Chapitre 34 - La partie de l'histoire que personne n'a envie d'entendre

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[HISOKA]

Le repousser avant que je ne m'attache trop.

J'avais assuré à Illumi qu'à mes yeux , il était spécial. Et c'est précisément parce que c'était vrai que je devais tout détruire avant qu'il ne le fasse. Car il allait le faire. J'allais aussi devoir briser cette promesse que je lui avais faite. Enfin ce serment restait un mensonge de toute façon. Je lui déjà fait du mal; Illumi n'avait simplement pas encore découvert la plaie. Bientôt il le saurait, j'allais y veiller. J'allais même l'élargir, cette blessure.

Il était encore tôt mais Illumi était déjà réveillé je le savais. Habituellement je lui aurais envoyé un message, lui aurais demandé s'il avait bien dormi, il ne m'aurait pas répondu et aurait ignoré mes questions stupides, il aurait tout de même souri en les lisant. Rien qu'à y penser, ma mâchoire se crispa.

Je pris mon téléphone mais ne tapai rien à destination d'Illumi. Sous le bout de mon pouce, mes contacts défilaient. Quelqu'un devait venir. Ce matin, cet après-midi, ce soir, n'importe quand, n'importe où, n'importe qui. N'importe qui tant que ce n'était pas lui. Je me mordis l'intérieur des joues, me levai, me rassit, me relevai, fit le tour de la pièce, puis de l'autre pièce, me rassit.

Qui ?

Il y avait cette fille à la dernière fête. Peut-être serait-elle partante. Enfin, il faudrait déjà que je me souvienne de son nom.

Ou Ryo. Ce serait plus que détestable de ma part. Mais après tout je n'étais plus à ça près. Un problème persistait : Ryo, pour sûr, prononcerait le nom d'Illumi. Je craignais que les trois syllabes qui composaient son prénom sortant de la bouche d'un autre ne provoquent chez moi une vague de tremblements qui me forceraient à chasser Ryo. Enfin, il fallait seulement le faire taire avant. Et c'est ainsi que je m'emparai de mon téléphone à l'écran rayé pour appeler Ryo. Il ne répondit pas; évidemment nous étions un dimanche et il était à peine neuf heures. Ce n'était pas grave; je lui laissai un message d'un charme froid qui le dirigerait sans l'ombre d'un doute jusque devant ma porte. La culpabilité n'avait plus de sens, à partir de maintenant, je me battais pour ma propre survie. Pour me défendre, j'attaquais : blesser avant d'être blessé.

Aux alentours de trois heures de l'après-midi, Ryo pénétra dans mon appartement. La température était plutôt élevée aujourd'hui et son torse n'était couvert que d'un fin tee-shirt blanc; je n'avais même pas envie de le lui retirer.

« — J'ai été surpris que tu m'appelles. En fait, je pensais que tu sortais avec...

Je lui mimai de se taire, l'arrêtant avant qu'il ne prononce le mot qui me ferait imploser.

Dis et si tu te taisais ? » lui proposai-je en déboutonnant son jean.
Ryo se contenta de ricaner.

La porte claqua. Ryo était parti. Nous avions couché ensemble. Deux fois.
J'avais l'impression de revivre les même scènes, sauf que cette fois, il faisait encore jour et c'était mille fois pire.

Mes yeux restaient secs, ma bouche aussi. La sensation pâteuse de ma langue sur mon palais me provoqua un haut-le-cœur. Je ne voulais même pas essayer de fumer. Mes jambes me paraissaient lourdes et mon cœur se soulevait à chaque bouffée d'air tiède. Je rafraîchis mon visage avec de l'eau trop froide. Rien n'y faisait.

Le trou dans ma poitrine s'élargissait un peu plus à chaque respiration. J'avais trahi. La chaleur m'épuisait. L'étang dans le jardin d'Illumi me revint à l'esprit. Cette eau quasi-immobile, le murmure sourd mais fugace du bourdon qui était passé à quelques centimètres de mon oreille, la brise sur mon front, le bruissement des feuilles des arbres au-dessus de nos têtes, Illumi... Tout cela paraissait s'être dérouler il y a une éternité. Pourtant c'était il y a seulement une semaine.

Le sentiment de dépendance qui ne cessait de croître en moi me rendait fou. Chaque seconde passée aux côtés d'Illumi ou simplement à penser à lui aggravait cet état vulnérable dans lequel je me trouvais.

Briser ce cycle avant que je ne puisse plus faire demi-tour, voilà ce que je venais de faire avec l'aide de Ryo. Rien de plus. Et pourtant c'était bien ce sentiment de culpabilité maladive qui me donnait la nausée.

Pas encore.
Pas encore.
Pas encore.


Illumi. C'est ta faute. Tu ne pourras t'en prendre qu'à toi-même quand tu apprendras ce que j'ai fait. Je ne le nierai même pas.

Dans deux jours, à l'occasion de mon anniversaire, nous avons prévus d'aller chez toi après les cours. Ce sera la dernière fois que je te mentirai au visage, la dernière fois que je te verrais sourire, peut-être la dernière fois que je te toucherai.

Après ça, tu sauras tout. Je m'arrangerai pour.

Ravage [Hisoka x Illumi]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant