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Je rangeai la tasse restée sur la table basse et que j’avais à peine touchée puis montai me coucher. J’emportai un livre sachant que je ne trouverai pas le sommeil, pas plus que j’étais certaine de pouvoir me concentrer sur ce que je lirai. Vers 23 h 30, un bip m’avertit de l’arrivée d’un message. Je me ruai sur mon portable comme une adolescente et mon geste m’agaça.

Raphaël

« Maxime va bien. Il dort maintenant du sommeil du juste. Corinne et Antoine sont rassurés, et j’espère que vous l’êtes.

Je vous embrasse »

Son « je vous embrasse » m’envoya comme une nuée de papillons dans le ventre et je me sermonnai avant de lui répondre

Moi

« Merci, pour votre message. Je suis sincèrement heureuse et soulagée que Maxime aille bien ! Je ne voulais pas que vous croyiez que je doutais de vous tout à l’heure… Ce sont simplement mes mauvaises habitudes qui ont fait leur retour… »

Raphaël

« “Plus l’homme a d’habitudes, moins il est libre et indépendant.” »

J’en étais à me poser mille questions sur son message et fouiller ma mémoire à tenter de me souvenir qui était l’auteur de cette citation. Je reçus un autre SMS lorsque Kant se rappela à moi et me rendit fébrile. À moins que ce ne fût ses mots.

Raphaël

« J’aime beaucoup lorsque vous perdez enfin le contrôle, Émilie. Dormez maintenant. Ordre de votre médecin !

Raphaël »

La puissance érotique de ses mots me percuta de plein fouet, que le vouvoiement rendait plus intense. Je posai mon bras sur mes yeux, et le léger sentiment de honte à m’être laissée emporter ce soir fut vite chassé par un sourire de quasi-béatitude.

*

Le dimanche passa avec une lenteur désespérante. J’étais en attente. De quoi ? Je n’aurais su le dire avec exactitude. J’ignorais si je devais être soulagée de ne pas avoir de nouvelles de Raphaël, ou au contraire, l’être. Mais nous étions adultes. Raphaël ne m’avait rien promis, ce qui tombait bien, car je ne croyais plus aux promesses. Je ne croyais plus aux lendemains non plus. Nous étions un lendemain et rien ne changeait. Juste cette infime lueur au fond de moi qui grossissait un peu plus et que l’on nommait espoir. Sans pour autant me guider, elle m’empêchait de me perdre totalement.

Mais je connaissais l’espoir, et je savais par expérience qu’il pouvait se montrer cruel et vous faire perdre vos illusions. Ce fut la raison pour laquelle je repris mes habitudes, en évitant à mon regard de se poser sur le sofa. J’appelais mes parents et fus soulagée lorsque mon père m’annonça que ma mère avait abandonné son idée farfelue dans sa quête d’un traiteur. Je ne savais pas où elle allait chercher de telles idées. Ma mère était une impulsive, une rêveuse. Et à de nombreuses reprises, mon père avait dû la sauver de la catastrophe.

Lorsque mon téléphone sonna, je pensai immédiatement à Raphaël. Mais mon sourire s’élargit tout de même en voyant s’afficher la jolie frimousse de Margot sur mon écran.

L'envol fragile du papillon  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant