Mort

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Snake

Je me suis toujours demandé pourquoi j'aimais tant la défonce. Pourquoi je me suicidais ainsi à petit feu, en brûlant avec moi tout ceux que j'aime.

Toutes ces fois là, j'ai roulé un joint. Et les réponses sont venues à moi comme une évidence. Quand la fumée pénètre tes organes, Tu rêves enfin, tu te sens revivre, tu comprends que tu es venu au monde pour ces quelques minutes de pure bonheur : quand tu planes.

Ensuite, viens la culpabilité. Je suis rongé par la honte d'être ce que je suis. Et pour atténuer ce putain de sentiment, j'ai qu'une envie, me défoncer à nouveau. Si je ne me drogue pas, je cherche de la thune pour me droguer.

J'ai commencé à fonctionner comme ça à mes quinze ans, après l'accident qui a causé le coma de mon père. J'ai plus arrêté depuis.

Quand je me drogue, la peur que papa s'éteigne me quitte. L'angoisse, la rancune envers maman, tout disparaît.

Et je jouissais d'une vie de drogué, marié à la marijuana et au cannabis. Je les contrôlais. Je jouais avec, dansant avec leur fumée autour de moi. Toute une symphonie de sensations qui n'existent que pour m'émerveiller.
Mais j'ai changé. Maintenant, je ne me contente plus de la drogue douce. Je carbure à l'héroïne, à la coke et aux médicaments. Je goûte constamment de nouvelles choses, LSD, Molly, NdmA.
Aussi, les calmants que je pique à l'hôpital. J'y vais pour parler avec le médecin. La société pour laquelle mon père travaillait le lui a attribué jusqu'à ce qu'il se réveille.

Là-bas, c'est facile de se faufiler entre les docteurs pressés et les infirmiers en panique. Tu pénètres dans une pièce où des milliers de médocs sont posées sur des étagères en métal, n'attendant qu'à être volés.

Posé sur le canapé du salon, je prends quatre pilules jaunes que j'ecrase avec une bouteille d'alcool. Je les réduits en poudre puis je trace trois lignes avec une feuille pliée en deux. Ensuite, j'enroule la feuille pour pouvoir sniffer les lignes.
Mon nez me fait un mal de chien, il saigne légèrement mais je m'en fou. Je continue.

Et puis...
Le silence total comme si le quartier tout entier s'était éteint. Je n'entend plus les oiseaux ni les jeunes qui squattent l'entrée de l'immeuble. Je ne sens plus aucune odeur, mon nez s'est liquéfié. Je ne respire plus. Me vient L'impression de ne plus avoir besoin  d'oxygène dans mes poumons.

Tout s'arrête, comme quand on meurt.

Un bruit vient chatouiller mon oreille. Des milliers de feux d'artifices qui explosent mes sens. Des lumières multicolores décorent ma vue, me faisant réaliser que je ne suis sur cette terre que pour les voir briller. L'euphorie provoque des spasmes sur tout mon corps.
J'arrive à saisir mon paquet de Black rose. Sortant une tige, je l'allume avec mon briquet avant de le poser sur mes lèvres. La fumée mélangée à la poudre me donne l'impression de me noyer dans de l'eau glacée.

Je me lève. Mon appart miteux s'agrandit et rétréci. Le plafond me semble être à des kilomètres de moi puis l'instant d'après, vient s'écraser sur ma tête.

Une musique commence à se jouer. Young, dumb and broke de Khalid. Toujours le même son.

Je commence à dancer au milieu du salon. Le soleil d'après-midi joue le rôle de projecteur. Tout est beau, tout est magique comme dans un putain de classique Disney.
Je trébuche et m'écrase sur le sol. Pas grave, plus aucune douleur. Je suis anesthésié.

J'explose de rire. C'est du lourd.

Des fées volent autour de moi, elles saturent le petit appart. Avec elles, des papillons qui s'accrochent à mes vêtements pour me faire voler. Je quitte le sol. Mon âme se détache de mon corps.

Je crois entendre la porte de l'appartement claquer. Simple illusion ?

Kia apparaît devant moi . Elle hurle des mots que je n'entend pas. Les larmes qui coulent le long de ses joues brillent telles des paillettes. Je lui souris, incapable de bouger. Elle me secoue pourtant je ne sens même pas le contact de ses doigts sur ma peau.

Petit à petit, je redescends. Les papillons me reposent sur le vieux tapis poussiéreux.

J'entends un bruit assourdissant me déchirer en deux. Le bruit que fait la machine dans la chambre de mon père pour afficher les battements de son cœur. Pourquoi le son est-il constant, comme si son cœur ne battait plus ?

- Snake! Ton père ! Hurle Kia.

Je souris.

Non, il n'est pas mort. S'il meurt, je meurs avec lui. Il est le seul espoir à laquelle je m'accroche depuis cinq ans. Mon père me sauve la vie tous les jours, il est celui qui m'empêche de franchir la limite de l'overdose.

Quand tout ceux que j'aime partent, papa me laisse croire que tout peut aller mieux.

Apparaît Straw.

- Snake ! Crie-t-elle. Putain, atterri !

Je reprends le contrôle pourtant, difficile de se relever sans leur aide. Doucement, je me mets debout.

- Papa... Soufflé-je avant de me diriger dans sa chambre.

Le bruit infernal de la machine s'empare de l'obscure pièce, puant la mort et les antibiotiques.

Tel un mec bourré, je m'avance pas à pas vers lui, le dos courbé. Je me bas pour ne pas m'écrouler. Les sanglots de Straw et Kia en arrière plan, je le regarde comme si j'étais incapable de réaliser que ma chienne de vie vient de voler en éclat.

- Papa...

Je m'empare de sa main pâle, elle est glacée.

- Papa !

Mon corps ne peut endurer davantage. Je m'agenouille devant son lit, ruer par les coups.

- Jusqu'à quand... Murmuré-je.

D'abord maman. Puis Xavier, Jana... Ils m'ont tous abandonné.

- Jusqu'à quand je vais devoir supporter de vivre comme ça !

Kia vient m'envelopper de ses bras. Elle supporte à ma place. Elle supporte mes malheurs quand moi, n'en suis plus capable. Je ne lui arrive pas à la cheville. Je ne la mérite pas.

Elle me chuchote qu'elle sera toujours là tandis que je fouille mes poches, cherchant déjà l'une de mes pillules magiques.

Le Dieu et La Reine TOME II : Criminel Malgré Lui Où les histoires vivent. Découvrez maintenant