Chapitre 41 - L'estime

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[ILLUMI]

Le mois d'août touchait à sa fin. Les voix de mes parents s'élevaient comme un long écho continu. Je ne faisais que les entendre. Les mille et unes recommandations qu'ils me donnaient n'avaient aucune importance, pour ce qui est des ordres, je connaissais précisément chacune des règles qui m'étaient imposées. Assis sur le divan, je regardais droit devant moi, même si mon regard s'était flouté depuis plusieurs minutes déjà. Les gesticulations de ma mère ainsi que les bras croisés de mon père corrompaient le calme auquel j'aspirais depuis mon arrivée à York Shin.

L'été était passé très lentement. La chaleur rallongeait les journées et la nuit mettait trop de temps à tomber. Tous ces jours passés enfermé dans ma chambre à lire ou à fixer le plafond me rappelaient que, ce temps, j'aurais pu le passer en compagnie d'Hisoka. Je ne le détestais pas, enfin je ne détestais pas tout de lui. J'aimais la partie de lui qu'il m'avait montré au cours de nos derniers jours. Cette partie je l'adorais sincèrement et en chérissais le souvenir.

Menteurs, sont ceux qui affirment que quoique fasse la personne qu'ils aiment, jamais ils ne pourront arriver à la haïr. Car j'exécrais Hisoka, tout le reste, tout sauf l'aspect de lui que reflétaient nos derniers instants heureux.

Je ne m'en aperçus pas immédiatement mais la voix de ma mère s'était éteinte. Je relevai les yeux vers mes parents pour comprendre quelle était la cause de ce soudain silence. Je vis la main de mon père posée sur l'épaule de ma mère, la réduisant instantanément au silence. Voyant que le regard de mon père était tourné dans ma direction, ma mère fit volte-face et s'en alla un peu plus loin en faisant claquer les talons de ses chaussures sur le plancher.

Lorsque, finalement, lui et moi nous retrouvâmes seuls dans la pièce, mon père fit quelques pas vers moi pour s'asseoir sur un fauteuil à ma diagonale.

« — Tu sembles distrait Illumi, dit-il d'une voix qui ne contenait rien de plus qu'un peu de raillerie.

— Je ne le suis pas, me contentai-je de répondre espérant qu'il lâche rapidement l'affaire. En effet, les interactions avec mon père étaient si rares que lorsqu'elles se présentaient à moi, je ne sentais rien d'autre qu'un malaise grandissant et un désir hâtif d'en finir. Ce qui avait pour conséquence de réduire encore plus le nombre de conversations que lui et moi avions.

— Je ne te crois pas, renchérit mon paternel, n'en démordant décidément pas.

Cette fois, je me tus, espérant couper court à cette causerie incommodante.

 C'est parce que tu es triste d'avoir quitté ton ami ? Hisoka ? 

Je détestais qu'il prononce son nom.

— Hisoka et moi ne sommes plus en contact.

Mon père hocha légèrement la tête en signe d'approbation.

— C'est mieux comme ça. Reste concentré sur tes études. Le reste est superflu. Tu auras tout le temps pour ces distractions après t'être assuré un avenir brillant. »

Mon père se leva. Ses larges épaules me rappelèrent sa puissance et son autorité. Je ne répondis rien. À mon tour, je me levai pour raccompagner mes parents jusqu'à la porte. Ma mère était visiblement pressée de partir, elle avait laissé Killua à la maison et voulait retrouver son fils au plus vite. Je la comprenais. J'avais hâte qu'elle parte, elle aussi.

En guise d'adieu, Silva posa sa main sur mon épaule : « Fais nous honneur. » J'hochai la tête. La porte se referma. Une grande inspiration s'imposa.

J'aurais pu dire que j'étais libre mais cela n'aurait été qu'à demi-vrai. Mes parents étaient toujours présents, pas physiquement évidemment mais ils me surveillaient. Ils me surveilleraient toujours. Aussi longtemps qu'ils le pourraient. Et je ne ferais jamais rien pour compromettre cela, car au fond, l'unique chose qui m'importait était leur reconnaissance et leur fierté. Être digne de leurs attentes, la seule chose qui comptait. Jusqu'à ce qu'Hisoka m'embrasse.


Tout était fin prêt. J'étais prêt, mes affaires et mon appartement étaient prêts, mon esprits était prêt. Je l'avais soigneusement vidé, nettoyé jusqu'à en éliminer toute toxine, toute pensée parasite. Les souvenirs, quand à eux, je les avais enfouis au fond de mon cœur et recouverts d'une épaisse couche de savoir nouveau. De sorte à ne pouvoir penser à rien d'autre qu'aux cours. C'était le plus important. Rien ne pourrait jamais plus faire vaciller cette vérité.

Lorsque je pénétrai l'enceinte de ma nouvelle école, le vent soufflait sur les arbres plantés sur le campus donnant à l'atmosphère une odeur d'apocalypse. Chaque pas me rendait plus serein, plus concentré, plus sûr de mes capacités que je ne l'étais déjà. J'eus cette étrange impression de déréalisation, comme si je n'étais pas vraiment moi et ne faisais rien d'autre que de jouer dans un film. Rien de tout ça n'était réel. Ni cette ville, ni cette école, ni moi, ni les souvenirs.  Tout ne fut que scripts et décisions scénaristiques pendent quelques courtes minutes. Ce n'était ni agréable ni inconfortable, juste très étrange. 

C'est là que mon regard croisa celui d'un garçon. Il avait un peu près le même age que moi ou un peu plus grand peut-être, portait un pull de marque clair mais qui lui donnait un singulier aspect débraillé. Il se tenait quelques mètres devant moi à ma droite. Des gens lui parlaient mais ses yeux me suivaient à mesure que j'avançai. Je détournai immédiatement le regard. Je détestais ce sentiment. J'avais l'incompréhensible sensation d'avoir trahi Hisoka. Les cheveux bruns et les yeux bleu polaire du garçon avaient capté mon regard, sans oublier que j'avais pendant un instant arrêter de croire en ma propre existence. Je devais me concentrer ; ni ce garçon ni Hisoka n'avaient d'importance. 

Honorer mon nom, la seule chose qui compte.

Ravage [Hisoka x Illumi]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant