1 ~ Qui a raté ses adieux ne peut attendre grand-chose de ses retrouvailles.

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1 ~ Qui a raté ses adieux ne peut attendre grand-chose de ses retrouvailles.

Cent-trente kilomètres heures. Le cerveau en ébullition, la conductrice résistait à accélérer encore plus pour ressentir cette sensation si particulière lorsque l'on pousse la voiture jusqu'au bout du compteur. Les entrailles qui chatouillent, le cœur qui bat de plus en plus vite, et l'esprit qui se vide. Comme si nos pensées étaient arrachées à notre cerveau par la vitesse et qu'enfin, plus rien ne broie l'esprit. Respirant calmement, elle reporta son envie d'extérioriser son stress sur son index qu'elle tapota vivement et frénétiquement contre le volant de sa petite Beetle jaune. Elle n'en revenait pas. Elle avait attendu ça des années et des années et pourtant, là, maintenant, elle rêvait de retourner au petit matin où elle avait réussi à faire semblant d'avoir oublié cette histoire. Elle aurait vécu différemment sa journée. Elle se serait levée et aurait préparé le petit déjeuner, exactement comme c'était prévu. Mais elle en aurait profité un peu plus. Elle en avait profité. Mais pas assez à son goût, pas pleinement. Elle aurait pris le temps de savourer la vie paisible qu'elle avait. Elle aurait accepté le voyage que lui proposait son voisin pour son anniversaire. Si elle avait accepté, alors elle n'aurait pas ouvert sa porte et ne serait pas tombée sur son plus grand rêve et son pire cauchemar. Si elle n'avait pas été là, elle n'aurait pas ouvert et n'aurait pas cette angoisse de tout voir s'effondrer. Mais il était là. Et elle l'avait rêvé. 

Glissant ses yeux dans le rétroviseur du milieu, elle l'observa attentivement. Cheveux bruns - ceux de son père, yeux verts et taches de rousseurs presque imperceptibles - les siennes. Il était beau et il semblait être tombé dans une excellente famille si elle se fiait aux vêtements coûteux qu'il portait. Le jeune garçon jeta à nouveau un furtif regard sur la personne côté passager à l'avant de la voiture et la conductrice sentit la bile lui monter. Son pied descendit un peu sans s'en rendre compte. Cent quarante-deux kilomètres heures. Elle jeta un coup d'œil tout aussi rapide à sa voisine qui regardait par la fenêtre, soit les paysages qui défilaient soit l'intrus dans la voiture à travers le rétroviseur extérieur. La jeune fille semblait en proie à énormément de question et la conductrice commençait à ne plus savoir comment agir. Elle formulait déjà les réponses aux questions qui n'avaient encore osé sortir. Elle ne s'était pas imaginé que ça se passerait ainsi. En réalité, elle avait rêvé le retrouver et la situation s'était à peu près déroulée comme elle l'avait imaginé. Il avait frappé à sa porte, à sa recherche et lui avait simplement dit : "Salut, je suis Henry Mills et tu es ma mère biologique". Bêtement, elle l'avait cru immédiatement, comme si le lien qu'elle avait formé avec lui lorsque les médecins l'avaient posé sur sa poitrine quelques minutes après son premier souffle avait suffi à créer un lien indescriptible qui leur permettrait de se reconnaître n'importe où, n'importe quand. 

Cent soixante-dix kilomètres heures. Un panneau indiquant une aire de repos passa à une vitesse folle et la conductrice décida qu'il était temps pour elle de faire une courte pause. Elle se gara rapidement, mangeant deux places de parking, et proposa aux deux enfants dans sa voiture d'aller aux toilettes et de manger quelque chose. Tous les trois sortirent, très gênés, et se dirigèrent vers l'épicerie. La jeune fille se dirigea directement vers les toilettes tout en saluant la caissière tandis que le jeune garçon préféra rester près de sa mère biologique, l'observant. 

Elle était belle. Plus belle que tout ce qu'il avait imaginé. La jeune femme avait de longs cheveux blonds ondulant jusqu'au milieu de son dos, elle portait une veste en cuir rouge parfaitement cintrée et dont le col était molletonné et cachait un gros pull en maille grise et au col roulant tombant juste au-dessus de ses fesses, son pantalon noir serrant ses jambes mises en valeur, le tout terminé par des docks noirs aux semelles jaunes.  Il l'observa à la machine à café et nota le stress de la blonde. Elle tapait de son pied gauche, battant une mesure inexistante, reproduisant exactement le même geste avec sa main droite posée contre la machine. 

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