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Ce fut avec son bras fermement calé autour de ma taille que l’on quittait le restaurant, ce qui tombait bien, car je n’étais pas certaine de savoir encore marcher, son autre main tenant son blouson. Je remarquai seulement maintenant qu’il ne le portait pas dans le restaurant. Je m’amusais à l’idée que Georges avait tourné les talons très vite, peut-être intimidé par ses motifs et cet étrange personnage. Dommage, Georges était gentil…

L’air de la nuit avait quelque chose de magique et de doux à respirer et je poussai un soupir de béatitude, jusqu’au moment où Raphaël me sortit de cette petite bulle d’extase et la fasse éclater avec sa mauvaise humeur.

— Où sont vos clés de voiture ?

Je haussai les épaules.

— Chais pas. Dessus ?

— Bon sang, Émilie ! Faites un effort.

Je le regardai, les sourcils froncés. Ce qui devenait une habitude.

— Vous êtes fâché ?

Il s’arrêta et m’adossa contre ma voiture que l’on venait visiblement de rejoindre, puis posa son blouson sur le toit. Sa voix anormalement calme aurait dû m’alarmer. Mais ce soir, tous mes circuits étaient coupés. Même celui de la logique et du bon sens.

— Je ne suis pas fâché. Je suis fou de rage, si vous voulez vraiment connaître mon état d’esprit.

— Ah bon ! Pourquoi ?

Il ne me répondit pas, et à la place attrapa mon sac et chercha mes clés qu’il trouva au vu du tintement familier qui résonna à mes oreilles, puis posa le tout sur le toit. J’en profitai pour l’observer. C’était vrai qu’il semblait hors de lui, mais il se maîtrisait à la perfection. Seule la crispation de sa mâchoire révélait son humeur et je fus surprise de relever tous ces détails.

Je plissai les yeux, comme si ce simple geste permettrait à mon pouvoir de déduction de se focaliser sur la bonne réponse.

— Ohh, vous êtes fâché à cause de Georges, c’est ça.

Il me fit glisser sans ménagement contre la carrosserie de manière à pouvoir ouvrir la portière. Son geste me déstabilisa et je perdis l’équilibre. Il me rattrapa dans un juron et me bloqua le corps en se servant du sien. Il prit une lente et longue inspiration avant de reporter son attention sur moi.

— Quel brillant esprit d’analyse ! Bravo, Émilie, vous vous surpassez ce soir.

— Georges était charmant, et je passais un excellent moment. Jusqu’à ce que vous ayez la bonne idée d’intervenir.

— « Georges » avait de mauvaises intentions.

— Parce que les vôtres sont meilleures ? répliquai-je mielleuse.

— Vous vous êtes mise en danger avec ce type.

— Georges voulait simplement me ramener. C’est d’ailleurs ce que vous vouliez tous. Vous y compris, docteur.

Je me sentais toujours grisée, la tête légère. J’avais l’impression d’être invincible et d’avoir balayé d’un simple geste de la main toutes mes inhibitions. Je poussai un autre soupir de contentement. J’étais bien, je me sentais bien et je n’avais pas l’intention de laisser ses mots saper mon état d’euphorie. Ils étaient rares, donc précieux.

— « Georges » désirait un peu plus que vous ramener.

— Ah bon !

— Et vous ne vous en seriez même pas souvenu !

L'envol fragile du papillon  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant