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J’étais totalement trempée, ressemblant à un chat mouillé. Le ciel dégagé m’avait poussée à me rendre au cimetière à pied. Le temps s’était couvert alors que je passais les grilles pour rentrer et l’averse n’avait eu aucune pitié pour moi.

Et chose nouvelle, je me mis à pester. Contre la météo, contre mon programme de jardinage qui tombait à l’eau. Même ce jeu de mots m’arracha une grimace. Contre moi, contre Pierre. Je claquai la porte d’entrée, balançai mes chaussures détrempées dans le couloir et m’énervai contre mes vêtements qui me collaient comme une seconde peau et dont je peinai à me débarrasser. Le jet chaud de la douche parvint à me détendre, mais pas à chasser totalement cette frustration qui m’habitait. Je détestais être dans cet état. Si je pouvais localiser la source de mon agacement, j’aurais pu le combattre.

Je repris la liste des tâches qu’il me restait pour l’anniversaire de Margot. Tout était pour ainsi dire prêt. Les invitations avaient été lancées et pour la plupart acceptées. Je n’avais pas encore parlé à Laurent qui gérait l’agence d’assurance au coin de la rue, et la tâche m’arracha une grimace. Je n’aimais pas le personnage, que je trouvais arrogant et grossier. Mais je ne pouvais pas ne pas le convier alors que sa collègue que nous surnommions tous amicalement « Cerise » serait présente. Je passerai le lendemain, et en profiterai pour faire un détour chez Aline. J’avais dans l’idée un gâteau dans le pur style de Margot, et pour cela, Internet avait été d’une aide précieuse. J’imprimai le dessin coloré, et demanderais s’il était possible de le reproduire, ou quelque chose y ressemblant. Isabelle, la fille d’Aline avait de la magie dans les doigts et pouvait probablement aider ses parents pour réaliser cette fresque de sucre. Mado et Jo avaient « réservé » le restaurant à cet effet, et offraient également les boissons. C’était leur cadeau. Mais connaissant le couple, j’étais quasiment certaine qu’ils lui avaient pris un autre présent, juste pour marquer le coup, comme ils se plaisaient à dire. Je refermai mon ordinateur, mais sans le sentiment d’entière satisfaction que je pensais ressentir. J’étais encore contrariée et ne parvenais toujours pas à identifier la cause.

Finalement, le soleil réapparut très vite. J’attrapai mes gants avec la ferme intention de désherber cette allée, quitte à avoir le dos en charpie. J’espérais surtout que cette tâche ingrate me viderait la tête et m’apporterait la sérénité qui me faisait défaut depuis deux jours.

*

Aline me certifia qu’elle pouvait donner n’importe quelle forme à ses gâteaux, quel que fût le motif demandé. Je lui faisais entièrement confiance et n’en doutais pas un seul instant. La visite auprès de Laurent fut moins agréable, mais au moins ne dura-t-elle que quelques minutes. J’ouvris la librairie avec une demi-heure de retard sur l’horaire, ce qui n’était pas arrivé depuis des années. J’avais la désagréable impression que ma vie déviait de son axe principal ces dernières semaines. Je sortais des clous, et cette une situation me contrariait autant qu’elle me troublait. Et ce qui me perturbait n’était pas l’évolution de ce que je croyais immuable, mais mon acceptation. À peu de choses près.

J’avais passé une bonne partie du lundi à réfléchir aux différentes options qui s’offraient pour éloigner Margot du restaurant samedi, le temps de la mise en place. Une seule se détachait, et je n’eus d’autre choix que d’attraper mon téléphone pour composer l’unique numéro que je ne pensais jamais devoir chercher dans mes contacts. Je pris une longue inspiration et me lançai avant de me dégonfler complètement.

Je n’avais aucune idée de la façon dont j’allais être accueillie, surtout après notre dernier échange. Mon cœur hésita entre s’arrêter et s’emballer. Il s’emballa dès la première sonnerie, mais faillit toute de même s’arrêter à la seconde. J’en étais à espérer que personne ne réponde, mais je fus prise de court lorsque le contraire se produisit.

L'envol fragile du papillon  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant