Chapitre 19 -Je m'en fous, ce n'est pas moi

259 23 10
                                    

[ILLUMI]

« — J'imagine. »

Ryo était donc assis sur mon lit et déblatérait sans interruption un tas de phrases et de questions que je peinais décidément à comprendre. Disons que j'avais la tête ailleurs : en observant mon «ami» assis là, juste à coté de moi, je ne pouvais m'abstenir de le comparer à Hisoka. Et même si ce simple fait n'était pas si surprenant, ce que je faisais là n'en était pas moins ignoble. Ryo n'avait rien fait pour que je le réduise ainsi. 

Je tentai une nouvelle fois de me concentrer sur ses paroles; c'était peine perdue, je n'y arrivais pas. Il n'était pas comme Hisoka. Lorsque ce dernier ouvrait la bouche pour dire quelque chose, un silence s'installait automatiquement, comme si le monde s'arrêtait de vivre pour écouter ce qu'il avait à dire. Ryo avait sa façon à lui de briller mais ce serait toujours moins que l'aura naturelle que dégageait mon meilleur ami, peu importe ses efforts. 

Je soupirai : je voulais que Ryo s'en aille. Définitivement. J'étais épuisé. 

« — Écoute Ryo, je ne suis pas d'humeur à discuter... Je fus interrompu par le son de son téléphone qui indiquait la réception d'un message. Repasse une autre fois. S'il-te-plait. »

Et après quelques formules de politesse et questions insistantes de sa part par lesquelles il me demanda notamment si j'allais bien ou autre, la porte de ma chambre se referma sur sa silhouette. Je basculai alors sur le dos, et ainsi allongé en travers du lit, je fermai les yeux et tentai de calmer mes pensées. 


[RYO]

Après avoir été viré de chez Illumi, je consultai mon téléphone. 

Message d'Hisoka :

 « Viens. »

Je souris et me mit en route. 


[HISOKA]

Je sortis une bière. Il faut dire que j'en avais désespérément besoin. D'abord, je n'avais pas eu l'intention de faire venir Ryo, puis la solitude m'avait assailli. Elle m'avait pris à la gorge, comme elle le faisait si souvent. Ensuite, comme évoqué plutôt, il était nécessaire que Ryo et moi, quoi que cela soit, il était nécessaire que cela s'arrête. Primo, pour moi; je détestais la culpabilité. Et secundo, pour Illumi, j'imagine. Mais surtout pour moi. 

Est-ce qu'il allait venir ? Il était tard. La nuit tombait, la rue était déjà éclairée.  Finalement une bière ne serait pas assez. Je me levai et allai chercher quelque chose de plus fort en traînant des pieds puis retournai m'affaler sur le canapé. 

Je bus au goulot quelques gorgées du liquide translucide qui glissa dans ma gorge, incendiant mon œsophage sur son passage. La chaleur réconfortante de l'alcool m'envahit. Je me sentais mieux. Soudain, le tintement de la sonnette retentit dans tout l'appartement, percutant les murs et pénétrant mes oreilles sensibles. Je grommelai un «entrée» peu audible je le reconnais, même si cela ne fit visiblement pas obstacle à Ryo, que je vis apparaître dans mon champs de vision. Je l'étudiai un instant  en le suivant du regard alors qu'il s'avachit gracieusement à coté de moi. 

« —Tu as bu ? » me demanda-t-il bien qu'il connaissait évidemment la réponse son regard ayant tout de suite atterri sur la bouteille posée sur le bord de la table basse. 

Je ris pour toute réponse en attrapant de nouveau la fameuse bouteille pour la porter à ma bouche. D'un geste fluide, je la lui passai gentiment, il la prit pour la reposer à sa place initiale. Perplexe, je le regardai faire jusqu'à ce que je sois interrompu par ses lèvres contre les miennes. Je repris tout de suite le contrôle. Encore une fois une image d'Illumi s'immisça dans mon esprit. Je passai à la vitesse supérieure, je plongeai ma tête dans le cou de Ryo. Je voulais oublier son visage, rien qu'un instant, faire disparaître cette boule dans ma gorge. Ryo fit glisser ses doigts sur mon torse, j'essayai de me concentrer sur le mouvement de ses doigts pendant que les miens s'affairaient à retirer son haut. Je me mordis la lèvre inférieure, cependant ce n'était pas d'excitation. C'était plus par nervosité, pour me rappeler de me focaliser sur Ryo. Il était là, en train d'enlever mon tee-shirt et c'était à l'autre arriéré que je pensais. Quelle blague. 

Je posai mes mains sur son torse nu et le poussai sur le dos. Ses jambes de part et d'autre de mes hanches, je ne voulais même pas envisager de le regarder. Ma bouche se précipita contre son torse. Mes pensées s'évaporèrent. Finalement. Enfin libre. Tout sentiment indésirable se dissolut impeccablement, je ne réfléchissais plus. Ryo haletait, je ne levai pas les yeux vers lui pour autant. Je baissai tranquillement son pantalon et son sous-vêtement jusqu'à ses genoux. Il se tordit. 

Je vais le faire, et cette fois jusqu'au bout. 



Accoudé sur mon minuscule balcon, j'allumai une cigarette. La nuit était tombée depuis un moment. J'expirais la fumée. J'avais gentiment chassé Ryo : il voulait rester dormir. Je ne pouvais même pas envisager cette possibilité. 

En fait, je crois que j'avais aggravé mon cas. Mais pour quelques minutes de paix, tirer un coup était loin d'être exagéré, je dirais même plus qu'agréable. Se débarrasser de la culpabilité et de toutes mes autres pensées,  juste se vider la tête le temps d'un court et paisible instant, c'était sûrement la sensation que je préférais au monde. L'apothéose de la jouissance si vous voulez. Et une fois encore ça avait marcher. 

Cependant le retour à la réalité n'avait jamais été aussi violent. Juste comme la gifle d'une bourrasque de vent glacé lorsque tu ouvres le porte pour sortir un matin d'hiver. Tu avais beau essayer de l'ignorer la morsure cruelle du froid s'immisçait lentement et se répandait sournoisement jusqu'au cœur de tes os. Jusqu'à ce soit la seule et unique chose laquelle tu pouvais penser, jusqu'à ce que tu ais l'envie de faire demi-tour. Seulement, je ne pouvais pas. C'était fait, c'était fait. Assume maintenant. 

J'éteignis ma clope rageusement sur la rambarde. Je jetai le mégot et le regardai tomber lentement et s'écraser piteusement contre le sol sombre, éclairé un instant par les faibles étincelles survivantes de ma cigarette que le noir ne tarda pas à achever définitivement. Je pris ma tête entre mes mains : « Je m'en fous, ce n'est pas moi. »
















Ravage [Hisoka x Illumi]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant