Huit mois plus tard.
Mes talons claquent en cadence sur le bitume du trottoir. Je rentre dans la poste, toujours aussi blindée de monde, et prend un ticket avant de patienter gentiment jusqu'a ce que mon tour arrive quinze minutes plus tard. J'indique à la dame que j'ai besoin d'un timbre pour envoyer à l'étranger, et elle me donne le petit carré de papier. Je lui tends à mon tour les cinq euros, elle me rend la monnaie et patiente que j'ai fini de coller le timbre.
- C'est à destination de quel pays ?
- L'Italie, je dis.
Elle hoche la tête, je lui souhaite bon courage et adresse un petit signe de tête à l'autre employé avant de sortir de la poste, mon pouls battant toujours dans mes tempes.
" Plus d'une demi-année s'est écoulée.
C'est comme ça que je choisis de commencer cette lettre qui t'es adressée. Huit mois depuis que je suis venue te demander ton aide à Palerme, huit mois depuis que tu m'a pendue par les pieds dans l'entrepôt, huit mois depuis que je suis partie. Je garde l'intégralité de ce qu'il s'est passé là-bas pour moi, et je me doute que tu le sais puisque je suis toujours en vie actuellement ; ce que tu ne sais pas, c'est que j'ai tout perdu à cause de cette omerta. Tu m'a dit que je me suiciderais en rentrant chez moi parce que le retour à la réalité serait trop dur, mais je suis toujours là, debout dans la tempête. Tes arguments ne s'appliquent plus à moi désormais. Tu n'a aucune idée de qui je suis, de ce que je pense, de ce que j'éprouve. Je n'ai jamais ressenti autant de calme dans ma tête depuis que j'ai franchi les grilles du domaine il y a de cela six mois, et c'est grâce à la capture de Corelli et des réponses que j'ai obtenu, et je ne suis pas prête de passer l'arme à gauche. Je crois que tout le monde s'est trompée. Enzo m'avait dit que je n'allais pas ressortir de cette affaire en un seul morceau, que j'allais le payer très cher, c'est vrai j'ai en effet payé très cher en sacrifices pour arriver à la fin de mon plan... Mais pour autant, c'est six ans de souffrances liés à ce traître qui sont derrière moi maintenant. Je n'ai pas d'espoir que tu répondes à cette lettre, pour être franche. Je ne sais même pas pourquoi je l'écris, peut-être par acquis de conscience envers moi-même ? C'est sûrement cela. Même si je n'ai rien dit à personne, même si tes arguments sont invalides, même si je vais plutôt bien de manière générale, les souvenirs restent, plus vivants que moi-même. Je me souviens d'absolument tout, Thaddeus. Je me souviens de m'être faite électrocutée par la Bête, je me souviens de notre rencontre, je me souviens de la première fois où tu m'a menacée de me tuer, je me souviens du quintuple meurtre auquel j'ai assisté. Je me souviens des corps, du cimetière, des cris des enfants que tu as torturé et tué. Je me souviens de Naples, quand tu as ravagé, de colère, cette pièce, en quinze secondes. Je me souviens du jour où j'ai failli mourir et où je me suis réveillée à l'infirmerie après avoir lutté pour passer de l'autre côté, je me souviens de la roulette russe que tu as fait. Je me souviens de cette pince dans ta main qui avait servi à arracher les ongles de Matteo Corelli, je me souviens des fantômes de la colère dans tes yeux. Toutes ces images sont gravés à jamais dans ma mémoire et je ne peux pas m'en défaire, ils me tourmentent sans arrêt, sans interruption, jour et nuit, nuit et jour. Et si je vais bien, ces souvenirs ne cessent de repasser devant mes yeux et me rappellent chaque jour qui je suis et ce que j'ai fait. Je n'ai pas eu la force de te le dire à Palerme, je n'ai pas la force de te le dire quand je suis rentrée, mais maintenant je sais qu'il est temps. Oui, je ne suis pas mieux que toi. Oui, j'ai aussi du sang sur les mains. Oui, je n'ai pas toujours fait les bons choix. Oui, parfois j'ai été idiote. Oui, je souhaite que Corelli périsse dans la souffrance la plus atroce. Coucher ces mots sur papier est extrêmement difficile mais je ne peut pas me le cacher à moi-même, plus après tout ce temps, et je crois que j'ai besoin de le dire à quelqu'un. Quelqu'un qui comprend.
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ULTRAVIOLENCE
RomanceViolence vit recluse à Carthage depuis trois ans, préparant le jour où elle ira à Palerme pour chercher des explications. Et ce jour est enfin venu. Thaddeus n'est pas le genre d'homme qui transpire la sécurité, la bienveillance ou l'amour. Plutôt...