Lowen m'observe attentivement, les traits du visage tirés par la panique. Mon souffle reprend petit à petit un rythme normal et ma vue devient de plus en plus nette et précise. Qu'est-ce qui a pu se passer ? La chambre est en bazar. La lampe et les quelques livres du meuble jonchent le sol tandis que je suis par terre, Lowen accroupie devant moi. Il me prend les bras et me relève, comme si je ne faisais qu'un poids plume, avant de ramasser les quelques objets au sol qu'il replace rapidement sur le meuble.
- Je suis désolé. Dis-je en me frottant les bras, gêné de la situation.
Je sais bien que je n'ai aucune raison de m'excuser mais je le fais quand même. Je ne sais même pas ce qui vient de se passer. Je repense encore et encore à cette voix qui m'appelle. Sa voix. Au timbre âpre et narquois. Un timbre qu'on n'oublie pas.
- Je peux savoir ce qu'il s'est passé ? Demande-t-il, la voix éternellement dure.
- Je ne sais pas, j'étais en train de lire et mes oreilles se sont mises à siffler, puis j'ai entendu une voix.
Il n'a pas besoin de plus d'information pour comprendre qu'il s'agit d'Ander.
- Où est Mr Hold ? Demande-t-il, les sourcils froncés et le regard perdu de l'autre côté de la fenêtre.
Je me racle la gorge qui est devenue sèche et lui répond en haussant les épaules.
- Il avait des choses à faire à la librairie.
Un petit rire le secoue et ce rire n'est pas qualifié de joyeux. Je me retiens de lui demander ce qu'il lui arrive mais ça ne ferait qu'aggraver la situation et j'aimerais ne pas le revoir partir. Après quelques minutes de silence, il s'élance subitement en direction du placard et sort le peu d'affaires qu'il y a pour mettre le tout dans un sac. Je ne sais pas quoi faire, ni ce qu'il veut faire mais je ne parle pas, pour la simple et bonne raison que j'ai retenu la leçon de notre dernière discussion.
- On va chez ta mère. Annonce-t-il, sans même me lancer un regard.
Je m'en doutais un peu mais je ne pensais pas qu'il tiendrait sa parole après la dispute qu'on a eu tout à l'heure, ça doit d'ailleurs être pour ça qu'il ne veut pas me regarder. Il m'en veut encore. Ce dernier souffle et arrête tous mouvements pour me regarder enfin dans les yeux, l'air coupable.
- Je ne t'en veux pas Isiris, seulement j'ai l'impression que tu ne te rends pas compte de l'ampleur du danger. La preuve est là. Dit-il en désignant les objets dont il y a quelques minutes étaient au sol.
- Je n'ai pas dit que je comptais retrouver une vie normale, seulement que je le voudrais. J'ai conscience du danger, dois-je te rappeler que c'est moi qui porte la marque.
Je suis méchante et cru, je l'avoue, mais je ne peux pas être autrement. Lorsque je suis face à lui, j'ai l'impression d'être une petite fille qu'on gronde constamment et je ne supporte plus d'être celle qu'on prend pour une enfant. Une lueur inconnue vient faire briller ses pupilles et sa mâchoire contractée ne me dit rien qui vaille.
- Et cette marque est aussi belle que toi, Isiris. Tu devrais le savoir.
Aussi belle que moi ? Je l'ai accepté certes, mais ce n'est pas pour autant que je la trouve belle, bien au contraire. Je l'accepte car aujourd'hui, et ce depuis deux ans, elle fait partie intégrante de moi. Elle est sur moi, en moi. Et je ne peux faire autrement que de l'accepter.
- Elle te rend encore plus sublime que tu ne l'es déjà. Dit-il en s'approchant de quelques pas, laissant le sac de côté.
Ma respiration se coupe lorsque ses doigts viennent tracer avec douceur les marques de ma cicatrice. Je frémis. Je frissonne. Des réactions que mon propre corps ne comprend pas, qu'il ne contrôle pas. Une chair de poule vient par la suite s'installer sur ma peau tandis que son regard ne me quitte pas une seule seconde.

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Strange World
LobisomemDepuis cette épouvantable nuit, Isiris cherche par tous les moyens de se reconstruire. Changeant d'établissement scolaire et d'entourage, elle se met en tête des objectifs bien précis qui lui permettront d'avancer. Cependant, ses pensées sont toutes...