Je reste assise sans rien faire, et Thaddeus s'adosse au mur de la maison derrière moi, les mains dans les poches. Par réflexe je me retourne pour ne plus lui faire face, et comme l'intégralité de toutes nos conversations, elle commence par un silence. C'est comme une phase d'adaptation pour moi ; j'ai besoin de quelques instants pour mettre mes barrières, me conformer à l'énergie mortelle qu'il dégage, et aussi pour me ressaisir.
- Vous allez l'air de bien vous entendre toutes les deux, commence t-il.
- Oui, je dis. Je me retrouve beaucoup dans son histoire.
Et c'est la vérité ; si j'apprécie Victoria plus que les autres, c'est parce que c'est la seule qui a une histoire à peu près semblable à la mienne et qu'avec elle, pour une fois, je me sens comprise. Pas méprisée du fait que je ne fasse pas partie de ce monde.
- Peut-être qu'un jour tu aimeras ce milieu, qui sait ?
Je ricane.
- Ça, ça m'étonnerait. Il a ruiné ma vie deux fois de suite, alors...
- Ne sous-estime pas l'attrait du crime, Violence, il est très fort.
- Pour vous, je dis. Pas pour les gens qui ont une vie normale comme moi.
C'est la nuit qui me répond, car il se tait. Bien sûr que non, je ne plongerais jamais dans ce genre de vie, même si le soi-disant attrait est très fort. Corelli a détruit ma vie pendant six ans, et Thaddeus est en train de faire de même ; je ne vois pas comment je pourrais envier ce milieu... Je jette un regard au croissant de lune au dessus de ma tête en me demandant si c'est la dernière fois que je la vois, et au fond, je n'espère pas. Un petit silence suit, puis il déclare :
- Tu penses que tu as une vie normale ?
- Oui, j'affirme. J'ai une conscience, des principes, je ne fais pas partie d'une organisation criminelle, donc oui.
Il éclate de rire.
- Tu crois que les gens normaux se font tirer dessus ?
- Ça peut, oui.
Derrière moi, sa voix s'élève encore une fois.
- Tu crois qu'ils cherchent à obtenir de l'aide de criminels pour simplement avoir des réponses ? Tu crois que les gens normaux contactent le côté obscur de la force ? se moque t-il.
Je reste interdite. Une espèce de vague de douleur monte dans mon âme, de plus en plus forte, et je me mords la lèvre pour contenir mes larmes. En effet, les gens normaux ne plongent pas la tête la première dans le crime en espérant y tirer leur épingle du jeu quand à une tentative d'homicide. Sur ce coup, il a raison ; et c'est difficile de l'avouer. Ça fait mal de se dire qu'il a raison, que je n'ai pas une vie normale, que j'ai dévié de ma trajectoire de vie initiale. Tout ce que je voulais, moi, c'était avoir un appartement et un travail et être heureuse - enfin si j'y arrivais un jour. Et je me retrouve où, maintenant, à cet instant précis ? En Italie, à deux mille cinq cent kilomètres de chez moi, à parler avec un meurtrier, après avoir passé trois ans recluse en Tunisie à traquer des assassins pour mon propre salut. Par égoïsme envers moi-même, peut-être parce qu'il me fallait le fin mot de cette histoire, je suis tombée trop bas, et même si je ne veux pas y concéder, il a raison.
- Tu n'a pas une vie normale.
- J'espère en retrouver une, un jour, je dis. Alors j'aimerais que tout ça se termine au plus vite.
- Je fais mon possible, Violence. Nous nous y mettrons demain.
Il y a un petit silence.
- Viens avec moi.
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ULTRAVIOLENCE
Любовные романыViolence vit recluse à Carthage depuis trois ans, préparant le jour où elle ira à Palerme pour chercher des explications. Et ce jour est enfin venu. Thaddeus n'est pas le genre d'homme qui transpire la sécurité, la bienveillance ou l'amour. Plutôt...