Chapitre 49 - Bella Luna

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[HISOKA]

Si nos corps se rencontraient une nouvelle fois, qu'auraient-ils à se dire ?

Ma peau était couverte d'un filme de sueur moite. L'éclairage d'un réverbère traversait mes rideaux carmins dessinant une ombre orangée qui baignait mes yeux d'un trait de lumière. Le reste de ma chambre conservait cette ambiance de sombre clarté rougeâtre.

Mon corps fébrile s'étendait au travers de mon lit défait. Le souffle frémissant qui se mit à siffler entre mes dents emplit la pièce tandis que l'image des doigts fins d'Illumi me tendant mon téléphone se matérialisa sous mes paupières closes. Ma main glissa jusqu'entre mes cuisses.

Le timbre de sa voix résonna, juste comme s'il avait été là, tout près de moi, et qu'il me murmurait à l'oreille. Ma seconde main serpenta sur mon torse qui se soulevait et s'abaissait incessamment.

La ligne de la courbe de son dos qui s'était arqué pour accueillir le bras de l'inconnu se calqua sur mon plafond telle une constellation. Mes hanches s'incurvèrent comme pour en imiter la forme.

Ses joues, et puis ses lèvres, et puis sa peau. Je me cambrai jusqu'à ce que l'extrémité de ma tête elle-même entre en contact avec les draps entortillés. Un soupir sonore s'échappa de ma bouche qui souriait d'aise. Mon souffle languissant s'élevait en crescendo dans la pièce et témoignait du torrent de mes souvenirs. J'implosai.

Puis, l'épiderme encore tiède, le souffle encore court et le visage cotonneux, je murmurai dans le noir son prénom comme une prière.

Le premier message que je reçus d'Illumi fut une simple suite de chiffres. Puis un autre qui spécifiait que ce numéro était celui de la fille qu'il me demandait d'enjôler. Il me posa ensuite une question qui me donna une impression moins impersonnelle que ces deux précédents messages :

« Tu comptes toujours le faire ? »
Je l'imaginai instantanément prononcer cette phrase de vive voix et un tremblement involontaire de mes muscles me traversa.

« Bien sûr, écrivis-je. Pour qui me prends-tu ? »
Évidemment que je tiendrai parole. Et même si j'étais tenté de lui demander une faveur en échange, je ne pensais pas le faire. Il était encore trop tôt pour ce genre de jeu. Mais cela ne saurait tarder.

« Bien. Tiens-moi au courant. »

Fin de l'échange. Son austérité me captivait. En deux ans, elle semblait s'être renforcée si nettement qu'Illumi paraissait impossible à toucher de quelconque manière, ce qui me survoltait d'autant plus. Je m'occuperai de cette fille, et puis quoi ? Allions-nous continuer nos vies comme avant ? Non, après l'avoir revu je ne pouvais plus simplement agir comme si de rien n'était, comme si tout mon être ne brûlait pas à l'idée de l'effleurer. Mon désir de passer mes doigts sur son corps, si puissant soit-il, je devais le contenir soit, mais pas le supprimer, cela serait trop douloureux.

Blesser Illumi, je l'avais déjà fait. J'avais fait l'expérience des répercussions de cette blessure que je lui avais infligée. J'avais moi aussi subi les conséquences de mes agissements. En pâtir une seconde fois n'était même pas envisageable, même si à l'époque, j'avais tout justement dirigé mes actes dans le but de limiter la casse.

Cependant, maintenant que nous nous étions retrouvés, lui dire mentalement adieu une seconde fois était impossible, pas après ce que j'avais vu. Une part de moi avait toujours dix-huit ans et voulait encore s'asseoir près de lui, épaule contre épaule.

Je repris mon téléphone en main.

« Dis, j'aurais besoin du nom de ton école. »

Pas de réponse. Je voyais qu'il avait vu. Après plusieurs minutes de silence radio, il m'envoya une adresse aussi simplement qu'il m'avait envoyé le numéro de la fille précédemment, sans aucune fioriture. Splendidement frigide. Je souris, mon visage amusé sur lequel se reflétait l'éclat de mon écran. Comment diable allai-je faire pour réprimer cela ?

Illumi m'avait très clairement fixé un délai de deux semaines pour accomplir ma mission, à savoir détourner l'attention de cette fille de sorte à ce qu'elle échoue à ses examens, occuper la majorité de ses pensées en lui volant une partie de son âme, la tuer en quelque sorte. Et tout cela dans le but qu'Illumi la surpasse sans trop d'efforts. Il y a longtemps que je n'avais pas charmé à des fins personnelles. Mais j'étais doué pour ce genre de badinages.

L'après-midi du lendemain, je me rendis à l'adresse qu'il m'avait donnée. Je connaissais l'endroit de vue, mais cet université de renom était loin de mon quartier bon marché. J'étais passé devant l'endroit quelques fois mais sans jamais m'imaginer qu'Illumi y suivait des cours. Tout ce temps, il avait été si proche... Cette idée portait un caractère à la fois étrange et familier, c'était comme si j'avais toujours ressenti sa proximité mais que je ne l'assimilais que maintenant.

J'observai un instant l'imposante structure de pierre qui s'élevait devant moi. Un ricanement s'échappa de ma gorge : j'avais désappris à quel point la famille d'Illumi était opulente. Notre adolescence commune semblait tout droit sortie de divagations en y repensant.

Le ciel qui prenait déjà une teinte rosée me rappela la véritable raison de ma présence ici. Je baissai la tête vers mon portable, étudiant attentivement la photo de la jeune fille qu'Illumi m'avait communiquée. Ses traits étaient jolis, épurés comme une peinture. Je pouvais déjà y deviner les grandes lignes de sa vie : elle avait été condamnée à exceller dans tous les domaines, soumise à son nom de famille. Un peu comme Illumi. Leur différence résidait cependant dans le simple fait que, contrairement à lui, elle possédait des sentiments à foison qu'elle bridait pour l'instant tant bien que mal. Elle croyait les superviser parfaitement, seulement ce trop-plein finirait par déborder en emportant tous ses accomplissements et elle-même avec. Elle se noierait dans le raz-de-marée de sa propre âme et pour le faire savoir à tous, s'affirmerait violemment en abandonnant derrière elle les rêves que ses parents lui avaient implantés. Et je comptais bien déclencher ce tsunami.

C'était le danger de ce type d'enseignement. La famille Zoldyck était néanmoins passée maître dans l'art de museler sa progéniture. Illumi en demeurait l'exemple le plus remarquable. Ses parents avaient réussi l'exploit de supprimer son esprit d'opposition et de paralyser les émotions qu'ils avaient jugées négligeables. Je n'étais pas sûr que les Zoldyck avaient souhaité que leur fils fréquente les clubs et y embrasse des inconnus, mais il y a de ces desseins que l'on ne peut étouffer ; une fois réveillés, impossible de les faire disparaître volontairement. Seuls le temps et la fracture de l'âme avaient ce pouvoir.

J'observai la foule étudiante qui défilait en allant et venant dans cette allée qui menait à la solennelle entrée de l'établissement. Mes yeux, vivement, se déplaçaient dans un sens, puis aussitôt dans le sens opposé à la recherche du visage de la cible d'Illumi. Ce dernier m'avait signifié l'heure à laquelle elle quitterait le bâtiment de façon à ce que je la trouve aisément. Effectivement, j'aperçus au bout d'un temps, une jeune femme dont les traits correspondaient tout à fait à ceux de la photo. 

Je souris et relevai le menton avant de m'élancer vers la fugitive silhouette de mon point de mire.

Ravage [Hisoka x Illumi]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant