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Je m’adossai contre la porte et lorsque je relevai les yeux ce fut pour découvrir ce même regard. Interrogatif, mais également, surpris. Puis ses yeux entreprirent un examen minutieux de ma personne. Un nœud se forma à l’estomac et j’avalai difficilement ma salive. Je pouvais suivre le mouvement de ses yeux, dessinant dans un premier temps le contour de mon visage, descendant sur mon cou, pour glisser sur ma taille, lire l’inscription sur mon t-shirt, et redescendre lentement le long de mes jambes jusqu’à mes converses. Si j’avais eu le sens de la répartie, je lui aurais demandé si mon IMC n’était pas trop bas, mais je n’étais pas suffisamment sûre de moi avec le personnage pour tenter ce trait d’humour. Tout aussi lentement qu’il avait laissé filer ses yeux, ceux-ci se plantèrent dans les miens si rapidement que j’eus un léger mouvement de recul et ma tête vint heurter le cadre de la porte. Je choisis de me soustraire à son regard en baissant le mien, puis quittai à regret le réconfort que m’apportait la porte dans mon dos.

Qu’il examine cette main et que l’on en finisse.

Je me dirigeai vers l’arrière-boutique. Heureusement que je connaissais la librairie comme ma poche, mes yeux refusant d’imprimer l’endroit où se posaient mes pieds, tant sa présence me perturbait. Il me saisit doucement le poignet alors que je passai à sa hauteur, et je m’immobilisai net, comme statufiée. En temps normal, c’était la peur qui m’aurait fait réagir, fuir, retirer ma main. Mais elle venait de me déserter pour laisser place à un chaos énorme dans mon esprit. J’avais perdu tous mes repères au moment même où il était entré dans la librairie. Je réalisais également qu’il me faudrait encore beaucoup de temps avant d’appréhender sereinement toutes les professions en rapport avec le milieu médical.

— J’aurais besoin de vos services.

Je relevai les yeux pour le regarder avec incompréhension.

— Vous pensiez que je venais pour examiner votre main ? me demanda-t-il comme je ne réagissais pas.

Je hochai la tête, répondant par l’affirmative.

— Ce n’était pas mon intention première, mais comme aujourd’hui vous semblez être dans de bonnes dispositions, autant en profiter avant de vous voir vous enfuir en courant, ajouta-t-il en relâchant mon poignet et exerçant une légère pression dans le bas de mon dos pour m’entraîner vers l’arrière-boutique.

— Je n’avais pas l’intention de fuir.

— Fuir peut-être pas effectivement, mais m’éviter, certainement.

— Je ne suis pas très à l’aise, vous l’aurez remarqué.

— Vous m’en direz tant, ajouta-t-il avec ce que je crus percevoir comme étant une note d’humour. Asseyez-vous maintenant.

Ce que je fis. Je pensais à tort qu’il m’imiterait. Au lieu de cela, il déplaça la seconde chaise pour la positionner face à la mienne, puis il prit le temps d’ôter sa veste et de la poser sur le dossier, pour enfin s’asseoir et entourer doucement mon poignet de sa main. Je regardai ses bras et les dessins représentés de façon totalement indécente, j’en avais conscience. Mais ils exerçaient sur moi une attraction, une fascination que je ne m’expliquais pas.

— Que tentez-vous de faire, demandai-je sans quitter la scène vivante devant moi.

— Baisser votre pression artérielle, répondit-il spontanément. Lorsque je vous ai retenue, précisa-t-il en désignant mon poignet, votre pouls était, comment dire…, un peu affolé. Vous frôliez la tachycardie.

Je relevai les yeux pour déceler une lueur amusée dans les siens, et je me détendis.

— Voilà qui est mieux, approuva-t-il.

L'envol fragile du papillon  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant