26.

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Nous gravissons les dernières marches de l'escalier jusqu'au deuxième étage. J'ai l'impression que je suis en train de me noyer. A côté de moi Marshall se tient bien droit, fier, toujours dans son uniforme de soldat comme nous l'interrompions dans son travail à chaque fois. Après avoir traversé le couloir côte à côte, il m'adresse un regard en coin et j'inspire à fond pour me calmer. Il frappe à la porte et il y a un petit silence avant que l'on entende " entrez ". Je fais un pas en avant lorsque la porte s'ouvre, et rentre dans la pièce sans accorder un regard à Di Casiraghi, assis à son bureau. Je souris plutôt à Victoria, surprise de me voir déjà de retour, et elle me propose de m'asseoir - ce que je refuse par acquis de  conscience, parce que je sais que métaphoriquement, je dois me tenir debout. Les bras croisés, le major fait les cent pas dans la pièce et un grand silence tombe. Je n'ose rien dire. 

- Et ben ? On va attendre là comme des cons ? demande Marshall au bout d'un moment.

Victoria se mord la lèvre. Je reprend mon souffle et tente un regard vers Thaddeus. Le choc qu'il y a lorsque ses yeux rencontrent les miens me bouscule comme si on m'avait giflée. Nous nous regardons droit dans les yeux pendant de très longues secondes, sans rien dire, et je sens bien que les deux autres commencent à s'impatienter. Finalement, Victoria déclare : 

- Ce n'est pas une bonne idée. 

- Si, réplique le major. C'est clairement une bonne idée. 

Le temps s'écoule mais à une vitesse très lente. Les dents serrées, j'observe le visage de celui qui a mis gravement ma vie en danger. Je ne sais pas si j'attend implicitement des excuses ou qu'il parle le premier, mais qu'il ne dise rien alors que j'ai failli mourir il y a vingt-quatre heures est insupportable. Plus précisément, la frustration est insupportable. C'est si dur pour lui d'avouer qu'il a commis une erreur ? Encore faudrait-il qu'il aie conscience de ce qu'il a fait et Dieu sait à quel point c'est compliqué. 

- Vous allez tout ruiner par votre égo de princes ! rugit la jeune femme. 

Etrangement, je ne prête pas attention à sa colère. Nous continuons à nous fixer et j'en ai mal aux yeux. J'ai mal de ce que j'y vois. J'ai mal de ce qu'il y a dans mes yeux à moi. Je crois que je pourrais le tuer de mes propres mains, en fait. Les secondes passent alors qu'Oxan et Victoria s'embrouillent en fond sonore, et nous, nous continuons à nous toiser silencieusement. Et soudainement : 

- On interrompt quelque chose, là ? demande Victoria. 

Thaddeus se lève et j'ai un mouvement de recul qui me fait buter dans un fauteuil. En essayant de reprendre une énième fois mon souffle, je continue de le regarder. Il se met debout près de son bureau, ses doigts négligemment posés dessus, et c'est la jeune femme qui reprend encore la conversation. 

- Thaddeus, ce n'est pas notre meilleure option, martèle t-elle. 

Il lève la main en l'air pour la faire taire, les yeux toujours rivés sur mon visage. Le clou n'est plus en train de s'enfoncer dans mon crâne, non, il l'a perforé, il l'a traversé et je saigne de ce trou qu'il y a comme un impact de balle au milieu de mon front. Je réalise que si Victoria se met dans cet état, c'est qu'il y a une raison et j'ai confiance en son jugement. Il relève le menton : à côté, Marshall se mord l'ongle du pouce et c'est au tour de la belle blonde de faire les cent pas. 

- J'ai près de quatre cent soldats pour éliminer l'armée de Corelli. On les connait tous, ils seront tous six pieds sous terre d'ici ce soir, dit-il. 

Il explique que ce sont les proches de Corelli, d'anciens collègues à lui, des gens qu'il connait et je déglutis au nombre de soldats qu'il indique. Quatre cent. Comment ça se fait qu'il en ai autant ? Ai-je été aveugle ? Pourtant ils ne sont pas quatre cent à vivre au domaine, loin de là : je dirais qu'ils sont au maximum une cinquantaine ici. Où a t-il trouvé tout ces gens ? 

ULTRAVIOLENCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant