Chapitre 24 : Nuit sanglante

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Louise était seule, agonisante, appuyée d'une main tremblante contre un de ces vieux murs poussiéreux de la cabane. La pièce était uniquement éclairée par les rayons de la Lune passant entre les planches en bois, ce qui lui permettait de distinguer le vieux mobilier décrépit de la maison. Au fond de la pièce trônait un lit d'un autre siècle, qui menaçait de s'effondrer au moindre effleurement. Des planches usées calfeutraient les fenêtres, et le sol était recouvert d'une épaisse couche de poussière, qui s'envolait en petit nuage à chacun de ses pas.

Cette maison lui donnait froid dans le dos, mais elle n'y fit guère attention. Sa transformation allait arriver d'un instant à l'autre, elle le sentait. Le sang tambourinant si fort dans ses oreilles qu'il l'assourdissait. Elle savait combien ça allait être douloureux, et elle en souffrait déjà. Quelque chose en elle commençait à se réveiller petit à petit et à prendre le contrôle.

Dans ses transformations lunaires, elle n'était pas lucide, contrairement aux autres transformations, où elle contrôlait ses pensées et ses actions. Elle n'avait plus que l'esprit d'une bête sauvage, prête à tout pour dévorer une proie. Cette facette sanglante la terrorisait. Bien sûr, elle se réveillait souvent couverte de blessures béantes, et de bleus. La douleur était sans pareille.

Tout à coup, son pouls s'accéléra. Ça commençait.

Elle sentit ses muscles se serrer, et elle tomba aussitôt au sol, incontrôlable. De douleur, elle serra les mains, enfonçant ses ongles dans le parquet. Sa vue devint floue, et elle ne put plus rien distinguer. Ses os se déformèrent, sa chair s'étira, et son dos se cambra dans une position atroce. Sa peau s'étendit jusqu'à ce que ses membres changèrent. Ses vêtements s'étirèrent tant que le tissu céda et se déchira.

Louise n'arrivait plus à penser à rien. Elle ressentait chacun de ses changements avec une douleur épouvantable qui lui parcourait tout l'échine. Elle serra les dents, même si elle savait qu'elle ne serait plus capable de retenir ses cris encore longtemps. La petite fille gémit quand ses muscles se tendirent encore plus. Elle avait mal. Très mal.

Ses doigts grossissaient à vue d'œil et ses ongles s'allongeaient pour donner naissance à de longues griffes aiguisées. Sa transformation en bête sauvage était en cours. Des poils blancs se mirent à pousser partout sur son corps, la démangeant affreusement. Quand elle sentit sa mâchoire s'allonger en étirant son visage, la douleur était trop grande. Elle hurla dans un cri plein de douleur, ne pouvant plus se retenir. Le son se propagea dans la cabane et résonna dans tous les environs, brisant le silence de la nuit.

Mais son cri n'avait plus sa voix de petite fille. C'était devenu le hurlement d'un loup.

Et d'un coup, tout s'arrêta. La petite louve blanche s'effondra au sol, épuisée. Puis, au bout de quelques minutes, elle se releva sur ses quatre pattes. Sa vue était redevenue nette, bien plus qu'en étant humaine. Ses sens s'étaient décuplés, et elle aurait été capable d'entendre une branche craquer à des kilomètres. Des milliers d'odeurs flottaient dans l'air, aspirées par l'animal qui anhélait.

La bête aperçu dans un morceau de verre que le reflet d'un loup aux dents acérées avait remplacé celui de la petite fille blonde. Une minute, quelle petite fille blonde ? Il n'y avait jamais eu de petite fille. Sinon, ça, le loup le savait bien, il lui aurait déjà sauté dessus pour la dévorer.

Le monstre sentit des pulsations rebondir dans son estomac, et une puissante envie de mordre de la chair remonta jusque dans sa gueule. Savourer le sang chaud et gouteux ruisselant le long de sa langue...

Mais personne n'était là. Aucun repas n'arrivait. Folle de rage, la bête grogna, et hurla de fureur. Elle avait faim. Très faim.

Louise se réveilla péniblement, éblouie par les rayons du soleil filtrant à travers les fenêtres

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Louise se réveilla péniblement, éblouie par les rayons du soleil filtrant à travers les fenêtres. Son corps se relâcha, et ses muscles se détendirent. Elle essaya de se relever, à bout de souffle, mais ses bras et ses jambes tremblaient si fort qu'elle s'effondra de nouveau sur le parquet. Elle redressa faiblement la tête, plissant les yeux pour mieux voir.  D'énormes griffures décoraient les murs, et des morceaux de planches de bois avait été sauvagement fracassées dans toute la pièce. Chaque objet susceptible d'avoir pu calmer la colère de l'animal avait été brisé et pulvérisé.

Louise se redressa en position assise, non sans difficultés. Elle se releva, bancale. Chacun de ses pas était un effort surhumain. Son corps était entièrement nu, dévoilant de nombreuses blessures fraiches qu'elle venait de se faire. Elle découvrit un bon nombre d'égratignures sur ses jambes ainsi que de vilaines plaies sur son ventre. Quant à son dos et ses muscles, ils étaient tout courbaturés et lourds. C'est dommage, car les coups de fouets du cirque sur sa peau venaient à peine de cicatriser. En plus, certaines des coupures s'étaient rouvertes.

Elle tituba vers un coin de la pièce, où étaient soigneusement pliés des vêtements. Heureusement qu'elle avait pensé à en prendre la veille. Sa tenue d'hier gisait tristement au sol, réduite en lambeaux. Ses jambes frêles et amaigries tremblaient à chaque mouvement. Elle n'avait pas beaucoup récupéré depuis la fuite du cirque. Elle attrapa fébrilement ses sous-vêtements, et les enfila aussi rapidement qu'elle le pu. Le blanc du tissu se fondait si bien avec la couleur de sa chair que c'en était troublant.

Elle prit son pull et l'enfila, puis fit de même avec son pantalon. Ils la réchauffèrent doucement, après que l'air frais du matin d'automne l'ait frigorifiée. Son pantalon, trop grand pour ses jambes, retombait jusqu'au sol en faisant de grands plis. Seul le bout de ses orteils blancs dépassait. N'ayant pas la force de se pencher pour y faire des ourlets, Louise continua de marcher, trainant la poussière du pan de son vêtement. Elle ne broncha pas, quand un clou s'enfonça dans la chair de ses pieds nus.

Louise se stoppa nette quand elle vit, gisant au sol, le cadavre d'un lapin, à moitié dévoré. Elle s'écroula devant le petit animal, et s'effondra en sanglots. La pauvre créature était la preuve du monstre qu'elle était. Pauvre petite bête. La petite sorcière n'avait jamais souhaité lui faire de mal. Ce n'était pas ce qu'elle voulait. De grosses larmes coulèrent en filet le long de ses joues, jusqu'à retomber en gouttes sur le plancher. Elle entoura ses bras croisés autour de ses épaules. Elle se sentait si seule. Si fatiguée.

Elle s'arrêta, et resta finalement quelques minutes dans le silence, la tête baissée. Puis, elle se leva, murmura en entrouvrant les lèvres des mots d'excuses, et prit le petit animal au creux de ses mains. Elle n'allait tout de même pas le laisser là. Il méritait au moins une sépulture, qu'il puisse partir en paix.

Quant à la maledictus, même si ce geste apaiserait quelque peu sa conscience, jamais elle ne se sentirait en paix. Elle détestait toujours autant le monstre qu'elle était.

𝐌𝐀𝐋𝐄𝐃𝐈𝐂𝐓𝐔𝐒 ── 𝖜𝖎𝖟𝖆𝖗𝖉𝖎𝖓𝖌 𝖜𝖔𝖗𝖑𝖉Où les histoires vivent. Découvrez maintenant