Chapitre 7 - Perspective de menace

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[ILLUMI]

Je fixai les yeux d'Hisoka, essayant d'y décrypter la moindre pensée. Rien que de l'amusement, et pourtant il avait cessé de sourire. 

«  J'en ai assez. Je rentre chez moi, dis-je en me détachant du visage de mon ami.

 Ne dis pas de bêtise, tu dors ici. Tu n'habites pas à côté et tu as bu. Tu ne peux pas conduire, dit en se levant de sa chaise.

Je n'ai pas de voiture, Hisoka.

- Raison de plus pour rester ici.

Je jetai un coup d'œil à son air faussement fier de lui.

Dans ce cas, je prends le lit, dis-je en lui tournant le dos.

Depuis quand fait-on chambre à part ?

Sa plaisanterie me fit hausser les épaules. Mon esprit était bien trop concentré sur les quelques pas qui me séparaient de la chambre à coucher pour me soucier de ses blagues de mauvais goûts. Alors que j'avançai vers la porte, je ressentis subitement le besoin de fermer les yeux car tout autour de moi semblait chanceler. C'est là que me jambes cessèrent de me porter. Mon corps s'écroulait de tout son poids contre le mur le plus proche. 

Hisoka s'approcha avec un petit  ricanement qui me parvint en écho. Mes paupières restèrent closes mais je sentis ses doigts saisirent mon poignet et hisser mon bras autour de ses épaules. Je voulus me dégager de sa prise et parcourir les derniers mètres qui me séparaient du matelas sans son aide. Mais toute ma force semblait avoir déserter mon corps. Ainsi je me résolus à me laisser traîner et plongeai lourdement dans le sommeil sous les paroles moqueuses d'Hisoka :

Tu tiens vraiment pas l'alcool, toi.

Mes yeux s'ouvrirent sur un plafond blanc à peine éclairé par la lumière d'un réverbère qui transperçait les rideaux. La chambre d'Hisoka. Je me redressai en laissant mes yeux explorer la pièce que je connaissais déjà par cœur. La chaise branlante recouverte de vêtements dans le coin à côté de la fenêtre ou la lampe de chevet à l'abat-jour vert posé à même le sol tout prêt du lecteur CD, tout cela, même dans le noir, je pouvais parfaitement me le représenter. 

Mon regard dériva vers la faible lueur rougeâtre que produisait le vieux réveil posé au chevet du lit. Trois heures passées. Je portais encore mon uniforme de la veille. Hisoka m'avait à peine posé sur son lit et était reparti en fermant la porte derrière lui.

Je me souvins de la sensation du verre à shot cognant contre ma dent ; j'avais la gorge terriblement sèche. Malgré mon esprit encore embrumé et l'heure plus que tardive, je me décidai à me lever dans l'intention d'avaler au plus vite un verre d'eau.

C'est ainsi que je posais mes deux pieds nus sur le parquet froid de la chambre d'Hisoka. Mes pas lents se dirigèrent vers la sortie de celle-ci. Je poussai la poignée de la porte et m'immobilisai lorsque que j'aperçus la silhouette d'Hisoka dans la pénombre, affalé sur cette même table autour de laquelle nous étions assis tous les deux à peine quelques heures plus tôt. Je le crus d'abord endormi mais il ne me fallut pas plus de quelque secondes pour repérer la bouteille à laquelle il s'agrippait.

Après cette courte pause provoquée par la surprise de trouver mon ami en train de boire à cette heure-ci, je fis quelques pas dans sa direction. Ma main se posa sur son épaule. Dans cette obscurité imparfaite de nuit urbaine, je chuchotai son prénom :

Hisoka ?

Sa tête remua contre son avant-bras. Son visage se tourna vers le mien. Il sourit.

Ah Illumi, tu es réveillé...

Un coup d'œil vers la bouteille presque vide, sans oublier les accents flottants dont était empreinte sa voix, je compris rapidement qu'Hisoka était soûl. Ma main glissa de son épaule. Les pieds de sa chaise grincèrent contre le plancher, il était debout.

Le peu de lumière artificielle qui parvenait à se frayer un chemin à travers la porte vitrée du balcon paraissait terminer sa course dans les yeux mi-clos d'Hisoka. Les rayons jaunâtres du lampadaire s'y reflétaient avec vigueur.

Je fis un pas en arrière mais la cuisine était étroite et je me heurtai contre le mur. Hisoka observa ma manœuvre. Il attendit cependant que je m'immobilise contre la cloison pour s'approcher de moi.

Tes cheveux... souffla-t-il. Il avait cessé de regarder mes yeux. Ils sont tout emmêlés.

Nos torses n'étaient plus qu'à une trentaine de centimètres l'un de l'autre. Une de ses mains s'éleva à hauteur de mon visage. Ma bouche s'ouvrit mais aucun mot ne passa la barrière de mes lèvres.

J'ai toujours aimé tes cheveux...

Il se saisit d'une mèche de mes cheveux qu'il fit rouler entre ses doigts. J'inspirai.

 Lâche-moi tout de suite.

Il releva ses yeux dans la direction des miens, l'air surpris. Sa bouche entre-ouverte d'où s'échappait un souffle chaud aux relents d'alcool se transforma doucement en rictus amusé. Il secoua lentement son visage de gauche à droite, rejetant lestement ma requête.

Pas envie...

Il libéra la mèche de cheveux qu'il tenait encore mais n'esquissa pas le moindre mouvement de recul. Au contraire, c'était peu-être là qu'une impression, mais il me semblait que son corps s'était encore plus rapproché du mien.

— Hisoka. Lâche -moi, scindai-je en maintenant l'échange visuel.

— Non, ne me donne pas d'ordre... chuchota-t-il. Je ne détournai pas le regard mais du coin de l'œil, je vis son épaule remuer. Hisoka apposa la pulpe de deux de ses doigts sur la ligne de mon cou. Le sang battait bruyamment à mes tempes. Il les fit glisser sur ma peau jusqu'à ce que le col de ma chemise ne l'empêche d'aller plus loin. Ma bouche s'ouvrit ; enfin j'inspirai.

Je t'ai demandé de me lâcher », dis-je en un souffle avant de le bousculer sans la moindre considération. Son dos percuta une chaise en ricochet, mais je ne m'attardai pas une seconde de plus sur sa silhouette chancelante. 

Dans une main, mes baskets et dans l'autre mon sac à dos, je claquai la porte de l'appartement d'Hisoka sans me retourner. Mes chaussettes frôlaient les dalles blanchâtres alors que je dévalai les escaliers de l'immeuble plus vite que jamais je ne l'avais encore fait. Ce n'est qu'arrivé en bas de ces derniers que je m'arrêtai pour glisser mes pieds dans mes chaussures.

Je sortis du bâtiment, m'engouffrant dans la rue silencieuse. Mes yeux prirent la direction de la seule perturbation sonore qui m'était perceptible : le grésillement des vieux réverbères autour desquels gravitaient sans répit de minuscules insectes ailés. Je déglutis en redirigeant mon regard vers la route de béton qui s'étalait à mes pieds : j'avais vraiment besoin de pleurer.

Ravage [Hisoka x Illumi]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant