[HISOKA]
Passer du temps avec lui avait été l'une des plus grandes joies de ma vie. Et même si j'avais tout gâché, je ne regrettais rien. Au moins, j'étais sauf. Blessé, mais bien vivant.
Seulement les blessures, j'allai devoir les réparer et l'opération nécessitait un peu d'aide extérieure. Et pour obtenir cette aide, il fallait sortir.
Ne connaissant encore ni bar branché ni club correct, je déambulais dans les rues cherchant les lumières qui me mèneraient à ce dont j'avais plus que besoin ce soir. La nuit était lourde et humide, et ma vue s'en faisait trouble. J'entendis finalement quelques basses étouffées, mais assez puissantes pour faire vibrer l'asphalte sous mes pieds. Je souris en me mettant à marcher, guidé par le frémissement du bitume qui traversait les semelles de mes baskets.
Ma destination ne fut autre que cette maison de taille moyenne à la porte grande ouverte, de laquelle s'échappaient les voix qui se mélangeaient elles-mêmes à la musique.
La bâtisse était bordée d'une rangée de buissons mal taillés dans lesquels quelques personnes s'étaient écroulées, d'autres fumaient sur les marches qui menaient à l'entrée de la maison. Il faisait trop noir et cela sentait trop l'alcool pour que l'on me refuse l'entrée. Alors j'entrai. La fête n'était pas vraiment à son apogée, d'ailleurs, je pense plutôt qu'elle était sur le point de se terminer. J'aperçus miraculeusement une bouteille pas encore vide sur une table basse. Quelques gorgées avant de regarder plus précisément la pièce principale. Des gens debout, assis, dansant, s'embrassant, buvant, riant, rien que des gens heureux pour au moins cette nuit.
Tout le monde semblait occupé ou du moins entouré, mais je voulais quelque chose de facile.
Et elle était là, debout, lucide, perçante, aiguisée comme une lame de couteau. Ses cheveux épais et innombrables étaient relevés en queue-de-cheval qui lui donnait un air déshabillé absolument grisant. Son haut noir laissait apparaître ses larges épaules et ses clavicules. Un jean évasé taille basse, des Dr. Martens et plus d'âgée.
Tout sauf facile.
Il ne m'en fallait pas plus.
Je m'approchai et elle me toisa. Elle essayait de savoir si je valais le coup ou non.
« — Tu es seule ? soufflai-je, arrivé à sa hauteur. J'étais confiant, mais étrangement, elle me faisait trembler.
— Pas vraiment, dit-elle en pointant son index vers deux personnes qui se baisaient la bouche sur l'accoudoir d'un divan. Je contemplai son visage un instant, c'était comme si les regarder l'amusait.
— C'est ton copain ? lui demandai-je même si, en vérité, je n'avais d'yeux que pour sa gorge et ses lèvres pleines.
Elle me jeta un regard étrange que j'eus du mal à déchiffrer. Elle cherchait quelque chose alors que je frissonnai déjà d'impatience d'entourer ses poignets musclés de mes mains.
— En principe.
Je ricanai. Mais sa voix était intimidante, empreinte d'un ton déconcertant, presque adulte. Elle donnait cette impression farouche qu'elle était au-dessus de tout le monde et observait la scène avec un recul dédaigneux. Elle jugeait en silence, se régalant de la bêtise des uns et riant obscurément des chagrins des autres. Je n'avais pourtant pas à m'élever à sa propre hauteur, car je ne voulais en aucun cas la posséder. Tout ce que je souhaitais, c'est qu'elle me tienne au creux de sa paume et me regarde, qu'elle comprenne que si elle observait les autres, moi, je l'observais elle.
— Tu ne me demandes pas si ça me met en colère de les regarder ensemble ? m'interrogea-t-elle. Elle souriait.
— Non, ça ne m'intéresse pas à vrai dire. Tu es libre, c'est tout ce qui m'importe.
Elle m'étudia attentivement.
— Tu es tendu, dit-elle en posant sa main sur mon bras. Le geste aurait pu sembler audacieux venant d'une autre, mais ce contact était spontané chez elle, comme une extension de son propre corps qui allait naturellement à la rencontre des autres peaux.
— Ton nom, me contentai-je d'articuler. Je devais savoir.
— Maléna.
— Maléna, je te raccompagne, » lui soufflai-je. Son prénom sonnait comme un coup de tonnerre, un incendie. Maléna, la sirène.
Nous marchâmes longtemps cette nuit. Elle me parla d'elle très vite. C'était mon désordre qui l'avait attirée, avait-elle dit en s'arrêtant sous la lumière d'un réverbère orangé. Maléna avait posé sa paume sur mon torse, sans me quitter des yeux. « Le foutoir inouï qu'est ton âme, je l'ai vu tout de suite. C'est comme moi. » Cette fois, elle prit ma main et la posa sur sa poitrine. « Tu vois ? » C'est là que je l'ai embrassé pour la première fois. Sous le vieux lampadaire orange.
Nous allâmes jusqu'à son appartement. Elle se déshabilla.
« — Et ton copain ? lui rappelai-je. Je jouais évidemment. Elle haussa ses épaules nues.
— Il était doué pour le sexe, c'est tout.
— Je parie que je suis meilleur que lui.
Maléna rit.
— Prouve-le-moi. »
Nous fîmes l'amour, tout de suite une fois rentrés chez elle.
Son regard creusait des sillons dans ma peau. Elle n'était pas faite pour aimer furtivement. Son contact n'était destiné qu'à détruire et ravager tous ceux qui croisaient son chemin. Et pourtant, mes yeux ne se détournaient plus de ce regard funeste. Je me sentais fasciné, soulagé, de trouver un esprit si déconstruit, perdu dans les flammes.
Pour Maléna, la pureté était un souhait insensé. Personne ne viendrait la sauver. Elle voulait un amour qui détruirait les hommes, elle voulait la passion. Mais entre elle et moi, il n'y avait qu'un grand brasier éphémère, elle le savait. Je n'étais que temporaire.
Glaciale en apparence, elle brûlait à l'intérieur. Son chaos ardent, nul ne pouvait l'étouffer, ni même l'approcher. Et c'était bien cela, sa malédiction. La bonne personne n'existait pas pour elle. Elle était trop.
Un soir, après avoir fait l'amour, je la regardais. Elle était allongée en travers du lit, nue comme la mer. « La mort mettrait fin à tous mes tourments. » Ce fut avec ces mots qu'elle brisa le silence que notre contemplation mutuelle avait établi.
« — Pourtant, tu vis, répondis-je.
— On ne sait jamais.
— On ne sait jamais... » répétai-je, à demi-voix. Je pensai à Illumi.
Note de l'auteur :
Voilà ! C'est ce chapitre qui marque la fin de la première partie de Text me. La suite suivra directement. Merci à tous de me lire.
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Ravage [Hisoka x Illumi]
FanfictionHisoka et Illumi se fréquentent depuis les prémisses de leur adolescence. L'un est de ceux qui attirent, de ceux dont on refuse de détacher le regard, aussi fascinant que malsain. L'autre est l'ombre, il est celui qui observe et analyse; efficace, i...