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Le reste de la semaine se déroula sans incident majeur, et je retrouvais une routine reposante. Jérémie m’invita à dîner. Une autre habitude s’installait : sortir le samedi soir avec mon ami. Je craignais qu’il se méprenne sur mes intentions. Je lui en avais fait part la semaine passée, mais je ne voulais pas qu’il se sente obligé de poursuivre une relation dont j’ignorais si elle aboutirait ou non. Il balaya mes doutes et mes remarques comme beaucoup le faisaient dans la région : d’un geste de la main. Ce qui me poussa à accepter sans avoir cette impression de me servir de lui.

Généralement, le samedi midi nous déjeunions d’un sandwich à la librairie. Exceptionnellement, Margot et Benjamin me retrouveraient au restaurant. J’arrivai avant le service du midi et rejoignis les cuisines surchauffées pour embrasser Jo. Mado préparait les tables et je lui donnai un coup de main. Je profitai de notre tête-à-tête pour évoquer le service du soir. Je savais que je m’aventurais sur un terrain glissant, mais je ne pouvais décemment pas la laisser s’échiner ainsi au risque de perdre la santé. Raison pour laquelle je n’y allais pas par quatre chemins. Autant aborder le problème de front.

— Je m’inquiète pour toi, Mado.

Qui évidemment fit celle qui ne comprenait pas.

— Et Jo aussi s’inquiète. Tu devrais ralentir un peu.

— C’est ma vie, ce restaurant.

— Je le sais. Peut-être mieux que quiconque, même, murmurai-je en pensant à la librairie. J’étais sur le point de la perdre et cela me déchirait le cœur.

— Bien sûr que tu sais, répliqua-t-elle radoucie. Toujours pas de nouvelles ?

— Rien. Mais pour l’instant, ce qui me préoccupe, c’est toi.

— Hors de question d’arrêter ! se buta-t-elle à répondre.

— Mado, ce n’est pas le but. Laisse-moi te suggérer quelque chose. Juste une suggestion. Je ne te demande pas d’y adhérer, mais au moins de m’écouter.

Au bout de quelques secondes, elle secoua la tête, résignée.

— Je t’écoute, ma belle.

Je désignai la salle d’un geste de la main.

— Je pensais que tu pourrais couper la salle en deux. Ainsi réduire le nombre de couverts sans pour autant arrêter le service du soir. Regarde, insistai-je. Tu pourrais condamner l’alcôve du fond et la rouvrir le midi.

Je sus que j’avais remporté une partie de la bataille lorsque les yeux de Mado se portèrent sur le fond de la salle. On pouvait largement y installer un paravent et la séparer sans pour autant la condamner et je fus certaine que son raisonnement suivait le mien.

— Il en dit quoi Jo ?

Je lui adressai un sourire éclatant et la pris dans mes bras pour l’embrasser.

— Ça ne veut pas dire que je suis d’accord, maugréa-t-elle tout de même.

— Je souhaite simplement que tu réfléchisses à l’idée, renchéris-je en l’embrassant à nouveau tellement j’étais soulagée.

— Si je le fais, c’est bien pour toi, argua-t-elle.

— Ne le fais pas pour moi, fais-le pour toi, murmurai-je mon visage enfoui dans ses cheveux, son odeur de fleur d’oranger dansant sur mes sens.

Mado se redressa et posa sa main contre ma joue en un geste très tendre.

— Tu sais que Pierre adorait cet endroit.

L'envol fragile du papillon  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant