Strange World

Chapitre 14

Je me remémore encore de la réaction de Stan quand il a enfin appris l'entièreté de mon histoire. Je pensais qu'un silence allait peser comme à chaque récit que j'ai dû raconter. Je pensais qu'il allait partir en courant loin de moi, me regardant comme une vrai folle. Sa réaction a été tout autre. Il m'a regardé de longues secondes avant de s'avancer vers moi et de me prendre dans ses bras. Comme ci il se retenait depuis des années, comme ci ça lui servait à lui aussi, de libérer tout ce poids qu'il gardait sur ses épaules.

Je suis gêné face à ce geste si inattendu, de plus, je sens un regard insistant. Un regard qui me donne la chair de poule mais qui ne m'effraie pas forcément. Quand il se détache de moi, je profite d'être libre de mes mouvements pour jeter un regard autour de moi.

Au loin j'aperçois Kayla et la bande, mon regard dévie rapidement sur une silhouette familière, vêtu de noir, capuche sur la tête et mains dans les poches. De loin je ne vois pas grand chose mais quelque chose me dit que sous cette apparence mystérieuse et sombre, c'est Lowen. Lorsque je capte son regard, le temps d'une fraction de seconde, il baisse la tête à une vitesse folle. Kayla, qui jusqu'à là avait le regard fixé sur son frère, nous regarde soudainement, fronçant les sourcils.

Je suis dans la confusion totale. Pourquoi ce revirement de situation ?

Mon instinct me dit que Stan plaît énormément à cette jolie brune et je respecte ça. Je n'oserais pas m'interposer dans leur relation pas encore empiétée, ce n'est pas mon genre de faire ce genre de choses. Je sens mon cœur se serrer lorsque je vois Lowen partir, le pas précipité, en direction de la forêt. Une folle envie de le suivre me prend.

J'en meurt d'envie, et c'est ce que je fais.

- Stan...je reviens.

Sans même lui répondre, je prends mes affaires et pars à la poursuite de Lowen. Il faut que je le rattrape et vite, si je n'y arrive pas alors je n'aurais plus l'occasion de lui parler seul à seul.

- Tu vas où ?

La voix de Stan me paraît tellement loin que je ne m'en préoccupe pas. Je vois Kayla me regardait, et quand je passe près d'elle c'est de l'encouragement et de la joie que j'aperçois dans ses yeux brillants. Je lui lance un rapide sourire en coin et continue mon chemin.

Je m'enfonce dans les chemins boueux des bois, je ne sais absolument pas où il mène mais je persiste. Il le faut. Mes chaussures blanches ne sont plus si blanches que ça maintenant, le soleil se reflète dans les flaques d'eau que je croise, des traces de pas d'animaux nocturnes sont ancrées dans la terre humide. Le chant des oiseaux est apaisant mais une question me trotte dans la tête. Où compte-t-il allé en passant par là ? Il faut que je le retrouve pour lui poser toutes ces questions qui me viennent à l'esprit.

J'entends quelques bruits en direction des feuillages mais je n'y fait pas plus attention que ça, tant qu'il fait jour tout va bien. Et puis, si jamais j'ai une fois de plus une hallucination, je peux toujours crier, je ne suis pas si loin du lycée, on devrait pouvoir m'entendre.

Alors que je cherche un peu partout parmi ses arbres gigantesques, j'entends un bruit que je n'ai pas l'habitude d'entendre. Je n'ai pas le temps de voir le troupeau de biches venir dans ma direction que des bras s'enroulent autour de ma taille. Je me retrouve calé contre le tronc d'un arbre dur et rêche. La pression qu'exerce les mains de mon sauveur ne me rebute pas, bien au contraire, elle me rassure autant que le chant des oiseaux que j'écoutais il y a de ça encore quelques secondes. Je n'ose pas lever le regard vers lui. Je l'ai senti dès que ses mains m'ont touchés. Son odeur me rend par ailleurs sceptique, elle me rappelle follement le loup que j'ai soigné et qui m'a sauvé à plusieurs reprises, cette odeur boisée et sucrée que j'ai sentis toute la nuit sans relâche.