expérience que je te dis que cette devineresse n'est pas faite pour toi. Tout le monde sait ce qu'elle est, elle n'a pas sa place ici. Et elle t'a visiblement ensorcelé, sinon tu t'en rendrais compte.

- Xéphyra...

- Moi, je pourrais te rendre heureux. Je ferais une reine respectable dont le peuple pourrait être fier. Nous pourrions élever ma fille ensemble, tu l'aimeras comme si c'était la tienne. Si tu veux d'autres enfants, nous pourrions en adopter.

- Si Kaya nous trouve aussi proches, toi et moi, comment crois-tu qu'elle réagirait ?

- Elle ne serait pas jalouse, si c'est ce que tu t'imagines. Elle ne tient pas à toi comme moi de toute évidence, sinon tu n'aurais pas eu besoin d'un sort pour la retenir au château. Moi je t'ai énormément pleuré depuis ton départ.

- Comme tout les autres membres de mon clan.

- Pas autant que moi. Je n'ai jamais cessé d'attendre ton retour.

- Tu n'aurais pas du. C'est peut-être la raison pour laquelle cela n'a pas fonctionné entre ton âme-soeur et toi. Tu aurais dû lui laisser une chance.

- Je n'en voyais pas l'intérêt. Il n'était pas toi. Pense à ma proposition. Je fais partie de ce royaume, bien plus que cette devineresse que tu retiens prisonnière. Le peuple me respecte déjà car je suis l'une des leurs. Elle, ils ne l'accepteront jamais, tu le sais. Elle est égoïste, vulgaire, et il ne fait aucun doute qu'elle ferait une bien pitoyable reine.

- Xéphyra, cela suffit !

La jeune femme écarquilla les yeux, visiblement sidérée par le ton dur qu'il avait employé.

Daemon eut un frémissement de colère. Cette conversation lui déplaisait de plus en plus. Jamais il n'avait été aussi sûr que Kaya était celle que le destin lui réservait. Autrefois, Xéphyra lui avait inspiré de la compassion. Ils avaient une histoire en commun, comme elle l'avait dit. Sa chevelure brune cascadait sur ses épaules, son corps à la fois gracieux et musclé, nulle doute que c'était une femme magnifique. C'est ainsi qu'il avait fait d'elle sa maîtresse attitré, lasse de voir dans son lit une femme différente chaque jour. Pourtant, il n'avait jamais éprouvé autre chose pour elle qu'une simple affection. Il ne ressentait pas pour elle ne serait-ce qu'une fraction de ce qu'il éprouvait pour Kaya. Tandis que lui, après avoir mis fin à leur relation, était retourné à sa quête, traquant les ennemis sur les champs de batailles, cherchant son âme-soeur, elle s'était entichée de lui et ne cessait de lui demander bien plus qu'il ne pourrait lui donner. Et à cet instant, alors qu'il l'écoutait discréditer sa promise, les raisons de leur ancienne amitié disparaissaient peu à peu.

En fin de compte, Xéphyra n'avait pas entièrement tord. Peut-être bien que la devineresse l'avait bel et bien ensorcelé. Il ne pensait et ne jurait plus que par elle.

Il se racla la gorges, décidé à calmer son ton.

- Xéphyra, ce qu'il y a eut entre nous, je ne le regrette pas, mais je n'en suis pas fier non plus. Je n'ai jamais voulu te donner de faux espoirs. Je t'aiderai, toi ainsi que ta fille, vous serez toujours bien accueillies au château. Mais entre toi et moi, il n'y aura jamais rien d'autre que de l'amitié.

Elle recula d'un pas, comme si quelque chose l'avait brûlée, le regard froid.

- Ce n'est peut-être pas moi, et ce ne sera peut-être jamais moi. Mais dès que tu ouvriras les yeux, dès que tu te rendras comptes de qui est réellement cette personne que tu gardes dans ta chambre en ce moment, tu sauras que ce n'est pas elle non plus.

Après un ultime regard emplit d'espoir, lorsqu'elle vit qu'il restait indifférent à ses attentes, elle lui tourna le dos et s'en alla.



Les Frères De La Nuit -2- La Morsure Du DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant