Nous venions d’établir dans les grandes lignes ce que serait la fête d’anniversaire de Margot. Le plus difficile n’était pas l’organisation, mais la lui cacher. Elle avait ce don pour flairer la plus petite anomalie dans le comportement de ceux qui l’entouraient. Un mot inhabituel, une gestuelle particulière, un regard trop appuyé, et sa machine infernale à détecter la moindre bizarrerie se déclenchait. Et là, le côté débonnaire de Benjamin était d’une aide précieuse.
Je lui renvoyai un dernier message, lui indiquant que je commençais à distribuer les invitations. Je prenais le côté sud de la place, lui s’occupait des commerçants du côté nord. Pire qu’une attaque militaire. Précise et organisée. Je ne savais pas encore comment je m’arrangerai pour éloigner Margot des préparatifs, mais je ne doutais pas de trouver une solution d’ici là. Même si trois semaines restaient un laps de temps relativement court.
Mado et Jo nous « prêtaient » la salle de restaurant. Elle nous permettrait d’accueillir suffisamment de monde sans nous marcher dessus. Je demanderais à Aline si elle pouvait réaliser le gâteau. Sans oublier les bougies. Margot était une grande enfant par moment et souffler les bougies faisait partie des plaisirs simples qui la rendaient si lumineuse.
Quant à moi, j’avais une idée bien précise de ce que souhaitais lui offrir, avec la complicité de Benjamin. Un groupe punk au nom imprononçable, mais dont Margot était totalement fan, se produisait dans la région dans un mois. Le timing était parfait… et Benjamin plus que ravi d’accompagner mon amie.
Je baissai l’écran de mon ordinateur avec le plus de naturel possible lorsque Margot entra comme furie dans la librairie. Il faudrait aussi que je pense à organiser une « fausse » sortie resto, ou après-midi soins entre filles, pour son anniversaire. Elle se doutait bien que je lui offrirai quelque chose, alors je ne pouvais pas lui demander de réserver sa fin de journée de samedi, si je n’avais à proposer quelque chose de solide derrière.
— Putain de temps ! s’énerva-t-elle en secouant ses cheveux mouillés.
— Salut à toi aussi, répliquai-je amusée.
— Ça fait caguer ! Regarde ! Tout le gel s’est barré.
Je posai mes yeux sur ses cheveux et sa coupe, beaucoup plus sage, que la pluie venait de dessiner. Si Margot avait patienté cinq minutes, elle aurait évité l’averse, le soleil commençant à s’installer timidement.
— Il te manque la raie au milieu et la paire de lunettes. Une vraie écolière, me moquai-je tout en regardant sa jupe qu’accompagnait une paire de rangers noire venue d’une autre époque.
J’ignorai son regard noir, et au bout de deux secondes, elle se mit à rire.
— Fait caguer quand même ! Bon ! Ta soirée ? Raconte ! Je veux des détails !
— Ta vie est donc si triste au point de sacrifier ta coupe de cheveux pour des « détails » croustillants qui n’existent même pas ? demandai-je toujours amusée.
— Ce n’est pas de ma vie dont on parle, mais de l’orgasme que visiblement tu n’as pas eu, répliqua-t-elle sur le ton de reproche.
— Ma vie sexuelle se résume à une tisane et un bon livre. Et franchement, la combinaison est parfaite.
— Pfff, même ma grand-mère s’éclate plus.
— Ta grand-mère est morte, Margot.
— Oui, c’est bien ce que je dis !
J’eus une pensée tendre pour sa grand-mère que je n’avais pas connue, Margot non plus d’ailleurs, mais pouffai malgré tout en la prenant par le bras pour l’entraîner vers l’arrière-boutique.
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L'envol fragile du papillon
RomanceIl y a deux ans, Émilie, libraire dans une petite ville de Provence, perdait son mari dans un accident de la route et l'enfant qu'elle portait quelques heures plus tard. Depuis, sa conception de la vie a totalement changé. Émilie se barricade derriè...