Bunkoeur [ PLK ]

14. REINE SORCIÈRE

Cette femme était en cloque. Et mon père était le géniteur de l'enfant qu'elle portait, c'était certain. Dans ma tête, j'avais fait le scénario : Il avait eu un enfant avec cette femme avec qui il était depuis au moins un an. Et soit il voulait s'installer avec elle, soit elle allait emménager avec nous. Je m'arrêtai, ébahie, aucun mot ne sortit de ma bouche. Je ne savais pas quoi dire, je n'y arrivais pas.

Mon père se leva et s'approcha de moi. Je reculai.

- Chérie, il faut que je t'explique.

C'était assez évident, il n'y avait rien à expliquer. J'avais tout compris. Il continua :

- Je te présente Anna, on est ensemble depuis un moment et on va emménager à Londres...

Je ne l'écoutai plus, je n'arrivai pas à digérer toutes ces informations qui venaient à moi, je ne savais pas si j'étais en train de rêver ou non. C'était un véritable coup de massue. Il avait dit Londres. À Londres putain. C'était encore pire que ce que j'avais imaginé, on venait à peine d'emménager à Paris. Je n'avais rien vu venir, j'étais stupide.

- Princesse, j'allais t'en parler, je voulais te protéger pour...

Je coupai court à son propos. Ses appellations affectueuses, je n'en avais plus rien à faire. Mon père était la personne que je respectais le plus au monde, et en un quart de secondes il avait perdu tout mon respect et mon estime. Je pensais qu'on dialoguait, qu'on était une équipe. Je me sentis trahie.

- En me mentant pendant au moins 9 mois ou plus ? En me cachant la vérité? Mais merde, quand est ce que tu comptais me dire que t'allais emménager avec une femme en cloque dans un autre putain de pays!? m'écriai-je en ne prenant aucune pincettes pour mes écarts de language.

- Je m'appelle Anna.- s'interposa la femme.

- Toi, je t'ai pas parlé - lui dis-je en dédaignant de la regarder.

- Tu peux venir avec nous ma puce, je ne serais parti nulle part sans toi. - ajouta mon père.

Je ris. C'était un rire nerveux, un rire qu'on pouvait traduire par « tu te fous vraiment de ma gueule ». Je me dirigeai vers ma chambre tout en regardant mon père. Il me suivit au pas.

Je commençai à placer mes affaires de manière hâtive dans un gros sac de voyage.

- Ma puce, qu'est ce que tu fais? Je t'en prie....dit mon père.

Il ajouta d'autres paroles, qui n'étaient devenues que des bruits de fond. J'étais enragée, je voulais partir loin. Loin de lui. Je ne l'entendais pas, je ne l'écoutais pas.

La déception. C'est tout ce que je ressentais. J'étais déçue par mon père, il m'avait prise pour une conne. Il m'avait menti. Je repensai au discours qu'il avait fait à l'enterrement d'Isaac et maman, dans lequel il disait que lui et moi serions ensemble contre vents et marées pour le restant de notre vie. Aujourd'hui, c'était une tornade. Et il m'avait laissé. Désormais, j'étais seule. Tout s'écroulait.

- Chérie, réfléchis y.

C'était la seule phrase que j'entendis. Avant de quitter l'appartement, avec ma valise, je le regardai intensément pour qu'il puisse éprouver ma douleur.

- Au pire, tu l'appelleras Isaac ou Lara si c'est une fille. dis-je en claquant la porte.

• •

Mon père m'appela une trentaine de fois, je ne répondis pas. Il me laissa une cinquantaine de messages vocaux mais je n'écoutai aucun d'entre eux. J'errai dans les quartiers de Paris. Le ciel allait bientôt s'assombrir et je ne savais toujours pas où j'allais passer la nuit. Je pris mon portable pour appeler celui qui m'avait sauvé plus d'une fois en si peu de temps.