Deux pattes noires se posèrent sur mon ventre. Je caressais la tête douce et bouclée de Charlotte tandis que Bernard se confondait en excuses et réprimandait la chienne. Ses grandes billes noires me regardaient avec tellement d’adoration que je ne pus m’empêcher de rire. Je lui pris délicatement les pattes pour la reposer au sol.
— Charlotte ! rouspéta Bernard. Si elle fait ça avec un enfant, elle pourrait le renverser, bougonna-t-il.
Ce que je lui concédais. Mais sa marque d’affection était tellement spontanée que je ne pus lui en vouloir.
— Eh bien ! Elle a l’air en pleine forme, constatai-je tout en désignant le bandage qui lui enserrait encore le haut de la patte.
— Oui, c’est incroyable la vitesse à laquelle elle se remet.
Je me mis à gratter la chienne sous la mâchoire
— Tu t’en sors mieux que moi on dirait, hein, Charlotte ? murmurai-je plus pour moi-même.
— Chantal ne pouvait pas la garder, alors je l’ai prise avec moi.
Je lui souris, touchée par l’inquiétude que je perçus dans sa voix. De toute évidence, Charlotte tenait une grande place dans la vie du couple, et visiblement, elle le leur rendait bien, pensai-je en voyant la chienne revenir vers Bernard et se coucher près de lui.
Je lui achetai quelques antipasti qui constitueraient mon repas, et comme à mon habitude allai embrasser Mado et Jo, toujours aussi occupés. Chargée de sacs et de promesses de manger un peu plus que quelques olives, je regagnai la librairie. J’attrapai les serre-livres pour Isabelle et rejoignis la boulangerie.
Je tendis à Aline le paquet soigneusement emballé.
— Ce sont des serre-livres, précisai-je, devant son regard interrogatif. Je ne pouvais pas faire autrement, me justifiai-je face au froncement de sourcils faussement désapprobateur. Je suis certaine qu’ils plairont à Isabelle.
— Tu la gâtes trop si tu veux mon avis.
— Ça fait toujours plaisir de recevoir quelque chose lorsque l’on est malade, non ?
— C’est adorable. Merci ! Je vais chercher ta commande.
Prise d’une impulsion, je demandai à Aline d’ajouter une religieuse.
— Chocolat ou café ?
Je la fixai avec hébétement.
— Euh… chocolat ? répondis-je incertaine tout en la regardant se rendre dans son arrière-boutique.
Peut-être aurais-je dû prendre celle au café ? Je secouai la tête devant l’absurdité d’une telle pensée. Et étrangement, ma pulsion ouvrit une porte en moi que je croyais verrouillée. L’envie de découvrir. J’achetai un dessert par pure curiosité. Un sentiment qui, lui aussi, m’avait quitté ces deux dernières années.
*
Les mains moites et tremblantes, je pris une grande inspiration. Après avoir rassemblé tout mon courage, je poussai la porte avant que celui-ci ne me quitte. Margot me dévisagea un instant avec stupeur. Je faillis m’approcher et claquer des doigts devant son air statufié. Puis, ce fut comme si elle reprenait vie.
— Putain ! Si on m’avait dit ! s’exclama-t-elle en bondissant de sa chaise pour me rejoindre devant le comptoir de l’accueil. Qu’est-ce que tu fais là ? Il y a un problème ? s’inquiéta-t-elle soudainement.
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L'envol fragile du papillon
RomanceIl y a deux ans, Émilie, libraire dans une petite ville de Provence, perdait son mari dans un accident de la route et l'enfant qu'elle portait quelques heures plus tard. Depuis, sa conception de la vie a totalement changé. Émilie se barricade derriè...