Chapitre 48 - Icare

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[ILLUMI]

Je ne dormais plus. Ou plutôt peu. Car chaque fois que j'abaissais mes paupières, c'était le visage d'Hisoka, ce visage d'adolescent dont j'étais parvenu à oublier les traits exacts. Maintenant je me souvenais même de la sensation de mon index soulignant sa mâchoire. 

Plus d'une année s'était écoulée depuis la dernière fois qu'Hisoka était apparu dans mes songes. Et voilà que de nouveau, il était partout. C'était injuste. Il n'avait pas le droit de réapparaître sans prévenir et ruiner tous mes efforts pour l'oublier. Je n'avais cependant aucun autre choix que d'interdire aux sentiments qui déjà réémergeaient, de passer la porte de mon âme. Ils devaient y rester enfouis. Hisoka n'avait plus la haute main sur mes émotions. Et puis d'ailleurs, en deux ans, j'avais réussi à en éliminer la plupart. Du moins, toutes celles que je considérais inutiles. Le superflu n'avait plus sa place dans ma vie, et Hisoka n'avait jamais été rien d'autre qu'accessoire. Une expérience qui avait mal tourné.

De plus, les examens semestriels approchaient. J'avais passé ma première année haut la main. Un des premiers. Seulement je ne voulais pas être un des premiers, je voulais être le premier. Mais il y avait cette fille. Trop douée, trop brillante. J'y avais longuement réfléchi, retournant le problème dans tous les sens. Je ne savais que faire pour la sortir de mon chemin. Mes parents avaient été des plus claires : « Fais-nous honneur. » C'étaient les mots de mon père. J'eus envie d'appeler Matteo. Mais on ne se parlait plus. Je m'étendis sur mon lit. Mes pensées tournaient toutes autour de Matteo, Hisoka et mes examens. Ce fut ici que l'idée vint.

Le lendemain au soir, je me préparai devant mon miroir. Voir Hisoka après deux ans, sous son apparence d'adulte m'avait frappé. Il avait presque entièrement perdu cet air hermaphrodite qui attirait filles et garçons, mais avait gagné en masculinité. Il conservait cependant ce visage fin, que j'avais tant aimé, qui lui donnait un certaine allure bisexuée. 

En revanche, je ne parvenais pas à voir ce qui avait changé chez moi. À part le fait que mes cheveux se soient encore allongés d'une dizaine de centimètres. Je me détournai du miroir en me souvenant de la façon qu'Hisoka avait de jouer avec eux.

À approximativement une heure du matin, je fis claquer la porte de mon appartement derrière moi. Mon souffle laissait des traînées blanches dans l'air. Mars n'en était qu'à son commencement, et l'air ne s'était pas encore réchauffé. 

J'entrai dans la boîte de nuit. J'étais à peine sûr d'y trouver Hisoka. En vérité, je savais qu'il allait se montrer. Mais l'heure à laquelle il avait fixé notre rendez-vous demeurait vague. Ce n'était pas grave ; j'attendrais le temps qu'il faudra. C'était à mon tour de l'utiliser. 

Assis sur le tabouret du bar, j'observais les glaçons qui flottaient dans le verre que mes lèvres n'avaient pas effleuré une seule fois encore. Soudain, une chaleur nouvelle se fit sentir sur mon épaule droite. Je me retournai dans le plus grand des calmes, mais j'avais déjà reconnu les doigts d'Hisoka.

« — Tu es venu, souffla-t-il. Je ne lui laissai pas le temps de développer. 

Hisoka, j'ai besoin de ton aide, lui annonçai-je en ignorant la main qui était toujours posée sur mon épaule nue.

Oh vraiment ? souffla le concerné avec un ton toujours aussi sulfureux.

Il y a cette fille.

Hisoka souleva un sourcil.

Là, je suis intéressé. Je ne savais pas que tu jouais aussi sur ce front, mon petit Illumi.

J'essuyai sa remarque, faisant de mon mieux pour ne pas réagir à ce surnom que je n'avais pas entendu une seule fois en deux ans.

Je voudrais que tu t'arranges pour qu'elle rate ses examens dans trois semaines.

Ah, je vois, reprit Hisoka ayant l'air d'avoir compris d'où j'en venais. Et que suggères-tu ? continua-t-il en observant ses ongles.

Fais ce que tu faisais à l'époque ; séduis-la.

Hisoka souffla du nez, puis balaya mon corps d'un regard, avant de recommencer à fixer mes yeux intensément.

Bien, mais uniquement parce que c'est toi qui me le demandes.

Je fus surpris qu'il accepte de se vendre aussi facilement. J'avais on ne peut plus confiance en ses capacités de séduction. Cette fille, il n'en ferait qu'une bouchée. Mon seul problème était maintenant de savoir si son service allait m'être gratuit. Enfin la probabilité pour qu'il le soit était très faible lorsqu'on traitait avec quelqu'un comme Hisoka.

Je me replongeai dans son regard.

Donne-moi ton téléphone.

J'y rentrai ensuite mon numéro à regret. Mais tout ceci n'était que marché et arrangements. Je l'utilisais comme il s'était servi de moi à l'époque.

Je lui tendis son appareil, mais en relevant la tête, je m'aperçus que son visage s'était considérablement approché du mien.

J'avoue que ce n'est pas ce que je m'imaginais quand je t'ai vu attendre au bar en entrant. Mais je prends, murmura Hisoka d'une voix que n'importe qui qualifierait de pernicieuse.

Sans détourner son regard que je soutenais, Hisoka attrapa doucement son téléphone qui coulissa le long de mes doigts.

En souvenir du bon vieux temps », conclut-il en chuchotant ces derniers mots sur lesquels il fit demi-tour pour me quitter comme il l'avait fait il y a sept jours.

Hisoka avait peut-être perdu ce charme adolescent que je lui avais connu, mais il avait acquis autre chose : la faculté effrayante d'envoûter ses interlocuteurs. Cela ne prenait pas sur moi, et je ne dis pas que ce mécanisme fonctionnait avec tout le monde, mais la plupart des gens tombait sans aucun doute régulièrement dans son piège, en se perdant dans les allées sinueuses de son timbre.

Avant il n'était rien de plus qu'un charmeur, il savait y faire, maintenant Hisoka s'était élevé au rang de dangereux, sans compter que la pureté de ses traits n'arrangeait rien. J'étais né pour être froid, et j'avais oublié à quel point sa chaleur était étouffante. Je n'avais plus dix-huit ans et son étuve intérieure ne me touchait plus dorénavant. Il allait cependant que je surveille mes arrières car son effervescence s'était décuplé en l'espace de deux ans : si je m'approchais trop près, je me brûlerais les ailes. Et l'histoire se répéterait. 




Ravage [Hisoka x Illumi]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant