ULTRAVIOLENCE

24.

Partie 2 : Ailes d'obsidienne 

Le réveil sonne un peu trop tôt à mon goût et je l'éteint brusquement en me tournant dans les draps du lit de l'hôtel. La soirée d'hier à été rude ; après un entretient téléphonique avec Aderholt, le psychiatre, j'ai réalisé que j'aurais beaucoup de chemin à faire une fois que toute cette histoire sera terminée. Il m'a aussi dit de me reposer le plus possible et de m'éloigner de Thaddeus quand je pouvais le faire - donc pas de venue inutile au domaine, mais ça ne me serait pas venu à l'esprit de toute façon. J'ai décidé de prendre un peu soin de moi aujourd'hui, essayer de me relaxer au maximum en attendant le jour j, et m'habille vite fait pour aller chercher un petit-déjeuner à la boulangerie. Je prends quelques viennoiseries italiennes et les ramène à l'hôtel, en me faisant aussi apporter à la chambre un café, et cette salade de fruits rouges qu'ils ont.  Installée sur le lit, je ne peux m'empêcher d'aller dans le groupe tchat que j'ai avec mes amis et de les appeler. Hakim décroche après quelques secondes. 

- Ciao bella ! dit-il à travers le téléphone. 

- Ciao, je souris. 

- Ca faisait tellement longtemps ! On se doute que tu profites de ton voyage mais tu nous oublies un peu là... 

J'éclate de rire ( et honnêtement, c'est un rire un peu faux ). Je lui explique que je suis partie pendant quelques jours pour un trip dans la montagne et que j'ai eu un problème de forfait avec mon téléphone mais qu'ils devraient tous recevoir des photos bientôt. Photos que je prendrais soin d'envoyer un peu plus tard, pour camoufler tout ça. Je lui fais visiter ma chambre d'hôtel et nous rigolons à propos du lit dans lequel il suggère que je m'amuse beaucoup avec les italiens. Si il savait, si il savait...

- Comment ça va, à Londres ? 

- Pas génial. Il y a eu des manifestations sur Theobald Street l'autre jour, je te raconte pas... 

Hakim est à l'université et il majore dans l'économie et les sciences humaines. Il adore ce qu'il fait, c'est le presque le meilleur élève de sa promo et il était le meilleur d'entre nous au lycée : il nous motivait tous et on allait à la bibliothèque pour réviser ensemble, avant. On savait qu'il nous aiderait, que ce temps-là serait du temps de gagner. Cela fait plus de trois ans que je ne le vois plus que par téléphone, et cette vie vient à me manquer, finalement. Les soirées que l'on faisait me manquent, les voir tous en vrai me manquent, vivre à Londres me manque. Avant que Corelli tente de me tuer, tout était si simple et si normal ! On était tous ensemble, personne n'allait pas bien, il n'y avait pas encore de criminels en vue ni de déménagement en Tunisie.... 

- Et l'université, c'est comment ? 

- Génial, dit-il. J'ai rencontré plein de monde, et j'ai des contacts pour être embauché quand j'aurais fini le cursus. 

- Dans quelle banque ? je demande. 

- Schoetell Corporation ! 

J'ouvre grand les yeux. Une banque très reconnue au Royaume-Uni, qui pourrait lui donner plein d'opportunités pour aller vivre partout en Angleterre ou en Irlande ou en Ecosse... Ravie pour lui, je le félicite. Il a l'air si fier, et moi, je suis très fière de lui. Pourtant, une question me reste sur les lèvres et je profite d'un silence pour lui demander : 

- Ils sont où les autres ? 

- Garett est avec Kira est à l'hôpital. Elle ne t'a pas dit ? 

- A l'hôpital ? je répète. 

Il hoche tristement la tête et m'explique que cela fait deux jours qu'elle y est pour une maladie que les médecins n'arrivent pas à déterminer pour l'instant. Son état s'est dégradé hier mais elle est stable, et ils pensent pouvoir la faire aller mieux avec un nouveau traitement. La panique et la tristesse me tordent le ventre : est-ce que la vie s'acharne contre moi, ou est-ce que je rêve ? Je me déteste de ne pas être à ses côtés, aux côtés de Garett, pour les soutenir tous les deux. Je manque tellement de choses dans leur vie, j'ai l'impression de n'être qu'un fantôme dans notre groupe d'amis et c'est une sensation que je déteste.