15.

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 Je rentre dans la Chapelle en même temps qu'un groupe de touristes allemands. L'intérieur est magnifique, et le silence règne ; c'est quelque chose qui m'a toujours fasciné dans les églises, les cathédrales, et les chapelles. Ce silence et cette semi-obscurité semant une ambiance si particulière sont tellement agréables que je m'assois sur un banc après avoir allumé une bougie.   Pendant au moins vingt minutes, je repose mes pieds fatigués à force de marcher dans les rues pavées de Palerme et fixe les vitraux et les bougies de la chapelle, avant de me lever et de repartir. Je mange un sandwich en me baladant entre les boutiques, puis quand je sens que la chaleur commence à se faire trop forte, je décide de prendre un taxi pour retourner jusqu'a mon hôtel. 

C'est sans une seule hésitation que je me jette dans la douche et essaye de me détendre : dans quelques heures, je dois retrouver la route pour aller chez Di Casiraghi. Après deux jours de repos, paisibles, durant lesquels j'ai tenté de retrouvé un semblant de santé mentale et de relaxation, le cours des choses doit reprendre ( malheureusement ). Et je n'ai aucune envie d'y aller. En fait, je me demande même si je vais vraiment y aller. Il faut dire que les événements de mardi m'ont retourné... Ce n'est pas tout les jours qu'on assiste à un quintuple meurtre de sang-froid, et la conversation que j'ai eu avant le meurtrier n'a eu de cesse de me rappeler qu'il n'est pas juste un businessman ou quelqu'un de normal. Je crois que j'ai trop tendance à trop l'oublier. Plus que onze jours avant la date fatidique et je compte les heures jusqu'a ce moment où je serais enfin délivrée ; ce sera une renaissance, une résurrection absolument incroyable. J'enfile une robe longue kaki et sèche mes cheveux avant de les tresser minutieusement en espérant avoir de belles boucles demain, puis je m'assois sur mon lit en écoutant les conversations dehors et le chant des oiseaux. 

- Il faut que j'y retourne, je soupire.

Faut-il vraiment que j'y retourne, après tout ? Non, je pourrais très bien rester ici et ne pas y aller... Mais je m'expose à la mort si je le fais. De toute façon, il faut bien mourrir un jour, non ? 

- Allez Violence, prend ton courage à deux mains...

Je me saisi de mes clés, de mon sac à main et de mes lunettes de soleil avant de claquer la porte de ma chambre et de dévaler les escaliers jusqu'a la réception. Une affiche indique soirée pool party ce soir, et cela me met un petit sourire au lèvres ; j'espère être revenue d'ici là. J'ai beaucoup de temps à rattraper... Lorsque Corelli m'a tiré dessus, j'avais dix-sept ans, aujourd'hui en j'ai vingt-trois et je n'ai pas profité de ma jeunesse. Alors que les autres fêtaient l'obtention de leur diplômes, j'étais cloitrée chez moi dans la peur. Alors qu'ils partaient pour l'université, j'étais internée en clinique de repos. Alors qu'ils se faisaient de nouveaux amis, je déménageais à plus de deux mille kilomètres de là. Alors qu'ils vivaient leurs premières soirées étudiantes, je traquais des criminels à la recherche de réponses qui m'obsédaient. Sur le moment on ne se rend pas compte d'à quel point on est en décalage avec les gens de son âge, mais après avec du recul, on le ressens profondément. Ces moments ratés doivent être rattrapés et j'y compte bien.

De nouveau motivée pour être à cette soirée organisée par l'hôtel à temps, je dévale les escaliers en marbre et pose les pieds dehors pour me diriger vers mon 4x4. Après m'être installée, et avoir posé mon ordinateur portable sur la banquette arrière - on ne sait jamais, je démarre, fais une marche arrière et sors du parking de l'hôtel. Comme d'habitude, au bout de la route principale je m'engage sur la départementale, fenêtres ouvertes et cheveux au vent sans prêter attention à la Mercedes noire qui me suit de près. Le monte le volume de la musique à la radio et enfonce la pédale d'accélération, en quête de sensations positives qu'il m'est difficile d'atteindre depuis quelques jours, et j'aperçois dans mon rétroviseur la Mercedes me faire des appels de phare, un peu plus loin derrière. Il cherche à me faire comprendre quoi ? Je dépasse la limitation et prend un virage un peu trop serré, action immédiatement suivie d'un Klaxon de la voiture derrière. Je peste derrière le volant. Les gens ne peuvent décidément pas s'occuper de leurs affaires... La voiture me suit jusqu'au portail noir et c'est là que je réalise que c'est peut-être Di Casiraghi à l'intérieur : un coup de stress m'envahit et je me gare comme d'habitude à ma place sur le parking. 

ULTRAVIOLENCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant