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Mado venait d’être admise en soins intensifs, victime d’un malaise.

Une douleur vive éclata dans ma poitrine, pour devenir lancinante. Je ne parvenais pas à reprendre mon souffle, en proie à la panique. Je respirais trop vite, trop fort, trop longtemps, me mettant en état d’hyperventilation. Je devais me ressaisir, contrôler ma respiration si je voulais retrouver mon calme. Ce que je réussis à faire au bout de longues minutes. Les mains tremblantes, je démarrai et engageai la voiture en direction de l’autoroute, enfreignant très probablement un grand nombre de règles de conduite. Mais pour l’heure, c’était le cadet de mes soucis.

La nuit commençait à tomber, et par je ne savais quel miracle, j’atteignis l’hôpital, sans aucun souvenir de l’heure et demie de route que je venais d’effectuer. Le black-out total. Mes sens ne tendaient que vers un seul et unique objectif. Retrouver Mado !

Toujours aveuglée par la peur, je ne me vis même pas franchir les portes vitrées de l’imposant bâtiment. Mado avait quitté les soins intensifs, et l’on m’indiqua la direction de la cardiologie, vers laquelle je me précipitais. J’imaginais le pire pour Mado. Un malaise. Cela pouvait être n’importe quoi. Je n’en savais pas plus, et cette ignorance me rongeait.

Je me perdais dans le dédale des couloirs et des différents niveaux de l’hôpital, mais je trouvais enfin le service. Si le personnel sembla surpris par mon état de panique et ma voix hachée, il n’en montra rien.

Ils étaient là, dans la salle d’attente, le visage grave. Margot et Benjamin. Je me précipitai vers eux en même temps qu’ils se levaient pour venir à ma rencontre. Je ne comprenais que vaguement ce que Margot me disait. Mado avait fait un malaise en plein service du midi. Elle évoqua le nom de Raphaël, mais je la coupais, agacée, et surtout toujours en panique. Je me fichais de lui, ce qui m’importait était de savoir si Mado allait bien. Les larmes apparurent. Bien sûr qu’elle allait bien. Il ne pouvait pas en être autrement. Jusqu’à ce que Margot m’attrape les épaules et me secoue rudement. Son geste eut l’effet escompté, car je cessai de bouger, et elle m’obligea à l’écouter.

— Putain ! Émilie, arrête ! Mado se repose maintenant !

Je mis un temps avant de saisir la portée de ses paroles, et lorsqu’elles m’atteignirent, je m’écroulai sur les sièges du couloir, enfouissant ma tête entre mes mains. Margot s’assit à mes côtés, et m’expliqua en détail, sa main me caressant le haut du dos. Mado s’était effondrée d’un coup, sans aucun signe avant-coureur. Elle avait été prise en charge immédiatement, les secours étant arrivés très vite sur place. Plus exactement, les secours étaient déjà sur place, précisa-t-elle, mais je ne percutai pas. Les pompiers l’avaient emmenée à l’hôpital où elle avait subi une intervention. Elle me dispensa des noms barbares pour aller à l’essentiel.

— En gros, poursuivit-elle, une artère s’est bouchée, entraînant un malaise cardiaque. On lui a posé un stents, sorte de petit treillis qui maintient l’artère ouverte, l’empêchant ainsi de se boucher et permettant donc au sang de circuler librement.

Je lui étais reconnaissante d’utiliser des termes accessibles pour moi.

— Mais comment va-t-elle ? demandai-je avec fébrilité.

— Bien, répondit cette voix grave, légèrement rauque aujourd’hui, qui, et j’en pris toute la mesure, m’avais terriblement manqué.

Je relevai lentement la tête vers Raphaël, sa haute silhouette se détachant des murs blancs. Je décelai une forme de soulagement lorsqu’il accrocha mon regard. J’eus cette impression fugace que ses traits se détendaient, et étrangement, je respirais plus librement. Nous restions quelques secondes dans un silence particulier, et durant ce court intermède, j’en oubliais les mots blessants qu’ils avaient prononcé deux semaines auparavant.

L'envol fragile du papillon  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant