ULTRAVIOLENCE

12.

De retour dans le bureau de Thaddeus, je me rassois sur mon siège. Nous venons de nous mettre d'accord sur le deal sur fond de tentative de meurtre et maintenant il est temps que nous parlions du plan. 

- J'ai besoin que vous me racontiez exactement ce que vous savez. 

J'inspire. 

- Je sais que Paganelli était dans vos rangs, qu'il a été tué par votre organisation en 2014. 

Il prend des notes, consciencieusement. 

- Vous l'avez découpé et mis sur des piques au milieu d'un champ et lorsque la police a commencé son enquête, une série de meurtres a fait fermer le dossier. 

- En réalité, la plainte contre X a été classée sans suite. Continuez, me demande t-il.

- D'ici, je suis allée voir dans le dossier. D'évènements en événements, de meurtre en meurtre, de nom en nom je suis remonté jusqu'une famille vivant à Naples, que j'ai contacté. 

- Nom ? 

Je déglutis. 

 - Les Garcia. Parents de Emillio Garcia. 

Il hoche la tête et me fait un petit signe de la main pour que je continue. 

- Ils m'ont confirmé que leur fils avait plongé dans un groupe d'extrême violence. Une sorte de gang. Ils m'ont donné une adresse email, celle de leur fils, et je suis allée sur le deep web...

- Et après ? 

- Après de semaines de recherches, j'ai retrouvé des messages, des vidéos de torture en tout genre. 

Il éclate de rire et je reste là, sans rien dire. 

- Emillio est l'un des soldats les plus performants que l'on a. Une machine, ce garçon. 

Oui, je m'en doute à en voir les vidéos de décapitation et d'immolation que j'ai accidentellement vues - et qui m'ont traumatisé au plus haut point. C'est peut-être là que j'ai réalisé pour la première fois que j'avais mis les pieds dans des sables mouvants qui allaient se refermer sur moi. Il continue de prendre des notes et j'écoute le bruit de la pluie dehors pour faire le vide dans mon esprit et tenter de reprendre le cours de mes explications. Il faut que je lui dise la vérité mais que je sois claire et concise, ce qui n'est pas facile ; toutes mes recherches se sont étalées pendant des mois, des années en réalité. On a l'impression lorsque je raconte ça que j'ai trouvé toutes ces informations en quelques jours, or ce n'est pas du tout ce qu'il s'est passé. Il a fallu que je passe des appels, que je change d'ordinateur, que je fouille, que j'envoie des messages, que je code, durant des mois durant pour obtenir la plus petite poussière d'information. 

- Continuez. 

- D'habitude, vous savez, par exemple sur Google on peut importer une image et voir sur quels sites elle est hébergée. 

Il fronce les sourcils, son stylo toujours à la main. 

- J'ai inventé un programme pour qu'il fasse la même chose avec cette adresse email et ces vidéos, et j'ai atterri dans votre logiciel. KHEOPS, je cite. 

- Juste comme ça ? questionne t-il.

- Ca m'a pris des mois, je précise. Inventer le programme, le mettre en place, le tester, puis atterrir sur vos serveurs. Durant deux jours et deux nuits mon ordinateur a ramé pour passer tous vos pare-feux...

- Mais vous avez réussi. 

- Oui et ça a marqué un tournant dans ma quête de réponses. 

- Pourquoi ?