23.

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Je me regarde dans le miroir sans me reconnaître. 

Nue, entourée des vapeurs encore ambiantes de la douche, je ne suis plus celle que j'étais. J'ai gardé mes bonnes joues et mes grosses cuisses qui m'ont values un harcèlement en à l'école primaire, mais sinon, rien d'autre. J'ai un peu bronzé, mais mon teint reste blafard. De grosses cernes bleutées entourent mes yeux et ces derniers ont l'air éteints, d'ailleurs. Les marques de coups s'estompent à peine. Je détourne le regard, ne voulant plus m'observer sous toutes les coutures car j'ai déjà trop pleuré. Rester seule, enfermée, allongée et sanglotante dans le noir pendant plus d'une journée m'a fait étonnement du bien... Cependant je ne digère pas la dernière conversation que j'ai eu avec Thaddeus. Ils étaient encore en vie mais il savait qu'il les tuerait, et il est venu me demander à moi ce que je voulais qu'on fasse des corps. Ils étaient encore en vie et il s'est amusé de leur mort. Ils étaient encore en vie et il s'est joué de mon espoir. Ne voulant pas plus y penser, je revêt ma robe noire et mes escarpins, avant de prendre mon sac. J'attache mes cheveux dans un chignon bas et y fixe mon chapeau. Je n'ai aucune idée de la raison pour laquelle je l'ai pris dans ma valise, pour l'enterrement de Corelli peut-être... Je met dans mon sac mon téléphone portable, mon portefeuille, la clé de la chambre et sort en claquant la porte. 

Une fois montée dans le 4x4 noir, je fais un détour par le centre-ville de Palerme et achète quelques roses que je repose sur le siège passager, les mâchoires serrées. Comme d'habitude, je m'engage sur la nationale à pleine vitesse direction le domaine et après une vingtaine de minutes, la petite route de campagne se dessine devant moi. Je l'emprunte, puis tourne à droite et aperçois au loin les deux maisons et l'entrepôt. Avec une boule à la gorge je rétrograde, ralentis et me présente devant le portail qui s'ouvre avec le grincement habituel. Courage, Violence, tu peut survivre à ça. Tu as déjà survécu à pire. A tant de choses. Je vais me garer sur le petit parking et descend de la voiture, mon sac à la main et les roses avec moi, contourne la maison, y frappe et rentre. 

- Mio caro ! s'exclame Alberta. ( ma chérie

- Ciao, je souris faiblement. 

Nous continuons la conversation en anglais et elle me force presque à gouter ses baba au rhum. 

- Délicieux, je dis. 

- Je t'en met de côté.

- Je n'ai pas le coeur à manger, je souffle. Mais d'accord. 

Elle a un petit regard triste et je déglutis difficilement. Nous parlons, accoudées au comptoir et je me rend compte qu'elle me rappelle un peu ma tante ; elle me manque, elle aussi. Tout me manque. J'ai l'impression d'avoir été dépossédée de ma vie, de tout ce que je connais, de mes propres souvenirs, et le manque se fait beaucoup ressentir ces derniers jours. Sentant une ombre derrière mon dos, je me retourne d'un mouvement et ne découvre pas Thaddeus, mais Enzo. Surprise qu'il soit de retour et ayant toujours de l'adversité pour lui, je ne lui décroche même pas un bonjour, juste un regard et je me reporte sur Alberta, histoire de lui faire comprendre que je ne lui accorderais aucune attention. 

- Je reprends le commandement du domaine jusqu'à demain, m'indique t-il. 

- Tu n'est même pas de l'organisation, je réplique. Comment ça se fait que Thaddeus te laisse gérer ses affaires ? 

Je vois dans les yeux d'Enzo que cette remarque le touche. 

- Parce qu'il me fait confiance, pas comme à toi. 

J'éclate de rire, d'un rire ironique, et remercie Alberta pour le petit gouter qu'elle m'a offert avant de tourner les talons et de me diriger vers la porte. J'entend qu'il me suit et je ne peux m'empêcher de me crisper, même quand je tente de claquer le battant mais qu'il le retient pour sortir avec moi. Des soldats patrouillent, certains parlent entre eux, et comme à leur habitude certains s'entraînent au combat : je les regarde de loin, dégoûtée par leurs actes. 

ULTRAVIOLENCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant