1. PARIS

11.6K 227 37
                                    

Paris 19h47.

Je ne comptais plus le nombre d'heures parcourues, j'avais l'impression d'avoir passé une éternité dans ce TGV. Joue collée à la vitre, qui m'avait laissé une trace opulente sur le visage, je voyais défiler les paysages tous plus monotones les uns que les autres.

Mon père, lui, avait de quoi s'occuper. Il avait toujours de quoi s'occuper, à chacune de nos virées il emportait deux-trois livres qu'il dévorait d'une traite ou alors il passait des coups de fils au monde entier en griffonnant des notes et des informations en tout genre dans son cahier. Il prenait des rendez vous, notait des numéros...etc.

Je me suis toujours demandée comment il faisait pour gérer son emploi du temps de ministre sans l'assistance d'une secrétaire.

Mon père travaillait en tant que producteur-réalisateur chez HK Corp une société de production de clips vidéos. C'est d'ailleurs « grâce » à lui et sa mutation qu'on emménageait à Paris en ce jour d'été.

Je portais sur moi la gourmette d'Isaac, celle que maman lui avait offerte avant la tragédie. Je la regardai en esquissant un sourire. Ça allait faire bientôt deux ans, mais c'était toujours très frais dans mon esprit...je sentis les larmes monter, ils me manquaient énormément.

Papa, qui avait sûrement dû voir mon coup d'œil, se résigna enfin à entamer la conversation avec moi.

- Tu verras ma chérie, tu t'y plairas, l'appartement est super bien placé et la vie étudiante à Paris, c'est quelque chose!

Je lui lâchai un demi sourire, contente de le voir si emballé, mais de mon côté, j'avais toujours autant d'appréhension. C'était la première fois qu'on quittait Grenoble depuis la tragédie, je n'avais pas vraiment imaginé une vie après Maman et Isaac, et encore moins loin de la ville où on avait tout vécu, à quatre.

J'avais d'autant plus d'appréhension que j'allais effectuer, dans moins d'un mois, ma rentrée dans une nouvelle fac, avec de nouvelles têtes, de nouveaux profs, de nouvelles matières....enfin bref tout était à refaire.

Mon anxiété et mes idées noires avaient repris le dessus en fin de trajet, je me sentis un peu morose.

La voix de papa m'extirpa rapidement de mes pensées négatives :

- D'ailleurs ma princesse, comme tu reprends les cours dans un mois, ça nous laisse du temps pour profiter tous les deux!

Par « profiter tous les deux » il voulait dire, « que tu viennes sur mon lieu de travail, pour me donner bonne conscience, en me disant que je suis là pour toi même si je ne t'adresse pas la parole de la journée car trop occupé  »

- Ça te dit de venir sur le tournage d'un clip demain après midi? demanda-t-il avec un enthousiasme déconcertant.

Bingo.

- Oui, pourquoi pas! - rétorquai-je d'un air détaché en haussant les épaules.

- Tu ne cherches pas à savoir de qui il s'agit? - La déception apparaissait sur son visage.

- De qui s'agit-il papa? - interrogeai-je ironiquement.

Mon père n'était jamais très doué pour déceler l'ironie.

- Surprise!!

Il n'était pas non plus doué pour faire des surprises. Ou alors j'étais perspicace. Cette surprise n'en était pas vraiment une, j'avais en effet pu apercevoir la page du lendemain sur son agenda. Il y avait écrit :

Mardi 25 août 2020. Tournage - Problèmes PLK

C'était PLK. J'avais lu ces trois lettres, qui ne me disaient absolument rien. C'était un groupe? De rap? De rock? Un collectif?

Papa travaillait avec des artistes en tout genre, internationaux, nationaux, amateurs, professionnels, des rappeurs, des danseurs. Tout. J'avais eu l'opportunité de l'accompagner sur plusieurs de ses projets et à chaque fois, je découvrais des nouveaux artistes, agrandissant ainsi mon répertoire et développant ma culture artistique et plus particulièrement, musicale.

Je n'avais aucune idée de qui était PLK mais après tout, ça m'importait peu, ça m'occuperait pour quelques heures et me permettrait de voir mon papa à l'œuvre. C'est toujours sympa.

Je lui lâchai un dernier sourire béat avant de remettre mes écouteurs. Je m'endormis, bercée par la mélodie des Shocking Blue.

Il restait une vingtaine de minutes de trajet.

Bunkoeur [ PLK ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant