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La quantité de candidatures reçues pour le poste était hallucinante. Mais je dus faire un premier tri et répondre par la négative à un nombre assez conséquent de candidatures, ce que je ne fis pas de gaieté de cœur. Car derrière chaque CV se trouvait un espoir qu’un simple appel réduisait à néant. Et le lundi, jour que nous avions bloqué pour faire passer les entretiens, était déjà là. Le reste de la semaine avait filé à une vitesse effroyable. Je n’avais eu que très peu de temps pour moi, ce qui m’arrangeait, car par conséquent peu de moments disponibles pour penser à Raphaël et sa menace latente que je ne parvenais pas à oublier.

Jo et moi recevions les candidats depuis un peu plus de deux heures. Les rendez-vous s’enchaînaient et finalement, nous tombions d’accord pour embaucher une jeune femme dont le dynamisme et le sourire pétillant nous avaient immédiatement charmés. Le contrat fut signé dans la foulée et le sourire de Marie s’épanouit un peu plus lorsqu’on lui demandait si elle était disponible pour commencer le lendemain, mardi. Même Mado, pourtant très attachée à son restaurant, valida avec conviction notre choix. Marie était parfaite. Marie serait parfaite.

D’autorité, j’imposais ma présence pour le reste de la semaine en salle le temps de former, ou plutôt, d’aiguiller Marie sur les habitudes, non seulement du restaurant, mais aussi de ses clients. Elle était vive et trouverait ses marques très rapidement. Nous avions conscience de demander beaucoup, mais Mado ne pouvait pas reprendre, même si elle estimait que oui. Et tant que le cardiologue ne donnerait pas son aval, elle serait interdite de salle. Sauf pour s’asseoir à une table et profiter d’un repos bien mérité.

Le soir, je rentrai chez moi, épuisée, mais satisfaite, et m’effondrai sur mon lit sans avoir eu la force d’ôter ma robe.

Je passais la journée entière du mardi avec Marie, lui expliquant le fonctionnement du restaurant, assurant avec elle le service du midi et du soir. J’étais ravie de constater qu’elle était audacieuse et débrouillarde.

Le mercredi, je ne restais que pour le service du soir, désirant me ménager quelques heures avant d’accueillir les enfants. Je ne souhaitais pas les abandonner une fois de plus, leur ayant promis la semaine passée que nous finirions l’histoire du « chat qui aimait nager ». Après leur départ, je nettoyai vite fait la librairie et rejoignis le restaurant. Je jonglais ainsi entre les deux. Comme le disait justement Margot, j’atterrissais à peine depuis que je m’occupais de l’intendance du restaurant et de la librairie, mais Mado et Jo avaient besoin de moi. Je ne le faisais pas à contrecœur, bien au contraire. Ils étaient comme ma seconde famille, et la famille devait rester unie. Même si mes cernes me dictaient de lever le pied.

Le jeudi et le vendredi suivirent un rythme similaire, et le samedi fut pire, ce qui m’arrangeait bien. Je devais remplir les moindres espaces vides, car dès que se profilait une accalmie, mes pensées s’orientaient inéluctablement vers Raphaël. Alors, je travaillais encore plus.

Margot était venue en renfort pour le midi, et nous lui en étions reconnaissants. Je préparai les cafés pour les présenter à Marie quand mon attention fut attirée par cette silhouette que je commençais à connaître, et reconnaître. Ce qui me hérissa et me tendit au point ou une tasse m’échappa pour s’écraser au sol et j’étouffai un juron.

— Alors, Poulette, on est tendue ?

— Je ne suis pas tendue, juste pressée, marmonnai-je en nettoyant.

Margot, de l’autre côté du comptoir, m’offrit son plus beau sourire, et sans marquer la moindre discrétion, lança un coup d’œil à Raphaël, assis à sa place habituelle. Au bout de ce même comptoir.

— Ouais, comme mon patron. Tu as déjà vu à quoi ressemblait un lion en cage ? Et bah, j’ai la même chose sous les yeux depuis des semaines. Mais, tout-va-bien, ajouta-t-elle en détachant chaque syllabe avec exagération.

L'envol fragile du papillon  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant