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Raide comme la justice avec un Raphaël aussi tendu que je l’étais derrière moi, je rejoignis Margot et Benjamin toujours dans le couloir. Margot me dévisagea, les sourcils froncés, puis passa son patron au crible de la même façon, pour finalement secouer la tête. Et je me demandais ce que signifiait ce geste. Mais, tout était trop confus dans mon esprit, dans mon corps, et je ne me sentais pas la force d’analyser les élucubrations de mon amie.

La voix de Raphaël dans mon dos me fit sursauter lorsqu’il demanda à Margot de bien vouloir me reconduire, proposant que Benjamin nous suive avec sa voiture. Je ne contestai pas, non pour donner raison à Raphaël, mais pour éviter les interrogations de Margot. Il était évident que je ne pouvais pas tenir un volant. C’était à peine si je tenais sur mes jambes. Et ceci, non seulement Raphaël en avait conscience, mais il en était responsable.

Margot m’expliqua tout le micmac avec les voitures tandis que nous atteignîmes le parking. Raphaël avait accompagné Mado dans l’ambulance pendant que Margot les avait suivis en prenant la voiture de Jo, ce dernier à ses côtés trop bouleversé pour conduire. Plus tard, Benjamin les avait rejoints avec sa propre voiture. Et là, nous jouions aux chaises musicales.

Je montai, imitée par Margot qui s’installa au volant.

— Tu veux parler, Poulette ?

— Pas maintenant, non…

— Ça marche ! Je te ramène au bercail, répliqua-t-elle avec un clin d’œil.

Je la remerciai d’être si attentive, d’être elle et de me laisser souffler, pour m’enfermer dans un mutisme douloureux.

Tout était parti à vau-l’eau. En moins de quatre heures, mon cerveau venait de se transformer en un véritable champ de bataille. Je me sentais tiraillée par une profusion de sentiments, d’impressions, de réflexions, sans parvenir à les catégoriser correctement et mettre un semblant d’ordre dans mes pensées. Mado, mon frère, Jo, mes parents avaient ce point commun. La douleur. Et Raphaël… Dans quelle case pouvais-je le placer ? Il était comme une exception. Mon exception. Et cette dernière ne trouvait écho à aucun de mes critères connus. J’étais déstabilisée par son attitude, par ses remarques. Il me rejetait devant chez lui, déversant toute son hostilité, pour quinze jours plus tard m’embrasser avec une passion qui me chavirait le cœur.

J’étais perdue. Par les dernières heures, par les derniers jours. Par ces vérités, celles qui avaient fait aussi bien parler mon cœur que mon corps quelques minutes plus tôt. Je me recroquevillai sur mon siège, d’un coup gelée, puis me tournai vers Margot.

J’appréciais son profil parfait, la douceur de ses traits qui contrastait tellement avec son langage fleuri. Mais elle restait mon amie, avait toujours été là pour moi, avait toujours veillé sur moi.

— J’ai eu un frère… Et je viens d’embrasser Raphaël…

Elle se tourna vers moi quelques secondes, un sourire tendre sur les lèvres. Tant de sérénité me bouleversa, et de sa voix douce, prit la parole.

— Parle-moi de ton frère.

Elle haussa les épaules avant d’ajouter :

— Pour le reste, c’était pas difficile à comprendre.

Je lui rendis son sourire et lui parlai de mon frère, cette partie de moi que je venais seulement de découvrir, et qui répondait à tant de questions. Sur mes parents, ma mère surtout, mais aussi sur moi.

Je m’endormis lorsque le chaos qui faisait rage en moi s’estompa, pour me réveiller une fois devant ma maison. Margot gara ma voiture, suivie de près par Benjamin. Ils m’aidèrent à descendre mes bagages avant de repartir.

L'envol fragile du papillon  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant