Chapitre 46 - Stimulus

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[HISOKA]

C'était inespéré. Pendant deux ans, son absence m'avait rongé, consumé, et voilà qu'il réapparaissait, sorti de nulle part. Et de cette façon... Au milieu du boulevard désert, je m'arrêtai pour regarder mes mains; j'en tremblais encore.

Ce que j'avais ressenti au moment précis où son regard avait percuté le mien, c'était ce que j'avais recherché depuis qu'Illumi m'avait tourné le dos.

La soudaine frénésie de mes sens, cette excitation bondissante en crescendo constant, en deux ans, Illumi était le seul à être parvenu à provoquer un embrasement d'une telle intensité. J'étais exalté.

Je me demandais ce qui avait pu le mener à sortir en boîte et à coucher avec des inconnus. Le fait que nous ne nous étions jamais croisés auparavant me rendait fou. Je sortais en boîte souvent. Lui aussi apparemment. Il m'avait parlé d'occasion mais je savais bien que c'était faux. Rien que la façon dont il bougeait contre cet inconnu démentait ses dires.

Peu importe.Je l'avais retrouvé et je ne comptais plus le lâcher.

Il fallait que je le revois.

Mais d'abord je devais me calmer. Toute cette excitation , cet embrasement soudain de mes entrailles... Chrollo ou quelqu'un d'autre. C'était comme si je n'avais pas mangé pendant des jours et que j'étais affamé, mais la nourriture n'était pas ce que je souhaitais. J'avais besoin de peau, d'une présence pour me rassasier pour calmer ou du moins contenir le feu qu'Illumi avait allumé dans mon esprit. Chaque parcelle de peau, embrasée, hurlait dans une frénésie effervescente. J'avais l'habitude de choisir soigneusement mes partenaires mais ce soir n'importe qui ferait l'affaire. Car mon unique véritable souhait, j'avais rendez-vous avec lui dans une semaine et je me devais de patienter et de me contenter du souvenir de son baiser forcené au milieu du club.

J'appelai Chrollo alors que je marchais vers chez moi. Il ne me répondit pas, c'était prévisible. Je fis défiler mes contacts à la recherche de quelqu'un qui répondrait à une heure si tardive. Je cliquais sur le nom « Machi ». Un mois devait s'être écoulé depuis notre dernière rencontre. Machi décroche à la première sonnerie ; elle passait donc toujours ses nuits sans dormir.

« — Hisoka.

J'avais oublié à quel point sa voix était tranchante. Elle me rappelait Maléna sur ce point-là.

Machi

Laisse-moi deviner ; tu as besoin de moi.

Tu lis dans mes pensées, lui soufflai-je avec un ton tout à fait caustique.

D'accord. Je m'ennuyais de toute façon.

Je t'attends. »

Et elle coupa court à la conversation en raccrochant abruptement. Si Machi détestait quelque chose, c'était bien les échanges remplis de fioritures inutiles et d'ornements mièvres. Je l'avais toujours connue de cette façon, fonctionnant de la manière suivante : « Tu me donnes ce que je veux, et tu auras ce que tu souhaites. » C'était une philosophie de vie tout à fait convenable et égalitaire.

Mais étant plus du type « Je le prends si je le veux », Machi et moi étions en désaccord constant sur un tas de sujets. Ce qui expliquait le fait que nous nous voyions que rarement. Notre relation fonctionnait cependant sur une base de respect mutuel. Je n'y pouvais rien : Machi faisait partie de ces gens qui possédaient une sorte d'aura qui m'attirait inéluctablement comme la lumière attire un papillon. Elle était d'une intelligence remarquable, jolie aussi mais ce n'était pas ce qui me plaisait le plus chez elle.
C'était ce dédain avec lequel elle me traitait. Elle ne me contactait jamais la première, si bien que si j'arrêtais de l'appeler, jamais plus nos chemins se recroiseraient.

Notre rencontre s'était faite grâce à Chrollo ; Machi et lui avaient presque grandi côte à côte. Elle suivait des études de médecine dans la grande faculté de Ryuusei. Dans un sens elle était aussi brillante que son ami d'enfance. Je n'avais jamais parlé de ma relation avec elle à Chrollo, mais sûrement s'en doutait-il. Enfin, qu'il le sache ou pas, cela lui aurait été complètement égal. Machi était son amie. Elle faisait ce qu'elle voulait.

Machi retira sa veste de cuir brun et usé. Chaque fois que je la voyais, elle la portait et ce depuis que je la connaissais. La veste était manifestement bien trop large pour elle. Elle avait probablement dû appartenir à quelqu'un d'autre avant de lui revenir. Mais elle et moi ne parlions pas de ce genre de choses. Machi ne faisait pas dans le sentiment. Elle devait être de ceux qui ne se livrent qu'en dernier recours et sûrement pas au premier venu.

Machi avait des traits que je qualifierais de plutôt asiatiques, contrairement à Chrollo qui possédait un visage très occidental. Ses cheveux lui arrivaient en dessous des épaules et étaient d'un charmant rose délavé. Sa bouche avait cette couleur corail ; c'était ce rouge à lèvres qu'elle appliquait consciencieusement jour après jour. Après l'amour, j'aimais la regarder se rhabiller, et spécialement ce moment où, devant le miroir de ma chambre, elle sortait le tube de son sac pour rappliquer une nouvelle fois la couleur que j'avais effacé de ses lèvres en l'embrassant.

J'avançai vers elle pour l'accueillir avec un sourire. Elle retira ses chaussures en un geste et se mit sur la pointe des pieds pour me donner un baiser alors que mon bras entourait sa taille.

« — Je devrais t'appeler plus souvent.

Machi ne répondit rien, se contentant de me fixer de ses yeux bleus gris.

Allons dans ta chambre, » souffla-t-elle en se détournant de mes lèvres. Je soufflais du nez, et suivis sa frêle silhouette jusqu'à mon lit.


Une chose à propos de Machi : elle n'était au courant de rien à propos de Chrollo et moi. Pas que nous le lui cachions réellement. C'était plus moi. J'avais compris qu'elle l'aimait beaucoup. Elle l'admirait sincèrement. Chrollo était comme une sorte de modèle à ses yeux ; je la comprenais. La passion qu'elle ressentait à son égard m'inspirait tout personnellement. Coucher avec quelqu'un de  profondément amoureux était une toute autre expérience. 

Je l'avais remarqué à la seconde même de notre rencontre. Chrollo se tenait à mes côtés, Machi face à nous. Elle me regardait de haut, foutrement indifférente. Chrollo, au contraire, elle lui réservait un regard moins cru, sincèrement dévoué. Je devinai tout de suite. Les sentiments de Machi, en plus de m'amuser, me stimulaient étrangement. En observant son comportement plus longtemps, je compris qu'entre eux, il n'y avait jamais eu rien d'autre que de simples discussions fusionnelles. Machi mourrait d'envie de passer ses bras autour du corps de Chrollo. Et lui, et bien, je n'en savais rien. Je ne l'avais jamais interrogé sur le sujet.  Peut-être que je lui poserais la question un jour. 

Enfin, le plus important était le fait que Machi demeurait consumée par un désir étouffé et permanent que je ressentais avec délice dans chacun de ses gestes. Le brasier qui brûlait en elle à l'égard de Chrollo était la chose parfaite pour calmer les ardeurs qu'Illumi avait provoquées. Je devais ressentir la passion pour calmer la mienne. 

Je bouillonnais, et, aussi intenses soient les sentiments de Machi, elle ne me contiendrait qu'un moment. Celui que je voulais réellement, j'étais à peine sûr de le revoir.

Ravage [Hisoka x Illumi]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant