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1 an plus tard. 

Je me déchausse, pose mon sac et mes affaires sur le petit meuble de l'entrée et retire ma veste. Punaise, il fait tellement chaud. Je me change pour revêtir un débardeur noir et un short gris avant de relever mes cheveux en une queue-de-cheval, épuisée. Le soleil se couche sur Carthage, derrière la mer, et je prends le temps d'observer la lente descente de l'astre dans l'océan pendant une dizaine de minutes avant de commencer à me préparer à manger. Revenir ici a été une évidence, finalement. J'ai cru pouvoir me reconstruire à Londres, mais après avoir tout perdu c'était impossible et j'ai fait le choix de retourner en Tunisie. J'ai retrouvé un appartement près de l'ancien, je donne des cours d'anglais et d'italien comme avant ; comme si rien n'avait changé, comme si entre-temps, je n'avais pas vécu tout ce que j'ai vécu. J'ai des horaires souples et pas trop contraignant, une stabilité financière, je vis seule à mon plus grand plaisir, et j'ai vu sur la mer, que demander de plus ? J'ai tout ce dont j'ai besoin ici. Les paysages. Un emploi qui ne me déplaît pas trop. La nourriture tunisienne. Le solitude. Le calme. La paix.  Alors que mes boulettes de viande cuisent dans la poêle, j'entends quelqu'un sonner à la porte de mon appartement et m'empresse d'aller voir par le petit trou de Judas. C'est un homme, et prudente, j'entre-ouvre la porte. 

- Bonjour, je dis. 

- Bonjour, me répond t-il en anglais.

L'accent qu'il a me glace le sang, parce que je le connais trop bien, parce que je l'ai d'ailleurs trop entendu, et que j'avais espéré ne plus jamais l'entendre de ma vie. Un accent méditerranéen très marqué. Il me tend une enveloppe noire dont je me saisis, sourcils froncés. C'est quoi ce délire ? Qui envoie du courrier dans des enveloppes noires ? 

- Si je peux vous donner un conseil : courez. 

Il y a un petit silence.

- Et vite, ajoute t-il. 

Puis il tourne les talons et disparait dans l'escalier. Tous les muscles de mon corps se tendent d'un seul coup quand la porte claque derrière moi et je me sens vidée de mes forces après ce qu'il vient de se passer. Je tiens toujours dans ma main cette enveloppe noire sur laquelle il n'est absolument rien marquée, mais elle est scellée derrière par un sceau de couleur noire aussi. Je déglutis. Ça sent le cramé, et je ne parle pas de mes boulettes qui cuisent... Je pose la lettre, l'ignorant royalement jusqu'a ce que j'ai fini de me faire à manger. Je déguste mon repas devant la télé comme si mon cerveau avait fait un black-out total, puis quand je me lève pour tout ranger, je me rappelle des mots. Courez, et vite. Courir ? Mais pourquoi ? Lentement, comme si j'avais peur de me couper, j'ouvre l'enveloppe et en sort une lettre manuscrite que je lis.

Et quand j'ai fini de la lire, j'ai en ai les mains qui tremblent.








" Violence,

Je vais commencer cette lettre par des simples mots : prends tes jambes à ton cou. 

J'ai reçu ta lettre il y a presque un an et après l'avoir lu je n'y ai pas touché pendant trop longtemps, faute de temps et d'énergie à t'accorder comme tu dois sûrement t'en douter. Mais aujourd'hui, il est temps que j'y réponse, point par point, méthodiquement.

Tu as expliqué que mes mots n'avaient plus d'effets sur toi, que tu étais toujours en vie ( et à l'heure actuelle, tu l'est encore ), que tout ce que j'avais prévu n'était pas arrivé et que donc, par la même occasion, tu m'avais prouvé que j'avais tort. Tu dis aussi que tu va bien, que tu n'a jamais ressenti cette paix et ce calme, mais quelques après, tu écris que ces souvenirs te hantent. Je ne pense pas m'être trompé en te disant que tu finirais par te tuer, Violence, parce que c'est ce qui est arrivé : pas physiquement mais psychologiquement. Tu t'es confectionnée un cercueil dans ces souvenirs, tu as creusé ta tombe dans la culpabilité, tu est rentré à l'intérieur et tu t'y ai enterrée vivante. Parce que tu as tenu le coup. Mais quand on tient, ça veux seulement dire que quelque chose d'extérieur nous pousse à abandonner, et qu'on continue à garder nos positions. Si tu avais arrêté de te battre, de tenir bon, si tu avais laissé tout ceci t'envahir et te noyer, tu irais beaucoup mieux aujourd'hui parce que tu aurais compris que tout le monde a une part d'ombre. On ne peux pas être tout blanc ou tout noir. Le monde tourne au gris, de différentes nuances, constamment, des fois plus clair, des fois plus foncé, mais toi tu est à l'extrême. Tu ne supportes pas ce que tu as fait, tu ne supportes pas le gris et tu t'es suicidée psychologiquement. Même si tu m'a écrit cette lettre pour te libérer de tout ceci, des mots que je t'ai dit, je n'arrive pas à m'empêcher de voir très clair dans le jeu auquel tu joues. 

ULTRAVIOLENCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant