12

441 38 0
                                    

Je me repris. Je n’étais pas du genre à tergiverser ou me poser mille questions et mon comportement m’agaça. Il me fallait un bon bain chaud, une tisane et un livre. Voilà ce dont j’avais réellement besoin. Et non m’interroger sur un homme qui agissait par instinct, ou plus probablement par fomentation.

J’emportai un livre, sans oublier la Religieuse, et ce fut quasiment en courant que je rejoignis ma voiture et regagnai la maison. Mais ni le bain ni la tisane ne m’apportèrent la félicité attendue. De nouveau, l’agacement surgit… ce qui me surprit. Il y avait longtemps que ce type d’émotion n’était pas venue m’habiter.

Jérémie

« J’ai entendu dire que les Linguine à l’encre de seiche étaient à tomber. Ça te dit de m’accompagner ?

Jérémie »

Je souriais presque béatement en lisant le SMS, et répondis avec un enthousiasme non dissimulé. Sortir samedi passé m’avait fait le plus grand bien. En fait, il était bon et agréable de discuter et échanger avec une personne qui vous connaissait et avec qui il était facile de rester naturelle. Et l’encre de seiche, et les ravages qu’elle provoquait sur un sourire ne s’associaient pas vraiment avec un rendez-vous, mais plus une soirée entre amis. Et cela me rassura.

Moi

« À une condition ! Que je puisse éhontément piocher dans ton assiette.

Émilie »

Jérémie

« Samedi ? 20 h ?

Jérémie »

Moi

« Parfait ! On se voit samedi alors !

Je t’embrasse

Émilie »

Jérémie

« Moi aussi je t’embrasse.

Jérémie »

Je reposai mon téléphone, étonnamment légère. J’emportai ma tasse et la pâtisserie dans le salon, et les posai sur la table basse à côté de mon livre. J’attrapai l’assiette sur laquelle j’avais déposé la Religieuse pour la porter au niveau de mes yeux et j’observai cette drôle de petite viennoiserie. Ses deux choux remplis de crème pâtissière recouverts de fondant, et sa collerette de crème au beurre. Je croquai et mes yeux se fermèrent de plaisir.

*

Je m’arrêtai un instant devant la fontaine et son eau miroitante sur laquelle jouait la lumière. Je levai les yeux vers le restaurant. Mado avait installé quelques jardinières et les couleurs chatoyantes des fleurs formaient des taches vivantes pour le plus grand plaisir des yeux. La ville s’éveillait lentement et j’adorai assister à cette naissance. Bientôt le calme serait remplacé par la rumeur de la vie, des touristes qui viendraient se perdre dans le dédale des rues pavées, des commerçants qui joueraient les guides d’un jour pour ces mêmes touristes. S’ils sortaient de la ville, ils seraient charmés par les cultures et les paysages colorés, le chant des cigales qui vous transportait, tout comme je l’avais été et l’étais toujours aujourd’hui. Une douce torpeur les recouvrirait comme un voile léger et ils n’auraient qu’à fermer les yeux et respirer cette liberté qui leur tendait les bras. Ainsi était ma vision de la Provence. De cet endroit chargé d’histoire, de souvenirs, dont j’étais tombée amoureuse.

L'envol fragile du papillon  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant