Chapitre 6 : Lynchage et dilemme

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                            Pdv Yor

La nouvelle de l'arrivée de Reyda Istford, une membre de la Légion dorée, fit le tour de l'Académie en un éclair. Tout le monde voulait venir voir à quoi elle ressemblait mais la peur et l'intimidation causée par sa présence les dissuadaient ne serait ce que de la regarder quand elle passait dans les couloirs. Je n'ai pas non plus réussi à me concentrer sur mes cours, les regards répétitifs de mes camarades m'en ont empêché. Je me suis demandé toute la matinée la raison de cette curiosité et de cette fixation sur moi. Enfin... Elle était surtout dirigée vers mes ailes. Même dans la rue en rentrant chez moi, en survolant certains endroits, je me sentais observée, sévèrement jugée. Je ne comprenais pas pourquoi. Puis à un tournant j'ai vu une foule s'amasser. Une foule compacte. Je me suis approchée, pour voir ce qu'il se passait. Les gens se bousculaient, s'entrechoquaient, pour voir quelque chose. Par miracle, et par des petits jeux de faufilement, j'ai réussi à accéder au centre de la foule. Ce que j'ai vu m'a fait frissonner d'effroi. J'en eus un haut le coeur. Des ailes noires, les ailes d'un archange noble, encore sanglantes, clouées à un mur. Avec son sang était écrit le mot "traitre" en langue archange ancienne, la langue qu'on apprenait avant qu'elle ne soit supprimée du programme à l'arrivée des dieux. Le message était clair. Très clair. C'était pour ça que les regards étaient tournés vers moi. Vers mes ailes. Soudain j'eus du mal à respirer. Au fur et à mesure que je comprenais ce que tout ça impliquait, j'étouffais. J'ai senti comme une pression énorme sur ma poitrine. Mes ailes me parurent lourdes. J'ai eu la nausée. J'ai couru dans la foule, la foule qui avait les yeux rivés sur moi et mes ailes noires. Je me suis débattue pour m'en échapper. J'ai cru qu'elle allait m'emporter, m'avaler, me noyer et que bientôt il ne resterait plus de moi que mes ailes, et que je serais la prochaine disparue. Soudain une main surgit et me tira hors de la foule. C'était Thay. Il m'amena loin des badauds en courant. Je n'avais pas la force de voler. Je l'ai suivi sans réellement y réfléchir, même si le physique de Thay lui permettait d'atteindre une vitesse que je suivais difficilement. Sa main tenait fermement la mienne. J'ai remarqué que je tremblais. Nous nous arrêtâmes à une ruelle, il n'avait toujours pas lâché ma main. Je n'avais toujours pas arrêté de trembler. Le temps de reprendre mon souffle et je me suis rendue compte qu'il me regardait, apparemment inquiet. Les Néphilims. Ils avaient fait ça. Le message était clair. Ceux s'alliant aux dieux seront vus comme des traîtres, à la fois par les terroristes que par la population. En une nuit l'opinion publique s'est retournée contre les nobles... Ou alors elle a toujours été contre eux mais n'a jamais trouvé le courage de se manifester. Désormais elle avait un porte parole. Et la chasse aux traîtres allait débuter. Et ce peu importe les mesures prises par les dieux sur la surveillance ou la sécurité.
-Yor ?... Yor ?!
La voix de Thay me tira de ma torpeur. J'ai d'abord regardé sa main qui tenait toujours la mienne. Il la remarqua enfin et décida de me lâcher. La seule chose que je pus balbutier fut :
-Il... Il...
-J'ai vu aussi. C'est horrible.
-Des archanges... Faire ça... À d'autres archanges...
Ma nausée s'amplifia. Ce que je vais dire pourra sembler naïf mais jamais je n'aurais pu imaginer que des archanges puissent s'entretuer entre eux. Nous étions une famille. C'est un principe incrusté plus que dans notre culture, dans notre peuple. Enlever ses ailes à un archanges... C'est un fratricide. Un acte horrible... Les larmes se mirent à couler automatiquement. Pourquoi tout ça arrivait-il ? Était ce vraiment une punition du destin ?
-Tu te rappelles ? À l'orphelinat, tout le monde était jaloux de tes ailes. dit Thay.
Je l'ai regardé. Il était mal assuré. Il tentait de me réconforter, de rendre plus léger le poids de la menace qui pesait sur moi.
-... Ouais.
-Et comment on était les garnements les plus insupportables de tout le bâtiment ? Aucune institutrice ne nous supportait. La fois où on s'est enfuis en courant jusqu'à la grand place et où on s'est tous les deux cachés pendant deux heures...
Ce souvenir assez amusant me fit inconsciemment sourire. Thay s'en réjouit :
-En fin de compte celle qui nous retrouvait à chaque fois c'était grande soeur Azraël.
-Elle était aussi celle qui nous supportait le mieux. Qui s'amusait avec nous sans faute. Qui nous a permis de trouver nos familles. ai-je ajouté.
Le silence prit place alors que nos pensées devinrent tristes et mélancoliques.
Je suis née avec une mutation génétique qui fait que j'aie les ailes noires sans être de sang noble. En réalité c'est grâce à cette malformation que la famille Mespelhim a choisi de m'adopter, me faisant passer d'orpheline perdue à héritière noble de haut rang. Je n'aurais jamais pensé que ça me porterait préjudice. J'étais menacée alors que ce n'était même pas ma faute.Mes inquiétudes revinrent, et j'ai dit :
-Il vaudrait mieux que je rentre chez moi.
-Je vais te raccompagner..
-Pas besoin, ça va aller.
-Tu en es sûre ?
-Oui, t'inquiète.
Et je suis partie. Avec ma mélancolie me sont revenus beaucoup de moments que j'ai passés à l'orphelinat, avec Néa, avec Thay. On était inséparables. Mais lorsque j'ai été adoptée... Je me suis éloignée d'eux. Choisissant de devenir une noble à part entière méritant de faire partie de ma famille. Prenant mes distances avec tout ce qui n'était pas de la haute sphère sociale. Discutant de moins en moins avec mes amis, même avec grande soeur Azraël... Tous ces regrets revinrent avec mes inquiétudes. J'ai choisi de garder mon image de noble. De rester fière et forte. Je suis revenue en marchant rapidement à notre manoir familial, et mes parents m'attendaient déjà dans le grand salon. Ils avaient l'air inquiet. Ma mère s'illumina en me voyant revenir :
-Yor ! Ma chérie... J'ai eu si peur en apprenant ce qui était arrivé...
-C'est horrible de s'en prendre aux nobles de cette manière. dit mon père.
Mes parents adoptifs, Fredia et Hemith Mespelhim, n'étaient pas très grands. Ma mère avait les cheveux blonds presque blancs toujours tressés, des fossettes et quelques rides sur son visage pâle aux traits fins. Mon père par contre était victime d'une calvitie avancée, portait un monocle et était assez maigre, il avait toujours un costume blanc et une petite moustache blanche en raccord avec ses cheveux et ses yeux bleus pâles. Les deux étaient gentils et en tant que nobles principaux d'Oseron, les derniers qui ne se sont pas enfuis, ils avaient de lourdes responsabilités.
-Ma chérie, la situation est devenue de plus en plus compliquée... Avec toutes ces histoires sordides... commença ma mère.
-Nous ne pouvons même plus partir, notre image serait détruite ainsi que tout notre prestige. De plus quitter Oseron maintenant est impossible, ce serait remettre en cause la sécurité fournie par les dieux. dit mon père.
-Mais la sécurité ne semble pas optimale... ai--je dit.
-Les soldats assignés à notre sécurité sont de deuxième classe, les guerriers divins d'élite ont été assignés aux dieux résidents dans la cité. expliqua mon père.
En gros, nous devions nous débrouiller avec ce que nous avions.
-Mais... Les Aeren nous ont proposé une solution. Un moyen d'être considérés par le système comme membre de leur clan et de garantir notre sécurité... commença ma mère.
-Ca va être très dur. C'est un choix qui n'est pas à nous de prendre. C'est pour ça que nous t'attendions, Yor. Tu dois donner ton avis en tant que principale concernée. renchérit mon père.
-Concernée ? Mais par quoi ? ai-je demandé.
-Les Aeren... Nous ont proposé un mariage d'alliance avec un membre de leur branche principale. Un mariage entre le fils aîné de Drogo Aeren et toi, notre fille à nous, les Mespelhim.
    
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Les Immortels : La révolution du ciel, Tome 6Où les histoires vivent. Découvrez maintenant