Léthargie, orange givrée ; lueur

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Après la dernière injonction de sa femme, Jimin n'a plus dit un seul mot. Il a continué de regarder attentivement la route, faire glisser les vitesses et être bercé par la musique. Après un mois il a déverrouillé la porte automatique du garage et s'est étonné que le geste lui soit si étrange. La familiarité d'hier semblait toute nouvelle, s'en était désagréable. L'obscurité commune du garage l'angoisse, il voit déjà les couloirs, l'ascenseur et le dernier étage. A droite la porte close de Min Yoongi, lequel l'attend peut-être dans ce coquet appartement de la capitale et la porte de gauche, la sienne, où sa femme voudra l'entrainer.

Jimin sent son ventre se nouer. Il n'a pas le courage de passer la porte de leur appartement. Parce qu'il ne rentre pas ce soir du travail comme il aurait dû le faire, parce qu'il n'a pas de travail à exécuter et n'est pas exténué de celui qu'il aurait réalisé. Et puis elle n'est pas à la cuisine dans ses jolis pantalons droits et ses chemisiers fleuris, chignons faussement négligés et joues roses des vapeurs des plats qu'elle confectionne. Il y a ce salon auquel Jimin ne veut pas s'installer, aucun dossier à ouvrir, aucune note à rectifier et pourquoi donc ce soir Hyuna s'assiérait-elle à ses côtés pour lire, elle n'a plus de raison de le faire. Il ne l'embrassera pas lorsqu'elle lui portera le thé et il ne délaissera pas son ordinateur pour la portée jusqu'à leur chambre et lui faire l'amour sur leur lit. Il ne la couvrira pas d'un drap, caressant ses cheveux humides après la douche avant de retourner travailler une fois la belle endormie.

Les jambes de Jimin tremblent lorsqu'elle pousse la porte de l'appartement et dépose sa valise près des chaussures et des manteaux. Il l'observe, silhouette menue dans son joli tailleur à la fraicheur du printemps. Elle relève ses grands yeux ourlés de cils noirs et denses vers lui quand elle remarque qu'il ne bouge pas, figé dans l'entrée. Ces cils... Les mêmes que ceux de l'artiste, des rideaux qui voilent le regard mais vous découpent comme de grands ciseaux. Alors il essaye de regarder ses pupilles, pour changer de plan, la voir elle et non lui. Pourtant, au combien même ses orbes sont d'un chocolat tacheté, il y voit la même lueur que dans ceux de Yoongi. Cette sensation de chaleur, d'incandescence, cet envoutement subtil.

Jimin n'en peut plus, il s'assoit là, dans l'entrée, la porte encore grande ouverte et cache son visage dans ses mains. Il n'a pas le droit d'être ici, pas maintenant, pas après ce qu'il a fait.

Hyuna fait glisser sa veste de tailleur et la plie sur l'une des valises. Elle caresse doucement l'épaule de Jimin, pour lui dire qu'elle est là mais ne l'oblige à rien. Elle le laisse, assis dans l'entrée, les genoux revenus contre son torse, paralyser par la prochaine erreur. Elle n'y croit pas, qu'il puisse prendre de nouveau une mauvaise décision mais lui est persuadé qu'il ne pourra jamais marcher droit. Alors elle s'en va confectionner du thé, porter sa valise à la cuisine, se délasser dans un bain et Jimin reste là, prostrée contre la porte d'entrée, comme un enfant.





Deux jours s'écoulent. Hyuna ne dit rien. Le matin elle laisse Jimin dormir jusqu'à ce que le soleil soit haut dans le ciel, elle confectionne quelques sandwichs sophistiqués à l'heure du repas – mais jamais plus- et s'installe à la table du salon. Jimin la rejoint, souvent le visage engourdi par son sommeil trop lourd et peu réparateur. Il l'enlace, de longues minutes et s'assoit dans l'un des fauteuils, prend le thé et reste là, à feuilleter les livres d'art qu'il a achetés lors de son court passage à la capitale. Parfois il lâche son livre des yeux et divague vers le lointain. Dans ces très longs moments, parfois des heures dont il ne semble pas prendre la mesure, Hyuna se demande s'il songe à Yoongi. L'idée lui broie le cœur doucement, elle le sent transpercé d'une jalousie qu'elle aurait préféré ne jamais connaître. Jimin n'avait jamais eu d'attention que pour elle, d'une façon si évidente et surprenante qu'elle n'avait jamais eu à jalouser quiconque. Le monde de Jimin tournait autour d'elle et de son travail. C'était délicieusement modeste. Et voilà que l'homme, la tentation, était apparue.

𝑽𝒐𝒊𝒔𝒊𝒏𝒔  |YoonMin| ★Où les histoires vivent. Découvrez maintenant