5 - Joséphine

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Le lendemain, je m'éveille progressivement, le son strident du vibreur contre ma table de chevet en bois me tirant hors de mon sommeil. Mes paupières s'ouvrent avec effort, s'adaptant à la douce luminosité qui filtre à travers les rideaux entrouverts. Les contours de la pièce se dessinent peu à peu, tandis que je me redresse en m'étirant, chassant les dernières brumes du sommeil.

Mon regard se pose sur mon téléphone posé à côté de moi, son écran illuminé par une notification. D'un geste encore engourdi, j'attrape l'appareil et déverrouille l'écran, découvrant un message de Casey dans le groupe que nous partageons.

«On se rejoint à dix-neuf heures devant le local.»

Après avoir répondu, je me lève du canapé et nettoie le bol avant de me diriger vers la douche pour me réveiller sous l'eau fraîche. Une fois ressortie, je m'habille en choisissant un haut en dentelle et un jean bleu. Profitant de l'après-midi, je décide de faire les courses en écrivant rapidement une liste sur un morceau de papier arraché d'un de mes cahiers. J'attrape mon sac et attache mes cheveux encore humides avant de quitter mon appartement. En fermant la porte à clé, je glisse cette dernière dans mon sac et descends les escaliers en direction du parking souterrain.

Une fois à l'intérieur je perçois Blake descendre de sa voiture. Les cernes sous ses yeux, et le rouge à lèvres rouge dans son cou résument sa nuit. Une pointe de détermination dans mon sourire, je passe devant lui, empruntant mon propre chemin. Mon regard glisse furtivement vers le sien, et je remarque le bref échange de regards. Sa voix, soudainement perçante dans le silence ambiant, rompt cette séquence fugace.

— Quoi ? 

Son intonation est froide, tranchante, comme une barrière que l'on dresse pour se protéger.

— Rien, ça se voit que tu as passé une superbe nuit, dis-je d'un ton amusé.

Un instant de silence, son regard semblant sondé mon âme, puis il claque la portière de sa voiture d'un geste décisif.

— Ça te regarde pas.

 Sans plus attendre, il détourne son attention, amorçant un mouvement pour s'éloigner.

— Si tu ne veux pas qu'on le sache pense à te regarder dans le miroir avant de partir de chez une de tes conquêtes.

Avec un sourire en coin, je m'installe dans ma voiture. Aucune réponse de sa part, ou peut-être ne lui ai-je pas laissé le temps de parler. Il demande tellement d'énergie.

Je démarre le moteur et quitte le parking en allumant la radio. Sous la chaleur suffocante, je saisis mes lunettes de soleil et les ajuste sur mon nez pour me protéger les yeux. Malgré cela, je décide d'abaisser la vitre pour laisser l'air caresser mes cheveux et les sécher. Je suis attentive aux indications du GPS tout en évitant soigneusement les collisions avec les autres véhicules.


Une fois les courses finalement achevées, je retourne chez moi, laissant derrière moi le tumulte des allées bondées du supermarché. La familiarité de ma place de stationnement m'accueille, et je coupe le moteur. Un soupçon de contrariété monte en moi, prévoyant déjà l'effort à venir pour monter les escaliers chargé de sacs lourds. Je rassemble mon courage et attrape mes sacs. Les sangles me brûlent la paume de mes mains, et mon front est couvert de sueur alors que je m'engage dans la montée. Soudain, la sortie d'un appartement voisin s'anime. Mon regard se lève pour rencontrer celui de Peter, dont le sourire rayonne

— Oulà, tu as besoin d'aide peut-être ?

— Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vu, lui dis-je en posant mes sacs à terre.

Il saisit les deux sacs sans plus attendre, commençant à gravir les marches avec une aisance qui me fait presque rougir de ma propre fatigue. Chaque mouvement qu'il fait semble naturel, contrastant avec la lutte intérieure que je venais de mener.

— Il ne fallait pas, Peter, j'aurais réussi... ma voix se perd dans un murmure tandis qu'il monte les escaliers avec une facilité déconcertante.

— Tu aurais fait de l'asthme au bout de deux marches, on ne me la fait pas à moi.

Un rire m'échappe malgré moi, laissant échapper la tension accumulée. Un silence confortable s'installe alors que nous continuons notre ascension.

— Je savais pas que tu vivais ici toi aussi. Vous habitez tous au même endroit on dirait, je dis finalement, la curiosité piquée.

— Ouais, on s'est tous installés ici pour pouvoir faire des soirées sur le toit. D'ailleurs, tu viens ce soir?

— Oui, normalement.

Nous arrivons devant la porte de mon appartement. Un sourire reconnaissant, presque complice, se dessine sur mes lèvres alors que Peter dépose soigneusement les sacs sur le sol du palier.

— Tu veux rentrer boire une bière ? Prends ça comme un remerciement pour t'être donné tout ce mal.

Ma voix flanche un peu, je n'ai pas vraiment l'habitude de proposer quoi que ce soit à qui que ce soit.

— Pourquoi pas, répond-il en haussant les épaules.

Un sourire épanoui s'épanouit sur mon visage alors que j'ouvre la porte de mon appartement. Peter récupère les sacs sans hésiter, les déposant sur le plan de travail de ma cuisine. 

*

Nous avons passé notre après-midi à parler ensemble. Peter est vraiment gentil, et agréable en plus d'être vraiment mignon. On a parlé des cours, ainsi que de nos vies. Les parents à Peter sont séparés depuis un an. Je percevais dans sa voix qu'il n'était pas totalement guéri. Je lui avais annoncé à mon tour que j'avais perdu mes parents dans un accident de voiture à mes douze ans. Pour la première fois, ça ne me dérangeait pas d'en parler. Je me sens bien avec Peter et en confiance. Il m'a déballé son passé alors ça a été facile pour moi de déballer le mien.

— Il est bientôt l'heure, annonce Peter en se levant du canapé. On se rejoint là-haut ?

— Ça marche, dis-je en souriant.

Je l'accompagne jusqu'à la porte en lui disant "à tout à l'heure".  Son regard se pose sur moi, ce sourire angélique s'étirant une fois de plus sur ses lèvres. Je referme la porte derrière lui et me dirige vers mon armoire. Je reste devant pendant quinze minutes, indécise.

Finalement, après avoir hésité, je porte mon choix sur un haut blanc très léger, auquel je décide d'ajouter un débardeur blanc en dessous. Je préfère garder le même jean, qui s'accorde bien avec le reste de ma tenue. Me dirigeant vers la salle de bain, je me change rapidement et profite de l'occasion pour me rafraîchir un peu. Je fais en sorte d'attacher une partie de mes cheveux tout en laissant quelques mèches retomber délicatement sur mon visage pour un effet décontracté. Pour le maquillage, je choisis une approche simple et naturelle. Une seule couche de mascara suffit pour mettre en valeur mes cils sans en faire trop. J'attrape ensuite mon gloss et applique une fine couche sur mes lèvres.

Je me regarde une dernière fois dans le miroir.

Ça devrait aller comme ça.

OUR FALLEN SOULS [FR] (High Enough) - tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant