Chapitre 3 - Se dérober

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[ILLUMI]

« — Alors nous n'avons qu'à courir et choisir une porte au hasard.

Cette fois, le garçon saisit ma main et, en joignant le geste à la parole, commença sa course à travers les couloirs, m'entraînant avec lui.

D'ailleurs, je m'appelle Ryo, s'écria-t-il entre deux éclats de rire.

Les frissons m'avaient saisi en un instant. Ryo et moi nous précipitions à travers les couloirs de ma maison, sa mains serrant la mienne. Soudain, il stoppa net et ouvrit une porte au hasard. Nous nous engouffrâmes dans la pièce, baignée dans une obscurité presque complète. Je n'eus pas le temps de prendre mes repères que les lèvres de Ryo se posèrent sur les miennes dans un baiser inattendu. Surpris, je ne le repoussai pas, laissant les sensations nouvelles d'un véritable baiser me submerger.

Notre échange buccal ne dura qu'un court instant, mais il me laissa enivré. 

Il insista et je me laissai submerger par ses avances. Je me demandai alors si ce que je ressentais dans mon ventre était semblable à ce qu'Hisoka ressentait habituellement. Naturellement, je glissai ma main autour de la nuque de Ryo. La facilité m'étonna. Les gestes étaient instinctifs, les soupirs, authentiques.

T'es sûr ? chuchota-t-il, projetant son souffle chaud sur mon visage. Sa gentillesse était incontestable, presque trop parfaite. Cependant, malgré ses efforts, je ne pouvais m'empêcher de ressentir une profonde aversion envers la manière dont il s'exprimait, de trouver notre transformation absolument répugnante, et de haïr chaque souffle rauque et haletant qui s'échappait de sa bouche. 

Pourtant la nouveauté me faisait frémir. Mes parents ne sauraient jamais rien de cet événement, mais cette désobéissance me faisait l'effet d'un poignard silencieux que je leur plantais dans le dos. Et j'adorais le sentiment. Dans leur propre maison, avec quelqu'un que je venais tout juste de rencontrer. Un garçon qui plus est. 

Et puis, je connaîtrais enfin ce qu'Hisoka affectionnait tant. Ce fut pour toutes ces raisons, que je me laissai aller aux bras de Ryo, que je l'embrassai les yeux clos.

Mon haut fut retiré. Ensuite, c'était son tour. L'assurance remarquable qui émanait de lui me rappelait vaguement quelqu'un. Ses mains glissèrent sous mes cuisses et ses gestes nous menèrent jusqu'à l'imposante table de verre qui trônait au milieu de la pièce. Je m'assis sur celle-ci, sans décoller nos deux torses nus. Je fus surpris par la facilité avec laquelle tout se passait. Une étrange sensation m'envahit alors, celle d'être un marionnettiste, dominant nos deux corps de haut en bas avec une facilité déconcertante. Dans quelques minutes, je perdrais ma virginité sur cette surface glaciale. Pourtant le souvenir de Ryo en moi resterait flou. Ce n'était pas extraordinaire, je ne parvenais à saisir la puissance de l'acte. Tous les gestes m'avaient semblé mécaniques, dénués d'éclat.

Ce que je ne pouvais pas nier en revanche, c'était le confort des bras d'autrui. Ce fut là, allongé sur cette table, que je me demandai pour la première fois ce que cela ferait d'être entre les bras d'Hisoka. Une fois que la pensée avait germé dans mon esprit, elle ne cessa de grandir.

Et puis il y avait la désobéissance. La fantastique transgression des règles établies. Pendant tout le temps que dura notre échange, je m'étais senti au sommet du monde. Ce n'est qu'après, quand les peaux se détachèrent, que cette rébellion secrète devint un objet de remords. Je venais en une dizaine de minutes de briser dix-huit années d'édification. J'avais trahi mon propre sang.

Nous recouvrîmes nos corps en silence. L'air était redevenu glacial. J'observai Ryo se rhabiller, luttant pour ne pas quitter la pièce et l'abandonner. Mes pieds étaient ancrés dans le sol, comme si je craignais de perdre contact avec lui. Le mutisme était de plomb et, quand le bruit du tissu laissa place à un silence parfait, Ryo prit la parole :

 C'était... commença-t-il, embarrassé. 

- Ne dis rien, le coupai-je. Plus les secondes passaient, plus mon rythme cardiaque s'accélérait. La crainte que quelqu'un m'est aperçu sortir de la pièce accompagné de Ryo et l'est rapporté à mes parents m'avait envahi. 

Il y a un problème ? me questionna-t-il, en s'approchant de moi.

Je gardai le silence, réalisant que mon comportement paraissait absurde. Cependant, je me détestais d'avoir cédé si rapidement à Ryo et plus encore, je le haïssais pour avoir engagé la conversation en premier lieu. À cet instant, je désirais qu'il s'éloigne le plus loin possible de moi. 

Je pense que je vais y retourner, dit-il finalement en finissant de réajuster son costume.

Je ressentais un profond dégoût envers la nonchalance avec laquelle il me traitait. Il m'avait considérée comme une simple distraction. Pour lui, tout cela était insignifiant, mais pour moi, c'était un affront à mon nom et à ma dignité. Et il n'en avait aucune idée. 

Ryo haussa les épaules.

Salut.

Je serrai les dents et le fixai alors qu'il me tournait une dernière fois le dos.

Je me retrouvai seul dans la pièce sombre, submergé par des sentiments de honte et de culpabilité qui m'étreignirent le cœur comme jamais depuis des années. Je savais que ce que je venais de faire était absolument inacceptable, et si mes parents venaient à l'apprendre, ils seraient si profondément déçus qu'ils pourraient me retirer la responsabilité de Killua. Et c'était bien là mon dernier souhait. Je me maudissais d'avoir été si impulsif, je maudissais Ryo d'avoir été là. C'est alors que je sentis les larmes me monter aux yeux. Cela semblait si naturel que j'en fus dégoûté et ravalai la boule qui s'était formée au travers de ma gorge. Je me jurai de ne plus jamais toucher à un corps.


Et voilà que Ryo réapparaissait, semblant surgir de nulle part tel un spectre venu me rappeler le serment que je m'étais fait à moi-même. Plusieurs mois s'étaient écoulés depuis la soirée de mes dix-huit ans. Et je ne l'avais pas revu depuis. S'il m'apercevait, la date d'aujourd'hui marquerait le jour de nos retrouvailles.

Soudain, le garçon en question se retourna pour regarder dans ma direction. Son regard croisa le mien et je ressentis un frisson dans mon dos. Il semblait surpris de me voir là, mais il abandonna vite son camarade pour se diriger vers moi, avec un sourire figé sur son visage. Ce sourire qui m'avait semblé si charmant lors de notre première rencontre me donna subitement l'envie de vomir. 

 Tout va bien ? me demanda Hisoka, en fronçant les sourcils. Encore assis sur le banc, il m'observait d'un regard interrogatif. Je ne montrais pas souvent une telle agitation. Je ne souhaitais pas qu'il attire les regards vers nous alors j'hochai la tête en me rasseyant à ses côtés.

— Hisoka, on devrait y aller, tu ne penses pas ?

 Pourquoi un tel empressement, dis-moi ? me questionna-t-il une seconde fois. Il sentait que quelque chose était en train d'arriver.

Pas de raison particulière. Je ne voudrais pas être en retard, c'est tout. 

 Hé, Illumi ! » entendis-je alors crier au loin. Cette voix qui avait chuchoté à mon oreille hurlait maintenant mon nom à travers le parc. Je fermai les yeux, fulminant en silence.

Il était trop tard pour s'enfuir.









Ravage [Hisoka x Illumi]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant