Assise sur ma chaise je mange en silence pendant que les trois autres discutent ensemble des affaires ( encore ) et essaye de me reconcentrer sur mon assiette. Cette discussion, houleuse, que je viens d'avoir avoir mon voisin de droite est si douloureuse à l'instant présent que je pourrais en hurler. Je savais que des gens allaient mourir durant le plan, je savais ça quand j'étais à Carthage, quand j'ai attaqué leurs ordinateurs, quand j'ai pris l'avion pour la Sicile, quand nous avons commencé à travailler ensemble - plus ou moins. Oui, je le savais, que des gens allaient mourir, mais je gardais cela bien caché dans un coin de mon esprit, peut-être même que je ne voulais pas me l'avouer ou du moins y penser... Et le fait qu'il me balance ça comme ça, sans concession, d'une manière aussi brutale, j'ai du mal à la digérer.
- Et vous Violence ?
- Quoi ? je demande en relevant les yeux.
Marco me sourit.
- Des projets pour après ? Puisque vous n'êtes pas des nôtres.
- Je vais retourner à Londres, je dis, et reprendre une vie normale.
Il me fixe intensément.
- Vous êtes anglaise ?
- Oui, je dis.
- J'ai de la famille là-bas, déclare t-il.
- Dans quel coin ? je questionne distraitement.
Je triture ma nourriture dans mon assiette, sur les nerfs. La tension que je ressens dans chacune des cellules de mon corps ne me quitte pas, et je déteste cette sensation. Je déteste la conversation que je viens d'avoir avec Di Casiraghi, je déteste cette maison, ses habitants, je déteste tout ici.
- A Winchester.
- C'est une très belle ville.
- Peut-être aurons-nous le plaisir de nous croiser.
Je pose mon dos contre le dossier de ma chaise, mal à l'aise, ne sachant pas trop pourquoi il paraît tant s'intéresser à moi, à ma vie, et à mon avenir. J'ai vraiment très très hâte que tout ça se finisse, il est temps que ça s'arrête ; mais demain soir, je serais en train de préparer mes bagages pour prendre l'avion, et il n'y a plus de pensée plus positive que celle-là.
- Je crois qu'elle ne voudra plus voir personne de l'organisation, rigole Victoria. Il faut dire qu'on ne l'a pas épargnée.
- En effet, je dis.
Marco hoche la tête, pensif.
- Ça ne doit pas être facile d'arriver dans ce milieu.
- Ça ne l'a pas été, oui, d'autant plus que certaines personnes m'ont intentionnellement rendu la vie dure.
Mon voisin de table ne relève pas cette pique et nous continuons tous à manger, en écoutant Marco parler aussi de ses premiers jours dans ce monde quand il l'a intégré. Après Victoria, c'est lui qui me confie qu'il en bavé mais qu'il a fini par s'habituer et aimer le travail qu'il faisait. Punaise, je suis vraiment entourée de gens étranges, et je ne peux pas attendre de retrouver une civilisation normale qui ne sort pas des neuf millimètres au moindre mot de travers. Je ne peux pas attendre de pouvoir mal parler aux gens sans pour autant me retrouver pendue par les pieds dans un entrepôt qui sent le sang, la mort et la boue à plein nez.
- Et notre monde ne t'a pas... Tenté ? demande t-il.
Je m'en étoufferais presque. Tenté ? Mais qu'est-ce qu'il leur prend, qu'est-ce qu'ils s'imaginent ? Que c'est parce qu'on côtoie des criminels que l'on en devient un ? Que c'est parce que j'ai cherché une aide qu'ils étaient les seuls à pouvoir m'offrir que je vais automatiquement devenir moi aussi une personne faisant partie de l'organisation ou de la mafia, comme me l'a proposé Enzo il y a quelques jours de cela ? A croire que Thaddeus m'a offert un thé avec deux petits sucres et a été un ange avec moi, et que ça m'a donné envie de bosser pour lui... N'importe quoi.

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ULTRAVIOLENCE
RomanceViolence vit recluse à Carthage depuis trois ans, préparant le jour où elle ira à Palerme pour chercher des explications. Et ce jour est enfin venu. Thaddeus n'est pas le genre d'homme qui transpire la sécurité, la bienveillance ou l'amour. Plutôt...