Chapitre 29 - C'est tout

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[ILLUMI]

« — Et maintenant, où allons nous ?  lança Hisoka, visiblement enthousiaste.

Je ne répondis rien. En fait, ces mots étaient à peine parvenus à mes oreilles. 

Nous avions recommencé ce matin. Cela n'avait pas été comme hier soir, évidemment. Pas aussi intense, pas aussi loin. Mais nous avions recommencé. Par ma faute qui plus est. J'avais eu envie, je l'avais incité.

Il est trop tôt pour manger, continua-t-il

Je n'ai pas envie de marcher, lui signifiai-je.

Après cette nuit, après ce matin, j'aurais du me sentir embarrassé, écœuré, et écœurant. Mais ce n'était pas le cas. Aucun regret ne m'assaillait; je ne voulais pas le quitter. Le fait qu'il ne le veuille pas non plus me rassurait.

Hisoka ne s'était pas encore lassé.

Je gardais néanmoins les pieds sur terre en me répétant que cela ne saurait tarder.

Allons ici dans ce cas, » dit-il en pointant du doigt un petit café. J'acquiesçai en fixant son sourire.

Nous entrâmes dans le petit local. Plusieurs personnes étaient assises, il était tout de même neuf heures. Hisoka m'entraîna jusqu'à une table pour deux. Avec précaution, je m'assis face à lui.

L'ambiance était tranquille. Il n'y avait pas de bruit; seulement le chuchotement d'un couple, le son des pages tournées d'un livre, le tintement des tasses en céramique et le bourdonnement réconfortant de la machine à expresso. Pas du tout le genre de Hisoka, je remarquai en parcourant la salle des yeux.

« — Qu'est-ce que tu prends ? lui demandai-je, une fois installés.

La même chose que toi. »

Aussitôt, je plantai mes prunelles dans les siennes, le dévisageant quelques secondes. Son visage trop lumineux, cet amusement constant imprimé dessus me firent ricaner. Je soufflais du nez en esquissant un rictus.

« — Deux cafés crème dans ce cas. »

Une fois notre commande passée auprès de l'unique employé qui travaillait à cette heure-ci, Hisoka initia la conversation :

« — Je pensais que tu t'en irais ce matin.

Je réfléchis un instant : il était vrai que cela m'était venu à l'idée. M'en aller. Cette option je l'avais d'ailleurs bien considérée. J'étais parti pour, même. Mais il avait été là, m'avait arrêté, demandé ce que je voulais vraiment, donné un prétexte pour rester avec lui.

Et pourtant je suis là.

La bouche pincée, il m'offrit un petit rire étouffé. Stoïque, je me contentai de le regarder.

Oui, tu es là, dit-il finalement, les lèvres courbées. Pourquoi es-tu resté d'ailleurs ?

Tu me l'as demandé.

Depuis quand fais-tu ce que je te demande ?

Je fus tenté de lui répondre « Depuis hier soir. », mais je ne me tus. Je me trouvais déjà trop captif: je n'avais surtout pas besoin qu'en plus, il le sache.

J'en avais aussi envie. C'est tout.

Mes trois derniers mots me valurent un haussement de sourcils amusé de la part d'Hisoka. Peut-être m'étais-je montré mesquin, mais j'estimais sans me tromper qu'il le m'héritait.

Tu m'en veux pour ça ? demanda-t-il, visiblement intéressé.

Non.

Oui. Peut-être.

Tu regrettes ?

Mon cœur se mit à battre bien trop vite lorsque je l'entendis poser cette question. Je dis la vérité.

Non.

Moi non plus. »

Notre commande arriva peu après. Mon regard était baissée vers ma tasse fumante. Un léger coup de pieds me fit relever la tête.

« — Je sais ce que tu penses, soupira Hisoka. Il avait détourné les yeux dès que j'avais établi le contact. Mais je te l'ai dit : tu es spécial.

Je restai septique. Avec le jour était venu le bon sens. Les choses qui avaient été dites hier soir n'avaient plus la même résonance ce matin.

Tu dis ça à chaque personne avec qui tu couches ?

Étais-je méchant ou juste ? Je ne m'y retrouvais plus.
Ses iris accrochèrent les miennes. L'expression qui s'y dévoilait n'aurait même pas pu être décrite.

Tu sais, Illumi... Je frissonnai à l'entente de mon prénom flottant sur ses lèvres. Je ne couche pas avec tant de personnes que ça, je ne suis pas un putain de lapin.

Semblait-il en colère ? Non plutôt, vexé. Il était vexé.
Pourquoi ? pensai-je, cynique.

Toujours était-il que je me sentais  gêné après sa déclaration. Mes pensées affluaient et les questions restaient sans réponse.
Nous sommes restés longtemps comme ça, je crois. Dans un silence de mort. Sans un regard. Seulement de petites œillades régulières, aussi ridicules que nous.

Puis Hisoka fit une blague, rigola tout seul, se moqua gentiment de moi, et continua à me provoquer. L'atmosphère se détendit. Un sourire se dessina sur mes lèvres. Pour l'instant, tout semblait comme avant...
Enfin, à quelques choses près : il me tardait de revoir son dos nu, ses clavicules, ses avant-bras. Je voulais le serrer si fort entre mes cuisses qu'il ne s'en irait jamais.

Tu sais Illumi, je ne ferais jamais rien pour te blesser. »

Il déclara ceci avec un sérieux déconcertant, son regard plongé dans le mien. Je déglutis discrètement, en continuant de le dévisager en silence.

En tenant ma tasse par son hanse, je la reposai délicatement sur son support. Je le croyais, je ne pouvais pas faire autrement. Furtivement, je relevai le menton en signe d'acquiescement. Et très vite, Hisoka repartit dans un nouvel éclat de rire. Le suivre était rude.

Ainsi, nous terminâmes nos boissons. Légers en apparence, nous brûlions à l'intérieur.

Lorsque nous sortîmes du café, plus à l'aise l'un avec l'autre, l'air doux caractéristique de la fin du mois de mai caressa nos joues timidement. Il ne faisait pas encore très chaud mais le soleil fleurissait déjà, haut dans un ciel parfaitement bleu.

Nous marchâmes un peu lentement sans trop savoir vers où nous nous dirigions. Notre itinéraire m'importait peu pour être honnête : près de lui, aujourd'hui, je me sentais volage et subtil , pas besoin de destination. Nous étions deux. Les paroles s'écoulaient doucement mais nous n'avions pas besoins de prétextes pour nous tenir côte à côte. Pourtant je me devais maintenant de prendre mon courage à deux mains et articuler ses quelques mots qui me brûlaient la gorge depuis la veille :

« — Hier soir. Tu étais différent.

Le simple fait de prononcer ces phrases provoqua en moi une montée de nervosité qui contrastait terriblement avec la singulière paix intérieure qui m'avait habitée pendant ces dernières longues minutes olympiennes.

Par chance, il sourit.

Différent, comment ?

Pas comme je l'imaginais.

Tu te l'étais déjà imaginé alors ? »

Ravage [Hisoka x Illumi]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant