Chapitre 50 - Soul reader

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[CHROLLO]

J'étais incapable d'être autre chose que partiellement brillant.

Pourtant aujourd'hui, mon professeur, ce même homme qui m'avait percé à jour, m'annonça qu'il m'avait jugé assez sagace pour me confier un élève plus jeune. C'était un système répandu dans ma faculté : on donnait à un étudiant la responsabilité d'un élève de première année pour explorer les relations et les rapports de force entre les nouveaux arrivants et leurs aînés. C'était mon tour apparemment. Le professeur m'ordonna de le retrouver dans son bureau lorsque j'aurai fini tous mes cours ; il m'y présenterait mon cadet.  Je hochai la tête en préservant un demi-sourire sur les lèvres. Un première année à ma charge ? Cela ne me faisait à vrai dire ni chaud ni froid, je savais que cela allait arriver tôt ou tard.

Ainsi ma journée reprit son cours et je la passai sans trop m'inquiéter de cette tâche qui allait m'être confiée. Lorsque mon dernier cours tira à sa fin, mes pensées cependant se dirigèrent plus nettement vers cet individu qu'on allait me préposer. Je ne m'inquiétais pas mais j'avais ce pressentiment étrange à son propos. Je ne saurais l'expliquer.

Il se confirma cependant quand j'entrai dans le bureau de mon professeur et plus précisément, lorsque j'aperçus sa silhouette pour la première fois.  C'était un garçon. Un garçon, plus jeune que moi d'au moins deux années donc. Il se tenait droit, assis sur une chaise. Son dos reposait contre le dossier mais sans vraiment s'y appuyer. Ses épaules semblaient impeccablement détendues et dessinaient une ligne parfaitement parallèle au sol. L'aplomb de sa tenue manifestait un calme qui paraissait inaltérable, une retenue tout à fait admirable et maîtrisée.

Il n'esquissa pas le moindre mouvement lorsque j'entrai dans la pièce, pas même le moindre geste de la nuque pour voir à quoi je ressemblais.

« - Assieds-toi Chrollo, je t'en prie, dit le professeur avec un sourire. Je lui obéis, m'assis sur la chaise libre à côté de celle du garçon et cessai définitivement de l'observer pour l'instant.

Le responsable de cette situation singulière sourit en regardant ses deux élèves à tour de rôle.

- Kurapika, comme je te le disais, voici Chrollo Lucifer. Chrollo, je te présente Kurapika Kuruta, déclara-t-il en se laissant aller sur son siège. Vous serez liés pour le reste de l'année, peut-être même plus si vous faîtes en sorte de devenir des amis. Kurapika, Chrollo sera en quelque sorte, ton tuteur dans l'enceinte de cet établissement. Pose lui tes questions, expose lui tes idées et partage tes points de vue. Vous aurez, plus tard, des devoirs communs à réaliser en coopération. 

Le professeur se leva et contourna son bureau pour venir se planter derrière nous. Ses mains se posèrent sur chacune de nos épaules, nous démontrant son enthousiasme. Ce fut à ce moment-là que je compris que Kurapika était sûrement le meilleur de sa promotion ou du moins, ce professeur l'avait jugé ainsi. Assurément il avait raison ; il avait su voir les limites de mon esprit. Il n'était peut-être pas le meilleur des enseignants mais sa capacité à comprendre l'intellect de ses élèves compensait largement ses lacunes dans la pédagogie. Je lui faisais confiance en ce qui concernait les talents de Kurapika.

Commencez par aller boire un verre ensemble dès ce soir. Histoire de briser la glace, s'égaya-t-il en lâchant sa prise sur nos omoplates. Son ton et comportement me permirent alors de discerner plus clairement la nature de son projet : Kurapika et moi étions une expérience. Je ne connaissais pas encore assez ce dernier pour assimiler l'intérêt de ce test mais si lui et moi, comme l'avait implicitement intimé le professeur, sortions ensemble dès cette après-midi, cela ne saurait tarder.

Nous reçûmes finalement l'ordre de disposer et ce fut en sortant de la pièce que je m'autorisai enfin à étudier mon partenaire d'un point de vue physique. Kurapika avait cette chevelure de couleur très claire, presque dorée, d'un blond parfait et des yeux qui, comme ses cheveux, ne laissaient pas planer le doute sur leur couleur : un bleu remarquablement clair teintait son regard. Ce furent ces deux éclats brillants qui m'interpellèrent d'abord. Puis je l'observai plus attentivement : son visage semblait synonyme de candeur. L'ingénuité de ses traits obligeait autrui à le caractériser tout de suite d'inoffensif. Le garçon paraissait incapable de nuire à qui que ce soit. Du moins en apparence.

Il me sonda en retour. Le rapport de force se supposait être en ma faveur, mais dans les yeux de Kurapika se distinguait une autre lueur qui n'avait rien à voir avec une quelconque innocence. Je souris pour dissimuler ma curiosité naissante à son propos.

- On devrait probablement faire ce qu'il a dit.

Ce fut la toute première fois que j'entendis sa voix.

- Allons-y, répondis-je, de plus en plus intrigué par ce garçon aux deux étincelles si contradictoires.

Kurapika se força à répondre aux questions personnelles que je lui posais tout en conservant une part de secret qui me donna cette impression que tout ce que je pouvais apprendre à son sujet n'était que superficiel. Quelque chose l'animait. J'aurais pu l'interroger directement sur le sujet mais il était encore trop tôt pour m'aventurer dans une extrospection. En attendant, je m'amusais de son calme vindicatif.

- C'est triste.

Je cessai de méditer et me reconcentrai sur sa voix.

- Quoi donc ? lui demandai-je intrigué. 

- Toi.

Je ne cillai pas.

Précise ta pensée, tu veux.

- La façon que tu as de voir le monde, s'expliqua Kurapika en me regardant droit dans les yeux, comme s'il attendait une réaction particulière de ma part. J'esquissai un sourire un peu coquet en gardant le silence lui donnant implicitement la consigne de se faire comprendre.

Notre professeur m'a donné à lire certains de tes textes. Cette manière que tu as de saisir la vie, elle ne me plaît pas.

- Vraiment ? répondis-je, franchement diverti. On aurait dit un enfant. Il marqua une pause et soutint quelques instants mon regard amusé que je ne dissimulais pas.

- J'ai compris tu sais, tu es inapte à éprouver quoi que ce soit alors tu contrebalances en prétendant saisir le sens de ce qui est écrit, dit-il en crachant presque ses derniers mots qui effacèrent abruptement mon sourire.

Même le professeur n'avait pas autant poussé son analyse. Était-il seulement possible de comprendre les mécanismes de ma psyché rien qu'avec mes essais universitaires ? Je serrai les dents ; je n'avais pas l'habitude d'être ainsi percé à jour. La couleur douce et chaleureuse de ses cheveux reflétait de façon tout à fait grandiose la lumière du soleil qui traversait la vitre de la devanture du café. Ses yeux en revanche semblaient durs et brûlants, plein d'une animosité impressionnante.

Et toi Kurapika, tu joues au garçon sage et clairvoyant mais en vérité, tu entretiens une laide colère au fond de ton cœur, n'est-ce pas ? Tu crois la cacher mais elle se lit dans tes yeux. Je ne sais pas ce que l'on à bien pu te faire pour que tu portes en toi une haine aussi ridiculement affreuse, soufflai-je d'un ton laineux et moqueur. Je vis ses traits se durcir comme pour imiter ses pupilles. Nous entrâmes alors dans une sorte de défiance conceptuelle qui ne laissait place à aucune faiblesse.

Je ne t'aime définitivement pas, conclut-il en se levant de sa chaise, brisant l'accablant échange. Je le suivis des yeux alors qu'il s'éloignait à larges enjambées quittant finalement le café.

Je ne mentirais pas : Kurapika m'avait laissé troublé. Jamais quelqu'un n'avait lu mon esprit aussi vite et clairement que lui. Tout bien considéré, ce garçon était redoutable. Redoutable et subjuguant.

Ravage [Hisoka x Illumi]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant