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Je passais mon samedi à préparer la salle du restaurant. Margot était friande de ces décorations pour enfants, hautes en couleur et totalement décalées. Je ne m’étais pas privé et en avais suspendu un maximum. Si une personne étrangère à notre groupe entrait, elle demanderait probablement quel âge avait la petite fille pour qui cet anniversaire était organisé. Et si on lui répondait que la petite fille soufflerait ses 33 bougies, cette même personne nous prendrait pour des fous. Ce que nous étions probablement au regard de certains.

Aline avait réalisé le gâteau, absolument magnifique… et totalement improbable. Il reposait maintenant au frais dans un des grands réfrigérateurs du restaurant. Mado semblait un peu moins fatiguée, à moins que la perspective de la fête retirât quelque trace de fatigue. Je fronçai tout de même les sourcils lorsque Jo m’apprit que Mado n’avait toujours pas ralenti sur le service du soir, acceptant les clients et les réservations. Je notai dans un petit coin de ma tête que je devrais en toucher deux mots à Mado. Mais pas aujourd’hui.

Les commerçants et amis commencèrent à arriver, et bientôt, le restaurant fut empli de rires et d’une joyeuse cacophonie. Associé à l’ambiance bigarrée qu’offraient guirlandes et ballons, le tableau semblait légèrement surréaliste, mais frais et surtout authentique. Je me sentais nerveuse et aussi impatiente. Margot devait bouillir à devoir compter les ampoules et les seringues, mais comme l’avait dit Raphaël, c’était pour la bonne cause. Même si elle l’ignorait pour le moment. En l’apprenant, l’estime qu’elle portait à son « boss » remonterait sans aucun doute.

Benjamin me rejoignit pour faire un « dernier point ». Il semblait nerveux, se faisant du souci sur l’organisation. Je le rassurais comme je le pouvais. Benjamin s’était donné beaucoup de mal pour réunir tout le monde et derrière son engagement, se cachait cette volonté sincère de faire plaisir à Margot.

— Bon, tout le monde à l’air d’être là, les boissons sont au frais et le gâteau aussi.

— Même Valérie nous a fait l’honneur de se déplacer.

Je haussai les épaules, résignée.

— Elles travaillent à côté l’une de l’autre toute la semaine, difficile de ne pas l’inviter, commentai-je.

— Je t’avoue que j’avais peur qu’elle brûle la mèche.

— Comme quoi, les gens changent. Alors pourquoi pas Valérie ?

Ce qui aurait été le genre de Valérie de faire une bévue par accident, évidemment. Ce que je craignais également, mais je m’étais heureusement trompée. Valérie avait joué le jeu et je lui en étais reconnaissante.

— En parlant de mèches, on a les bougies ?

— Trente-trois… plus un paquet de dix pour assurer le coup, répondis-je.

Ce qui eut l’air de diminuer son inquiétude.

— Que le spectacle commence, donc !

J’attrapai mon portable et envoyai un SMS à Raphaël, pendant que Benjamin lançait à la cantonade que tous devaient se préparer.

Moi

« Bonjour, tout le monde est arrivé. On vous attend !

Émilie »

Moins de cinq minutes plus tard, la mine renfrognée de Margot resta sur « pause » tant la surprise la statufia, puis son visage se métamorphosa pour devenir extatique. Elle sautait dans les bras de chaque personne, les embrassant avec une énergie surprenante au vu de sa petite taille. Ses yeux pétillaient de bonheur et rien que pour ce spectacle j’étais prête à me sacrifier et retourner tous les jours au cabinet médical pour une consultation.

L'envol fragile du papillon  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant